Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

priétés héréditaires et particulières; » aussi ne les aliènet-il point sans le consentement exprès de ses fils 23.

Que Rodolphe consentît une hypothèque sur ses domaines privés, il n'y a rien là que de conforme aux droits d'un propriétaire. Mais que, de plus, il donnât en garantie, ici « la vallée de Schwyz, » là « une rente annuelle sur les hommes libres de Schwyz, » ceci ne peut s'expliquer que par des prérogatives d'une autre nature. Ces prérogatives, on ne peut guère les chercher ailleurs que dans l'exercice de la haute administration et de la puissance politique que, comme comtes du Zurichgau, les Habsbourg possédaient à Schwyz, et dont Eberhard (tout en conservant honorifiquement ce titre) avait transmis les droits utiles à son cousin Rodolphe, dans la vente qu'il lui avait faite. Ainsi la taxe mise sur la vallée, ou la redevance exigée des hommes libres de Schwyz, ce qui est évidemment un seul et même impôt, rentrait dans les attributions de cette souveraineté dynastique qui, nous l'avons déjà dit, tendait de plus en plus à se substituer à la simple délégation héréditaire des pouvoirs publics.

D'autres preuves, d'ailleurs, s'ajoutent à celle-ci pour montrer que c'était bien comme chef de sa maison, et non comme chef de l'Empire, que Rodolphe de Habsbourg tenait la vallée ou les hommes libres de Schwyz sous sa juridiction. Depuis que la tentative de ces derniers pour s'émanciper de la domination du comte Rodolphe le Taciturne avait échoué, cette domination avait passé à son fils, et de celui-ci au roi Rodolphe, qui l'avait acquise pour en faire un apanage de sa famille. C'est ainsi que s'explique, on l'a déjà vu, l'autorisation que donnent ses fils lorsqu'il s'agit d'hypothéquer les propriétés comprises dans le marché;

c'est ainsi que s'explique, à plus forte raison, la protection spéciale que l'un d'eux, Rodolphe, alors duc d'Autriche, accorde, en 1289, par l'entremise de l'un de ses officiers, le comte de Tilendorf, aux religieuses de Steinen à Schwyz, en enjoignant aux gens du pays d'avoir à s'abstenir envers elles de toute molestation et de toute demande d'impôt. Cette intervention souveraine aurait été sans motif comme sans effet, si le duc n'avait possédé sur la vallée sa part des droits de suprématie qu'y avait la maison de Habsbourg. On doit, par conséquent, envisager aussi comme des actes rentrant dans la compétence de cette dynastie princière, les injonctions adressées déjà, en faveur du même monastère de femmes, sans beaucoup de succès, quatorze ans plus tôt, aux gens de Schwyz, soit par Hartmann de Baldegg, préfet ou bailli (procurator) du roi Rodolphe, soit par la reine Anne, épouse de ce monarque 24.

C'est encore de la même manière qu'il faut interpréter deux rescrits de Rodolphe de Habsbourg, dans lesquels, quoiqu'il agisse en roi, il n'en rend pas moins des décisions qui montrent que Schwyz relevait directement de sa famille. D'après le premier de ces actes, dont la date n'est pas connue, il concède à tous les habitants de Schwyz (universis vallis de Swiz incolis) le privilége de n'avoir à comparaître en justice que « devant lui, ses fils, ou le juge de la vallée, sans être jamais contraints de sortir des limites de celle-ci 25. » C'est-à-dire qu'en réservant les droits personnels de souveraineté qui lui appartiennent, ainsi qu'à ses fils, il dispense, comme roi, les Schwyzois de se présenter aux assises publiques tenues par le juge du comté (Landrichter). A cette concession, alors fort recherchée, et que Rodolphe lui-même accorda à plusieurs villes, il en ajouta une autre

qui montre, comme la précédente, que les Schwyzois étaient assujettis à sa dynastie domestique, mais, en même temps, que c'étaient des sujets envers lesquels il avait des raisons de se montrer favorable. Le 19 février 1291, peu de mois avant sa mort, il déclare « à tous les hommes de condition libre qui sont à Schwyz » (universis hominibus de Switz liberæ conditionis), qu'il regarde comme malséant (inconveniens) qu'on leur donne pour juge (pro judice vobis detur) un homme de condition serve (aliquis servilis conditionis existens), et qu'il interdit que cela ait lieu à l'avenir. D'où l'on peut conclure, d'un côté, que ce juge, par où il faut entendre le représentant de l'autorité politique dans le pays, ou le Landammann, était imposé (vobis detur) aux gens de Schwyz et non pas élu par eux, et, d'un autre côté, qu'il avait été probablement choisi plus d'une fois parmi les employés subalternes qui étaient chargés de régir les domaines que les Habsbourg possédaient dans la vallée 26.

En accordant aux Schwyzois la double concession dont nous venons de parler, le roi Rodolphe leur octroyait incontestablement un précieux privilége, et il est probable que ce privilége était la récompense de quelque service rendu par eux. Peut-être ne s'écarterait-on guère de la vérité en cherchant dans des faits d'armes le motif de la libéralité royale. Quoi qu'il en soit, les concessions faites aux gens de Schwyz devaient avoir pour conséquence, d'un côté, de donner à leur communauté un caractère toujours plus uni et plus compact et de mieux assurer ainsi son existence, et, de l'autre, en plaçant à sa tête des hommes libres, d'arriver peu à peu à la faire régir par des magistrats tirés de son propre sein.

Rodolphe aurait pu sans doute aller plus loin encore : il aurait pu confirmer pour les gens de Schwyz, comme il l'avait fait pour ceux d'Uri, le diplôme qui les plaçait sous la mouvance directe de l'Empire, et les mettre ainsi en possession de l'indépendance politique qu'ils avaient momentanément possédée. On ignore si, lors de l'avénement de ce prince et au moment où, en rétablissant partout l'ordre dans l'Empire, il reconnut les libertés et les franchises d'Uri, les Schwyzois sollicitèrent de sa part la confirmation de la charte que Frédéric II leur avait accordée en 1240. Mais, dans le cas où ils auraient adressé cette requête au roi Rodolphe, celui-ci se serait refusé à y faire droit, car il avait déclaré qu'il ne reconnaîtrait, comme valables, aucun des actes faits par l'empereur Frédéric postérieurement à l'excommunication dont l'avait frappé le pape Grégoire IX 27. Or, comme nous l'avons vu, c'était à la suite de cette excommunication même, que les Schwyzois s'étaient déclarés pour Frédéric et avaient, en retour, obtenu de lui leur diplôme d'affranchissement.

Ce serait donc fermer les yeux à l'évidence, que de ne pas reconnaître l'incontestable état de subordination où les Schwyzois se trouvèrent placés, à l'égard de la maison de Habsbourg, pendant toute la durée du règne de Rodolphe. Ce serait, d'un autre côté, tirer de ce fait certain des conséquences exagérées, que de ne pas tenir également compte des indices qui attestent, d'une manière tout à fait irréfragable, l'existence permanente et l'indépendance de leur communauté. Nous avons vu que le langage et les concessions du roi Rodolphe suffiraient déjà à établir qu'il envisageait les hommes libres de Schwyz comme formant une petite société politique digne d'égards et de mé

nagements. Cette société possède d'ailleurs une organisation et des attributions qui équivalent, sur bien des points, aux avantages dont elle aurait joui sous le régime de la pleine autonomie.

A sa tête sont quatre ministres (Ammänner) tirés de son sein, parmi lesquels figurent les noms de Stauffach et d'Ab Iberg, et qu'il est difficile de ne pas envisager, sauf le principal fonctionnaire, comme des hommes de son choix. De ces quatre ministres, trois président très-probablement à l'administration des districts de Steinen, de Schwyz et du Muottathal, entre lesquels se divisait alors tout le pays. Le quatrième, ou Landammann (le juge dont il a été question plus haut), dirige la communauté entière des hommes libres et représente, plus peut-être qu'il ne les défend, les droits de souveraineté des Habsbourg. Réunis dans leur assemblée de commune, les Schwyzois répartissent les taxes, et, de même qu'à Uri, ils les imposent aux couvents de leur territoire, en dépit des inhibitions des autorités supérieures. Ils interviennent comme garants dans les transactions privées; ils accordent des récompenses à ceux qui se sont employés au service de la communauté, ce qui dénote de la part de celle-ci la libre gestion de ses affaires; ils possèdent un sceau commun, ce qui, nous l'avons vu, est un signe d'indépendance; ils prennent dans leurs actes publics le titre d'universitas et de communitas, et ils conservent celui « d'hommes libres 28. » Ils sembleraient, en un mot, jouir d'une indépendance égale à celle qu'avaient acquise leurs voisins d'Uri, n'était le revers de la médaille, où, au lieu du nom de l'Empire, se lit celui de l'Autriche.

L'Autriche, voilà quel était pour Schwyz le véritable et

« ZurückWeiter »