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turelle. S'il ne put pas, pour le moment, donner suite à ses projets de rébellion, il les reprit trois ans plus tard et forma alors, avec les villes de Lombardie, une coalition séditieuse, dont Frédéric II eut promptement raison2.

Mais, quels qu'aient été les motifs qui le portaient à reprendre au comte de Habsbourg les droits que ce dernier avait acquis sur les habitants de la vallée d'Uri, ces motifs devaient être d'autant plus impérieux, qu'en agissant de la sorte, le roi Henri se mettait en contradiction avec le décret qu'il venait de rendre quelques jours auparavant (1er mai 1231), pour garantir aux princes ecclésiastiques et séculiers l'entière et libre jouissance de leur souveraineté . D'un autre côté, il est probable que le comte de Habsbourg, qui mourut dans l'année, avait reçu pour le rachat de ses droits (redemimus), une compensation qu'il jugea suffisante, car on ne voit pas que ses fils aient jamais adressé sur ce sujet à Frédéric II, dont ils furent aussi les zélés partisans, aucune réclamation. Quoi qu'il en soit, ce qu'il nous importe surtout de constater, c'est que le diplôme d'affranchissement ou « d'exemption » (vos exemimus) adressé par le roi Henri (VII) « à tous les hommes établis dans la vallée d'Uri, » doit être envisagé comme la cause prochaine de leur émancipation politique, de même que la cause lointaine de celle-ci doit être cherchée, nous l'avons vu, dans la donation qui fut faite à l'abbaye de Zurich du domaine royal que l'empereur Louis le Germanique possédait dans le petit district d'Uri. Mais ni l'une ni l'autre de ces circonstances n'aurait eu pour effet la création d'un peuple libre, si chez ce peuple même, tout chétif qu'il était, n'avait existé cette passion de l'indépendance qui, toujours éveillée et toujours prévoyante, sait tirer parti de

tout. L'immunité, comme on disait alors, successivement. octroyée par deux rois, devint ainsi le fondement de la liberté d'Uri, et, par suite, de la liberté suisse. Nul ne peut ravir au plus pauvre de tous les États confédérés l'honneur qui, du reste, ne lui est pas contesté, d'avoir posé la première pierre dans la première assise de l'édifice fédéral.

Sans revenir sur les avantages attachés, pour un territoire et une population, à leur mouvance directe de l'Empire, il suffit de rappeler qu'alors c'était entre le maintien de cette forme de gouvernement et l'établissement des souverainetés particulières, que se partageait le développement politique du grand corps qu'on appelait le saint Empire romain. L'émancipation absolue, en droit et en fait, n'existait à aucun degré pour les peuples compris dans ce vaste et incohérent ensemble; ceux qui étaient placés, comme on disait, « sous les ailes » de la suzeraineté impériale, travaillaient à rendre de plus en plus nominales la subordination et l'obéissance qu'ils lui devaient, ce qui, dans l'état de dislocation et de marasme où la lutte entre les derniers Hohenstaufen et la papauté allaient jeter l'Empire, rendait de jour en jour plus marqués leurs progrès vers l'indépendance. Ceux, au contraire, qui ne jouissaient pas de ce privilége, voyaient, par la même raison, s'approcher de plus en plus de sa réalisation définitive la transformation dès longtemps commencée, qui devait des hauts fonctionnaires faire des souverains, des circonscriptions administratives des principautés, et des ressortissants d'un grand empire les sujets de petites dynasties. Le treizième siècle est le moment où ces deux tendances se livrent une. lutte suprême, qui se termina, suivant les lieux, avec des

succès divers. C'est à ce conflit entre les souverainetés princières qui, comme des astres nouveaux, prennent leur place dans le ciel de l'Empire aux dépens du soleil impérial, et les communes bourgeoises ou rurales qui, sans sortir du système, cherchent à y devenir, autant que possible, des satellites indépendants, c'est à ce conflit que se rattachent directement, en Suisse, l'origine comme les premiers développements de la Confédération.

Quelque important qu'ait été dans cette œuvre d'affranchissement le rôle des villes, qui, sur le territoire helvétique, suivirent l'exemple de celles de Lombardie et des bords du Rhin, ce ne sont pas elles, cependant, qui ont jeté les bases de cette Confédération. Bien qu'elles fussent parvenues les premières à la possession des franchises municipales, elles ne surent pas s'élever d'elles-mêmes jusqu'à former ce contrat d'assurance mutuelle, qui établit une perpétuelle union entre des communautés indépendantes. Après s'être isolément émancipées, les villes de Berne, Fribourg, Zurich, Soleure, formèrent bien entre elles, ou avec des voisins, de rares et passagères alliances, mais elles ne constituèrent point une ligue aussi fortement organisée que celles des cités lombardes ou des villes rhé, nanes, bien moins encore conçurent-elles la pensée d'une perpétuelle fédération. C'était à des montagnards, et non à des bourgeois, roturiers ou nobles, qu'était réservé, sur le sol suisse, le privilége d'en concevoir le dessein, et, ce qui fut plus étonnant encore, de le réaliser.

C'est là ce qui caractérise excellemment les origines de la Confédération helvétique; car, d'avoir, comme tant d'autres, formé et accompli le projet d'abriter sous une alliance commune des libertés particulières, ce n'est pas de quoi

distinguer la ligue des Waldstätten de toutes celles qui surgirent alors. Mais d'avoir, dès le principe, déclaré cette ligue perpétuelle, et d'avoir, à travers les siècles, réussi jusques à maintenant à lui conserver ce caractère, c'est ce qui la rend unique dans son genre et l'élève au-dessus de toutes les entreprises semblables dont pas une n'a survécu. Ce résultat est d'autant plus remarquable, que partout ailleurs les campagnes, si elles ont essayé (ce qui fut rare) de sauvegarder leur indépendance, l'ont perdue bien plus vite que les communes urbaines. Mais il est vrai de dire aussi que les rustiques peuplades des Waldstätten se trouvaient, grâce à leur position géographique, dans une condition analogue à celle des habitants des villes. Renfermées dans l'étroite enceinte de leurs vallées comme dans les murailles d'un bourg ou d'une cité, plus concentrées sur ellesmêmes que les populations mêlées au mouvement général de la société contemporaine, elles trouvaient dans leur situation particulière les occasions et les motifs de former ces groupes unis et compacts qui donnent à la vie publique sa consistance et sa durée.

Il semble qu'à cet égard la vallée d'Uri était spécialement prédestinée à parvenir la première au rang d'une communauté libre. Que les hommes d'Uri aient sollicité le roi. Henri (VII) de les affranchir de la souveraineté du comte de Habsbourg, ou que ce soit le roi lui-même qui ait spontanément cherché à les gagner à sa cause, en les plaçant sous la mouvance directe de l'Empire, il n'en demeure pas moins certain que leurs traditions, leur homogénéité, leurs intérêts, les préparaient tout particulièrement à inaugurer, parmi les populations des Waldstätten, le régime de l'indépendance, dans les conditions où il était alors possible.

Nous avons indiqué plus haut de quels éléments se composait, selon toute vraisemblance, la communauté des gens d'Uri. Nous l'avons vue, pour ainsi dire, à l'état embryonnaire. Elle apparaît maintenant, sinon dans toute sa croissance, du moins dans toute sa vitalité.

Lors même qu'à côté d'elle le pouvoir royal s'exerce occasionnellement sur l'ensemble du pays, par l'entremise d'un avoué ou d'un bailli (Reichsvogt), et qu'il y possède en outre des fonctionnaires à poste fixe (officiati et procuratores), qui sont naturellement revêtus d'une autorité supérieure à celle de la communauté, celle-ci n'en jouit pas moins elle-même d'une action qui lui appartient en propre. On en trouve la preuve dans un rescrit du roi Henri (VII), daté du 26 avril 1234, et où il interdit « au ministre et à tous les hommes d'Uri » (ministro et universis hominibus Urania), comme il le faisait l'année précédente (5 juin 1233) aux fonctionnaires que nous venons de mentionner, de soumettre à aucun impôt les personnes qui, dans la vallée d'Uri, dépendent du couvent de Wettingen, fondé en Argovie, sept ans auparavant, par le seigneur de Raperschwyl *.

Que le ministre (Ammann), placé à la tête de l'ensemble des gens d'Uri, fut choisi par eux ou élu par le roi, sa présence indique déjà que leur communauté était en possession d'une organisation légale et d'une existence distincte, dont la consolidation et les développements sont confirmés du reste par d'irrécusables témoignages. La défense même qui est faite à la communauté d'imposer les hommes de Wettingen, montre clairement qu'elle s'attribuait le droit de lever et de répartir des taxes, à son profit, sur tous les habitants de la vallée, et qu'elle avait la volonté de les faire

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