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consécration accordée par le roi Rodolphe aux franchises dont son prédécesseur Henri (VII) avait mis en possession les habitants de cette vallée. Sans doute, les témoignages d'affection dont, comme nous l'avons dit, il avait été l'objet de leur part devaient l'engager à respecter et à garantir leur modeste indépendance, mais il faudrait oublier et son caractère personnel et le caractère de son règne, pour croire qu'il se fût fait scrupule de reprendre une faveur dont se seraient, selon lui, montrés indignes ceux qui la possédaient.

Prenant au sérieux la tâche difficile qui attendait le souverain chargé de faire sortir l'Empire de l'état de confusion et d'anarchie, où l'avait plongé un interrègne de vingt ans, Rodolphe de Habsbourg fit preuve, dans l'exercice du gouvernement, de toutes les qualités qui distinguent un prince énergique et judicieux, prudent et ferme. Rétablir l'ordre, remettre chacun à sa place, réparer, autant que possible, les atteintes portées à la souveraineté impériale, refouler les usurpations, réprimer les empiétements, tel fut à l'intérieur le but essentiel de sa politique. Mais son ambition domestique fut aussi insatiable que son désir de relever le pouvoir impérial fut sincère, et il ne ménagea rien pour établir sur le plus grand pied sa famille dans le monde. C'est de lui que date la puissance de la maison de Habsbourg. Et ce n'était pas seulement par de vastes accroissements de territoire et d'importantes conquêtes, qu'il cherchait à doter les siens de riches apanages; il ne méprisait pas de moins grandioses acquisitions. Le centre de la Suisse, où il possédait déjà, par héritage, de nombreux domaines et des attributions politiques importantes, le centre de la Suisse devint l'objet spécial de sa convoitise, et il chercha à

s'emparer peu à peu de tout ce qu'il n'y possédait pas. Nous verrons que les gens de Schwyz firent à leurs dépens l'expérience de cette double tendance de Rodolphe, comme roi et comme Habsbourg. C'est précisément parce que les choses ne se passèrent pas de même pour les gens d'Uri, qu'on en peut conclure qu'en confirmant leurs libertés et en s'abstenant de convoiter leur territoire, il voulut rendre hommage à l'usage qu'ils avaient su faire de leur indépendance.

C'est dans cet esprit qu'il s'adresse, le 2 janvier 1274, <«< au ministre et à tous ses fidèles de la vallée d'Uri, » pour les informer qu'en reconnaissance de la manière dont ils se sont comportés envers lui et envers l'Empire, il désire maintenir et même étendre leurs libertés, leurs priviléges et leurs droits (libertates, honores, et jura non minuere, sed augere), s'engageant, comme le roi Henri (VII), à ne jamais les soustraire, sous aucune forme que ce soit, à la juridiction immédiate de l'Empire (inter speciales alumnos Imperii computare)". Forts de cette assurance, qui sanctionnait et renouvelait l'immunité momentanément perdue sous Frédéric II, puis récupérée sous son fils, les gens d'Uri continuèrent, pendant le long règne (1273-91) de Rodolphe I, à se gouverner, dans les limites de leur autonomie, comme ils l'avaient fait auparavant. C'est ainsi que le Landammann (minister vallis, Ammann von Ure) qui est tout à la fois le représentant du pouvoir royal et le magistrat suprême de la communauté, dans le sein de laquelle il est toujours choisi, c'est ainsi, disons-nous, que le Landammann placé à la tête du pays possède et exerce une juridiction qui va jusqu'à lui permettre de laisser comparaître devant lui l'abbé du couvent d'Engelberg, pour débattre

les questions litigieuses qui surgissaient entre ce couvent et les gens d'Uri. Ceux-ci de leur côté peuvent prendre des décisions dont ils remettent l'exécution à des hommes de leur choix qui agissent d'après leurs ordres (ad mandatum hominum vallis Uraniæ). Leur communauté, à laquelle la reine Gertrude, femme de Rodolphe I, recommande d'avoir des ménagements pour Engelberg, surtout « dans les hauts pâturages » (in Alpibus), leur communauté est ailleurs mise sur le même rang que ce monastère dont les priviléges, sinon le pouvoir, égalaient ceux d'Einsiedeln 1".

Rien ne fut donc changé dans la jouissance et l'exercice des droits de libre administration que la mouvance impériale directe conférait à Uri; mais quelque chose était changé dans la position où se trouvait Uri vis-à-vis du prince qui occupait le trône. Sous les Hohenstaufen, et à plus forte raison pendant l'interrègne, la vallée n'avait eu au-dessus d'elle que des monarques dont les intérêts personnels et privés ne pouvaient entrer en collision avec les siens. Le patrimoine des empereurs était alors fort loin des Alpes. Voilà ce qui fut changé par l'avénement du comte de Habsbourg, et, bien que Rodolphe, comme nous l'avons vu, se fût d'abord montré plein d'égards pour les gens d'Uri, ceux-ci n'étaient pas sans concevoir des inquiétudes. Ce prince étant, en effet, tout à la fois roi d'Allemagne (ou des Romains pour parler officiellement) et comte du Zurichgau et de l'Aargau, grand propriétaire dans les autres. Waldstätten, avoué de couvents voisins, il était à craindre que la tentation de s'arrondir ne prît chez lui le dessus, malgré ses bonnes intentions envers Uri. Il était à craindre, surtout, que la confusion des qualités n'entraînât celle des juridictions, et que les agents du comte, s'employant au

nom du roi, ne transformassent insensiblement la soumission que les gens de la vallée devaient au chef de l'Empire en une obéissance particulière rendue aux comtes de la maison de Habsbourg.

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Il n'est pas improbable que Rodolphe, qui était incertain de transmettre à sa famille la couronne d'Allemagne, tandis qu'il était sûr de lui laisser la juridiction comtale du Zurichgau, ait favorisé des équivoques qui devenaient des empiétements. Dans l'un des documents qui nous restent de cette époque, on voit un arbitre prendre le titre de juge du Zurichgau et de l'Aargau, » c'est-àdire une qualité qui désigne un officier du comte, en même temps qu'il intervient, entre Uri et Engelberg, <«< au nom et sur l'ordre du Roi11. » Cet exemple sert à faire comprendre comment les deux pouvoirs, représentés par le même agent, pouvaient se confondre au préjudice des franchises du pays d'Uri. Et il faut bien croire que ce ne sont pas là de vaines suppositions, et que ces franchises avaient été plus ou moins compromises pendant le règne du roi Rodolphe, sans que l'histoire en ait conservé les preuves, quand on voit, dès qu'il a pris fin, les gens d'Uri se hâter de placer sous la sauvegarde d'une alliance commune, en prévision d'un nouveau règne, les libertés qui leur tiennent à cœur. Quinze jours s'étaient à peine écoulés depuis la mort du roi, que le pacte qui a fondé la Confédération suisse était conclu, le 1er août 1291, entre les trois États forestiers.

Avant d'en rechercher le but et d'en examiner les clauses. nous devons montrer comment les vallées de Schwyz et d'Unterwalden furent conduites à y prendre part.

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Nous avons laissé les hommes de Schwyz placés, vis-àvis du comte Rodolphe de Habsbourg, dit le Vieux, grandpère du roi du même nom, dans une situation mal définie, et qui, par cela même, était de nature à faciliter, de la part du comte, les tentatives d'usurpation dynastique et à inspirer aux Schwyzois, d'un autre côté, le désir de se mettre en possession de l'indépendance à laquelle il leur était permis d'aspirer. On ignore laquelle de ces deux tendances prédominait alors dans le pays de Schwyz. On sait seulement qu'au moment de la mort du comte Rodolphe (10 avril 1232), son fils cadet, portant le même nom que lui et surnommé le Taciturne, fit avec son frère Albert un partage de famille, dans lequel lui échurent en propre les biens paternels situés dans les Waldstätten, tandis qu'il retint indivisément avec son frère le landgraviat d'Alsace et la charge de comte du Zurichgau 12. Il possédait ainsi, dans la vallée de Schwyz, des droits de propriété et de juridiction semblables à ceux de son père, et qui menaçaient par conséquent de rendre de plus en plus imprescriptible au sein de cette vallée la domination de sa maison.

Le 13 décembre 1239, Albert de Habsbourg mourut, laissant trois fils dont l'un était entré dans l'Église et dont les deux autres, Rodolphe, futur roi, et Hartmann, avaient reçu de lui, au moment où il partait pour la croisade, la donation de ses dignités et de ses biens (duobus dignitatem dominiumque commisit). Mais, au bout de peu d'années,

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