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lettre, datée de 1444, « nous avons, par la grâce de Dieu, directement appartenu au Saint-Empire romain, et il y a bien des siècles que nos ancêtres ont pris part, pour le service des empereurs et des rois des Romains, à des expéditions, soit à Rome, soit à Byzance, soit en d'autres pays éloignés 7. » L'historiographie de Püntiner avait trouvé chez ses confédérés un accueil d'autant plus prompt, qu'elle servait tout à la fois à satisfaire leur orgueil et à défendre leurs intérêts.

C'était sous l'influence du premier de ces motifs, qu'à la même époque un magistrat de Schwyz, voulant rehausser l'extraction de ses concitoyens, que leurs adversaires politiques cherchaient à dénigrer comme n'étant que de vils paysans, composa un traité ex professo, aujourd'hui perdu. sur les origines des Schwyzois. Cet écrivain, natif de Lucerne, mais secrétaire d'État à Schwyz, s'appelait Jean Fründ, et voici, d'après ce que nous en ont appris les auteurs plus récents qui l'ont consulté, ce qu'il racontait à ce sujet :

« Du temps du roi Gisbert en Suède et du duc Christophe en Frise, il y eut une si grande famine, que 6000 Suédois et 1200 Frisons désignés par le sort furent forcés d'émigrer avec femmes et enfants, après s'être promis par serment de ne jamais se séparer. Divisés en trois troupes, qui étaient placées sous le commandement général de Switerus, chef de l'une d'elles, tandis que Rumot et Ladislas étaient à la tête des deux autres, ils arrivèrent près du Rhin, et, après avoir battu les ducs francs, Priamus et Pierre de Paludibus, qui leur faisaient résistance, ils poussèrent jusque dans le pays de Brockenbourg, où se trouve aujourd'hui Schwytz. Les comtes de Habsbourg leur per

mirent de s'y fixer. Mais, plus tard, leur nombre s'étant accru, ils se partagèrent le pays en renouvelant leur alliance; Switerus et son frère Tscheio occupèrent Schwyz et Uri jusqu'à la frontière lombarde. Mais, s'étant pris de querelle au sujet du nom qu'il fallait donner au pays, le premier des deux frères avait tué l'autre, en sorte que le nom de Swiz, tiré de Switerus originaire de la ville royale de Suecia, était demeuré. Rumot avait occupé l'Unterwalden, et Ladislas, avec ses Frisons, s'était rendu, en passant la montagne noire, dans le Wyssland près des sources de l'Aar, et avait donné à ce pays le nom de la ville de Hasle en Suède. Plus tard, toutes ces peuplades s'étaient coalisées avec Radagaise et Alarich, les rois goths, pour porter secours au Pape et à l'Empereur contre les rebelles; après quoi ils avaient encore accompli bien des hauts faits, »>< c'est-à-dire tous ceux déjà narrés par Püntiner.

Ce que nous avons dit de ce dernier auteur et de ses inventions s'applique plus directement encore au secrétaire d'État de Schwyz et à ses fantais es historiques; il suffit de les avoir reproduites pour montrer ce que peut se permettre la légende, quand elle a pris son vol dans le pays des chimères. C'est pourtant de là que vient la créance, encore aujourd'hui répandue, sur les lieux mêmes et au dehors, que les habitants des Waldstätten sont d'une autre race que les populations voisines, et que c'est dans les plus lointains parages du Nord qu'il faut chercher leur berceau. Mais il n'est plus nécessaire de réfuter ces puérilités ethnographiques, où tout est de pure invention, et l'on peut, sans scrupule comme sans discussion, reléguer Switerus là où sont allés Romulus, Francion et Lemanus. Schwyz n'y perdra pas plus que n'ont perdu Rome, la France et Genève, pour ne point

parler de tant d'autres, à ne pas compter des fantômes parmi leurs aïeux.

Mais, du temps de Fründ, on ne l'entendait pas ainsi, et un ennemi déclaré des Schwyzois, le chanoine Hemmerlin de Zurich, ne voulut pas laisser cette auréole planer sur leur berceau. Procédant par étymologie, comme le panégyriste de Schwyz, il établit, dans son Dialogue sur la rusticité et la noblesse, dont un chapitre a pour titre : « De l'origine, du nom et de la confédération des Suisses, » il établit, disons-nous, que « c'est de switten (suer) que vient le nom de Switenses ou Switzer, » et que, bien loin d'être de, meilleure race que leurs voisins, les montagnards suisses ne sont que les restes d'une colonie de prisonniers de guerre saxons, transportés par Charlemagne dans ce pays pour garder la route du S-Gothard, en sorte qu'ils ont conservé toute la rusticité féroce du peuple dont ils descendent. «Mais comme ils se montrèrent,» ajoute Hemmerlin, « de fidèles défenseurs du passage des Alpes, le susdit empereur, voulant conserver la mémoire de la sueur de sang qu'ils avaient suée à son service, leur accorda de porter à perpétuité une bannière couleur rouge pur, telle qu'ils la portent encore aujourd'hui. »

On voit que les notions historiques d'Hemmerlin valent celles de Püntiner et de Fründ, et que, dans cette discussion ethnographique à coups de légendes, on peut renvoyer les parties dos à dos. On peut mettre également hors de cour, sans débat, les diverses hypothèses qui ont succédé aux leurs et qui toutes ont pour but d'assigner aux Waldstätten une origine nationale différente de celle des populations qui les avoisinent. Tous les historiographes suisses, jusqu'à Jean de Müller, ont soutenu cette insoutenable

thèse, sur la vanité de laquelle il est inutile d'insister davantage. Laissant donc de côté les variations successives qu'elle a subies, nous pouvons passer des légendes ethnographiques aux légendes anecdotiques qui se sont enlacées autour de l'antique tronc des annales suisses.

IV

LES LÉGENDES ANECDOTIQUES. LEUR FORMATION

1. UNE LÉGENDE ISOLÉE

Ici encore c'est Hemmerlin, l'un des fabricateurs des généalogies fantastiques, que nous retrouvons le premier parmi les auteurs des inventions romanesques. Après avoir expliqué l'origine nationale des Schwyzois, il prétend expliquer aussi l'origine de la confédération à laquelle ils ont donné leur nom. Nous avons vu que déjà Justinger ne s'y retrouvait plus; le chanoine de Zurich, tout instruit qu'il devait être, et tout instruit que, pour son temps, il se montre en effet, s'y retrouve moins encore. Voici, selon lui, comment l'alliance fédérative des Suisses aurait été fondée 10 10:

« Il arriva une fois, » dit-il, « qu'un certain comte de Habsbourg, duquel l'illustre maison des ducs d'Autriche tirait son origine, et qui était seigneur naturel des Swites, avait installé, dans un certain château de Lowerz, un châtelain qui devait gouverner en son nom toute la vallée. Ce châtelain fut tué par deux Schwyzois dont il avait séduit

la sœur, et le comte ayant voulu les punir de cet attentat, deux autres Schwyzois, leurs parents, s'unirent à eux pour * conspirer contre leur seigneur. Bientôt à ces quatre s'en joignirent dix autres, puis aux dix vingt, et peu à peu tous les habitants de cette vallée, refusant obéissance à leur seigneur, se confédérèrent contre lui. Ils détruisirent le susdit château, dont les ruines se voient encore aujourd'hui dans un lac, et ils donnèrent ainsi naissance à la Confédération. Des montagnards voisins, appelés Unterwaldois, dont le seigneur, nommé de Landenberg, assistait aux matines le jour de Noël, envahirent son château de Sarne, l'empêchèrent d'y rentrer, dévastèrent sa demeure et se confédérèrent contre lui avec les Schwyzois. Après eux les Lucernois, ayant détruit le château du baron de Rothenbourg, situé dans leur voisinage, entrèrent de même dans la confédération, puis les Bernois, puis la ville de Zug, puis la vallée d'Uri, qui avait été sous la puissance de l'abbesse de Zurich, puis les gens de la vallée de Glaris, qui relevaient de l'abbesse de Seckingen, enfin les Zurichois. >>

Combien il fallait que la mémoire des événements les plus faciles, ce semble, à retenir ou à constater, se fut effacée des esprits, pour que le pays d'Uri, qui le premier avait joui de l'indépendance et autour duquel s'étaient groupés les deux autres Waldstätten, n'occupe dans la formation de la Confédération que la sixième place, et que Zurich soit reléguée après Berne, Glaris et Zug. De quel épais brouillard n'était pas enveloppé, à cette époque, le souvenir des faits historiques, pour qu'à soixante ans de distance, la destruction du château de Rothenbourg, qui avait eu lieu en 1385, fut rapportée à l'époque, anté

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