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longue des auteurs qu'il dit avoir consultés et dont il discute souvent les assertions contraires, avant de présenter la sienne.

La distribution des matières de son ouvrage reposant sur la division topographique de la Suisse, Stumpff revient, chaque fois qu'il s'occupe de l'une des trois vallées d'Uri, de Schwyz ou d'Unterwalden, sur leur primitive histoire, et, dans ce qu'il en dit, il n'est pas toujours d'accord avec lui-même. Nous en verrons tout à l'heure des exemples. Tandis qu'il reproduit, sur les origines gothiques et suédoises des Waldstätten, les rêveries de Pünti ner et de Fründ, qu'avait également copiées Etterlin, c'est à Justinger que Stumpff emprunte, en la développant, l'idée d'une lutte engagée vers 1260 entre les habitants des trois vallées et les baillis impériaux, auxquels, pendant la vacance de l'Empire, était remis, à ce qu'il s'imagine, le gouvernement de ces petits pays.

« A la suite de cette lutte qui dura douze ans, les baillis, dit-il, et la noblesse qui leur prêtait son appui, furent battus et chassés du pays. C'est alors que l'on construisit, comme moyens de défense, une tour à Sattel et une tour à Stanzstadt. Le roi Rodolphe de Habsbourg étant monté sur le trône en 1272 (1273) chercha à réconcilier les nobles et les Waldstätten, et il plaça ceux-ci sous la dépendance de la maison d'Autriche. Mais cet état d'assujettissement ne fut pas de longue durée; des actes authentiques attestent que les trois vallées rentrèrent bientôt, pour n'en plus sortir, sous la mouvance directe de l'Empire et sous le gouvernement de baillis impériaux. Le roi Albert fut luimême forcé, malgré le désir qu'il avait eu d'annexer les Waldstätten au patrimoine de sa famille, de respecter leur

indépendance. Celle-ci fut de nouveau menacée pendant l'interrègne qui suivit la mort du roi Henri VII, et après lequel intervint la double élection de Louis de Bavière et de Frédéric d'Autriche. La noblesse voulut saisir cette occasion de se venger des paysans qui jadis l'avaient expulsée, et elle trouva, dans les princes autrichiens et dans le bailli impérial de Schwyz et d'Uri, Gesszler leur client, de zélés auxiliaires. >>

« Les Waldstätten, continue Stumpff, se prononcèrent tout naturellement en faveur de Louis de Bavière, et de là surgit, entre eux et les baillis qui tenaient pour l'Autriche un dissentiment à l'occasion duquel ces derniers tentèrent d'empiéter sur les libertés des trois vallées. Une ligue secrète fut donc conclue entre quelques citoyens, dans une prairie dite au Rütle, et la noblesse en conçut de vives inquiétudes. Aussi, pour savoir à quoi s'en tenir sur cette conspiration, suggéra-t-elle au bailli Gesszler l'idée de faire placer au bout d'une perche érigée sur la place d'Altorf, un chapeau, auquel chacun serait tenu de rendre les mêmes hommages qu'au bailli lui-même. En prenant note de ceux qui s'y refuseraient, on serait mis sur la trace des auteurs du complot. >>

Gessler fait ce qu'on lui demande; Guillaume Tell contrevient à ses ordres; interrogé sur la conjuration, il déclare ne rien savoir. Pour en obtenir de plus explicites aveux, Gessler lui offre l'alternative, ou de tout confesser, ou d'avoir à abattre avec son arbalète une pomme placée sur la tête de « son plus jeune fils. » Guillaume Tell préfère ce dernier parti. Ici Stumpff reproduit le reste des aventures de Guillaume Tell d'après la version d'Etterlin; il place seulement le meurtre de Gessler « quelques jours »

après l'aventure du lac. Ensuite il indique sommairement, parce qu'il y revient ailleurs, les méfaits et la mort du bailli d'Unterwalden, « né de Landenberg, » et l'entrevue de Gessler et de Stauffach. « Ce fut là-dessus, dit-il, que trois hommes, à savoir Guillaume Tell d'Uri, Stouffacher de Schwyz, et un d'Unterwalden, s'engagèrent par serment à délivrer le pays de la tyrannie des baillis; leur nombre s'étant accru et le peuple s'étant soulevé, la noblesse fut de nouveau expulsée, quelques-uns de ses membres furent tués, et tous les châteaux furent détruits. Cela se passa dans l'été de l'année 1314. »

Stumpff reprenant ailleurs cette même date, à propos de Schwyz, dit: « Alors Gesszler et sa séquelle se livraient à toutes sortes d'excès envers les pauvres gens, dont ils jetaient les uns en prison, tandis qu'ils enlevaient aux autres leurs femmes et leurs enfants pour les déshonorer. >> Le chroniqueur cite, à l'appui de son dire, Tell et Stauffach. C'est celui-ci qui, inquiet des paroles équivoques de Gessler, se rend à Uri sur le conseil de sa femme, et s'y engage par serment, avec Guillaume Tell et un d'Unterwalden, à affranchir le pays. Là-dessus, ajoute Stumpff, Gessler fit saisir Guillaume Tell, qui lui échappa et le tua. « C'est alors que les Schwyzois ont rasé le château de Rogkenberg et détruit la bonne forteresse de Schwanow, dans le petit lac de Schwyz, qu'on appelle le lac Lowerz. »

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Quant à l'Unterwalden: « Dans une vallée qui, du nom de la Melch qui l'arrose, est appelée Melchthal, du temps du roi Louis (1314), un bailli qui résidait au château de Landenberg, voulut, sans motif, enlever à un paysan une paire de bœufs, disant que les paysans devaient eux-mêmes tirer la charrue, les traîneaux et les chariots. » Bientôt après le

même tyranneau voulut contraindre la femme d'un paysan « d'Atzelen, » en l'absence de son mari, à lui préparer un bain et à y entrer avec lui. La femme prépare le bain, envoie secrètement un messager à son mari, qui revient en toute hâte et tue d'un coup de hache le bailli dans le bain. « Ceci doit avoir été une des causes du soulèvement, et ce paysan doit avoir été le troisième confédéré qui s'allia avec Guillaume Tell d'Uri et Stouffacher de Schwyz. » A Sarnen il existait un château fort, « où quelques-uns prétendent que résidaient ceux de Landenberg; » il fut pris par ruse, le jour de Noël 1314, par les paysans, pendant que le seigneur était à l'église; celui-ci vida immédiatement le pays avec son monde et tout ce qui fut trouvé dans le château fut égorgé 34.

Nous avons donné avec quelque étendue le récit dispersé de Stumpff, parce que l'on peut y voir combien la tradition était chose encore incomplétement admise et mal affermie. dans l'opinion, puisque le savant historien ne se trouve d'accord, en la rapportant, ni avec ses prédécesseurs, ni avec lui-même. Il attribue aux événements de la légende une date toute nouvelle, celle de 1314, qui, pour être plus plausible que celles de 1296, de 1298 ou de 1300, n'est cependant pas plus historique. Il flotte entre la version d'Uri et celle d'Obwald, sans suivre ni l'une ni l'autre.

Tantôt il place Tell à la tête du trio des confédérés, qui se serait formé à la suite du meurtre de Gessler; tantôt il attribue à Stauffach l'initiative de la confédération, qui aurait précédé, au contraire, les aventures et la vengeance du citoyen d'Uri. Il ne sait pas mieux à quoi s'en tenir sur l'origine de l'alliance. Tantôt il la fait sortir de la conjuration secrètement formée par des conspirateurs

anonymes « sur la prairie du Rüdle; » tantôt il la rattache expressément à l'accord conclu entre Stauffach, Guillaume Tell et le citoyen d'Unterwalden, «< qui doit avoir été le paysan d'Atzelen. » Du nom de celui-ci, il ne sait rien, de même qu'il ignore, en ce qui concerne le vieux campagnard du Melchthal, non-seulement son nom, mais encore l'intervention violente de son fils qui, d'après la légende, aurait été le prétexte de l'acte de barbarie commis contre lui. Le tyran de l'Unterwalden, dont Stumpff disait, la première fois qu'il en parle, qu'il était « né de Landenberg, » est ensuite présenté comme un personnage anonyme qui demeure « au château de Landenberg, » et. enfin, lorsqu'il a été tué à Altzellen, on voit un autre seigneur, également innommé, occuper le château fort de Sarnen, « où, résidaient, dit-on, ceux de Landenberg. »

Quant à l'épisode de Tell, Stumpff y introduit des détails tout nouveaux, destinés à le rendre plus vraisemblable; pour expliquer l'érection de la perche symbolique et la punition que Gessler inflige à Tell, il a inventé la conspiration du « Rüdle, » qui est ignorée de tous ses devanciers, mais qui donne à ce double incident un tour plus plausible; il a également voulu conserver la vraisemblance en ne plaçant pas le meurtre du bailli le soir même de la scène d'Altorf. Mais, en altérant à bon escient la version courante, il n'en fait que mieux ressortir l'incertitude.

Toutes les oscillations, les retouches, les variantes, les corrections auxquelles, pendant la première moitié du seizième siècle, la tradition nationale est ainsi livrée, montrent assez que l'on a affaire à une légende d'origine récente, qui, dans ses portions essentielles tend de plus en plus, il est vrai, à s'établir et à se propager, mais qui n'a pas encore poussé

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