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vilége de n'avoir jamais à comparaître devant aucun tribunal séculier (sauf le sien) hors des limites de leur territoire, et d'être placés sous la juridiction immédiate de son bailli, tenant ses assises au milieu d'eux (coram Advocato nostro provinciali intra fines vallis). Ce bailli, ou préfet impérial, étant le même pour les trois vallées, formait entre elles un lien de plus, et cette unité hiérarchique contribuait encore à leur assurer toujours davantage une existence à part, à côté de leurs voisins qui se trouvaient tous placés sous la dépendance indirecte ou immédiate de l'Autriche. Le comte Werner de Homberg fut le premier spécialement investi de cette charge nouvelle (phleger des Rœmschen Richs in dien Waltstetten), qui fut exercée plus tard, durant le règne d'Henri VII, par Rodolphe de HabsbourgLaufenbourg, seigneur de Raperschwyl et par Eberhard de Bürglen, comme baillis de l'Empire dans la haute Allemagne 30.

Le roi Henri VII, qui avait promis aux ducs d'Autriche de les maintenir en possession de tous leurs priviléges, n'avait point tenu sa parole, cela est évident; mais, la question de bonne foi réservée, outrepassait-il son autorité? Nous ne le pensons pas. Le chef de l'Empire était, en théorie, le suprême dispensateur du droit, et les princes qui lui demandaient la confirmation de leurs priviléges et l'inféodation nouvelle de leurs territoires reconnaissaient par cela même qu'il était le maître de ses décisions. Mais cette prérogative absolue du monarque était tempérée, en fait, par sa propre faiblesse et par l'espèce de prescription que l'hérédité, depuis longtemps incontestée, avait établie en faveur des possesseurs actuels. Néanmoins, quand cette prescription avait été plus ou moins rompue et qu'elle

provoquait des protestations dignes d'être écoutées, le chef de l'Empire pouvait se croire permis (surtout si en agissant ainsi il nuisait à des adversaires), d'écouter les plaintes qui lui étaient adressées et d'y faire droit. C'est ce qui était arrivé dans le cas des Waldstätten. Henri VII, qui avait des motifs bien ou mal fondés de se défier de l'Autriche, et par conséquent de l'affaiblir, saisissait l'occasion d'atteindre ce dernier résultat, en accueillant les réclamations de populations qui ne s'étaient jamais franchement soumises à la domination de cette maison. C'était son intérêt, et c'était aussi son droit, de satisfaire les vœux de ces petites communautés, qui (deux d'entre elles du moins) avaient déjà vu plus d'une fois leur indépendance politique reconnue et consacrée par ses propres prédécesseurs.

Mais les ducs d'Autriche ne l'entendaient pas ainsi, et ils auraient été infidèles aux traditions comme aux intérêts de leur famille, s'ils avaient laissé s'accomplir, sans mot dire, ce qu'ils regardaient comme une spoliation. Toutefois ils étaient, en ce moment, assez mal avec Henri VII, pour ne pas songer à réclamer l'exécution des engagements qu'il avait contractés envers eux, et pour avoir plutôt à prendre leurs précautions contre les hostilités dont ils se croyaient menacés de sa part. Ils se trouvaient engagés dans la poursuite des meurtriers de leur père, que le roi Henri VII n'avait point encore voulu, malgré leurs instances, mettre au ban de l'Empire, et dont ils avaient résolu de tirer eux-mêmes vengeance, sans miséricorde ni merci. Mais, en entreprenant cette expédition impitoyable, ils voulurent se mettre à l'abri des attaques auxquelles les Waldstätten, sur l'instigation du roi Henri VII, auraient pu se livrer contre eux.

Ce fut dans ce but qu'ils conclurent, le 2 août 1309, avec Zurich, qui tenait alors pour eux, un traité d'alliance défensive 1. D'après ce traité, cette ville s'obligeait à fermer ses marchés aux gens des Waldstätten, dans le cas où, sous la conduite du bailli impérial Werner de Homberg, ils entreraient en campagne contre l'Autriche, pendant que les ducs faisaient le siége du château de Schnabelbourg, sur l'Albis, résidence de Walter d'Eschenbach, l'un des assassins de leur père. Mais Zurich était relevée de son obligation, si le roi Henri lui interdisait de s'y conformer supposition qui prouve, comme le prouve aussi le commandement militaire dévolu sur les Waldstätten au bailli impérial, que c'était bien pour le service de Henri VII que les Waldstätten prenaient les armes. Ce monarque ne leur avait témoigné tant de faveur, qu'avec le désir de tenir en échec, par leur moyen, les ducs d'Autriche dans la haute Allemagne.

Mais le conflit armé que laissait prévoir le traité avec Zurich ne se réalisa point. Les péripéties mobiles de la politique, après avoir momentanément envenimé les rapports des princes autrichiens avec le roi, finirent par amener entre eux un rapprochement définitif. Réunis ensemble à Spire, pour les funérailles des rois Adolphe et Albert, ils se firent de mutuelles concessions, à la suite desquelles Henri VII rendit, le 17 septembre 1309, diverses décisions par lesquelles il s'engageait, pour la troisième fois, à maintenir les ducs d'Autriche dans la possession de tous leurs biens, leur abandonnait la propriété des domaines confisqués sur les meurtriers du roi Albert, et mettait ceux-ci au ban de l'Empire. La réconciliation paraissait complète : un point restait pourtant, qui la rendait boiteuse, et c'était

encore les Waldstätten. Les ducs d'Autriche pensaient que les trois vallées devaient être comprises dans le nombre de ces biens dont le roi Henri VII venait de leur reconnaître et de leur garantir la possession, et que les diplômes de Spire annulaient ceux de Constance, qui, trois mois auparavant, avaient replacé les Etats forestiers sous la souveraineté immédiate de l'Empire. Mais en tranchant la question dans ce sens, l'Autriche devait s'attendre à voir son interprétation contestée par ceux qui en auraient été les victimes.

En effet, si les circonstances avaient été particulièrement favorables aux confédérés, les confédérés n'avaient pas failli aux circonstances. Dès qu'ils avaient cru à la possibilité d'obtenir pour leur affranchissement commun la sanction royale, nous avons vu qu'ils avaient sollicité celle-ci avec autant d'empressement que de succès, et, quand ils eurent obtenu d'Henri VII plus de faveurs peut-être qu'ils n'osaient espérer, ils ne mirent pas moins de zèle à en tirer parti. Trois semaines ne s'étaient pas écoulées depuis l'octroi des rescrits qui leur conféraient à tous la mouvance directe de l'Empire et les plaçaient sous l'autorité d'un seul et même bailli impérial, que nous voyons le landammann et les gens de Schwyz, d'accord avec ce haut fonctionnaire, Werner de Homberg, prendre sous leur protection, tant en leur nom qu'en celui des gens de leur ressort (die uns an hoerent), ce qui ne peut s'entendre que des autres confédérés, la navigation du lac des Quatre-Cantons, et garantir aux marchands de Lucerne et à leurs embarcations le libre passage jusqu'à la douane de Fluelen 32. Cette garantie, stipulée dans un acte signé à Stanz le 22 juin 1309, constitue un acte d'autorité qui étend, plus que cela

ne s'était encore vu, la sphère d'action et la compétence des confédérés. On y saisit en quelque sorte sur le fait l'influence que devait avoir, pour consacrer leur indépendance et leur unité politique, cet assujettissement à l'Empire qui était interprété dans son vrai sens, malgré l'apparente contradiction des termes, quand on lui donnait aussi le nom de « franchise impériale. »

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De son côté la communauté d'Uri, dont un des membres avait été arrêté à Brugg sur le territoire des ducs d'Autriche, puis emprisonné à Lucerne, consent, précisément vers la même date, comme s'il y avait eu alors une sorte d'apaisement général, consent, disons-nous, tant en son nom qu'en celui du captif relâché, à ne pas exiger de satisfaction des auteurs et des complices de ce méfait, et le langage qu'elle emploie à cette occasion vis-à-vis des enfants du roi Albert, trahit un sentiment de dignité et d'égalité qui attesterait, au besoin, que les gens d'Uri n'avaient rien perdu de leur esprit d'indépendance 33. Mais ils n'avaient pas davantage perdu pour cela cette « placidité » que le roi Rodolphe se plaisait à leur attribuer, et, de même qu'ils pardonnaient les torts qu'ils avaient reçus, ils cherchaient à réparer ceux qu'ils croyaient avoir faits. C'est ainsi qu'ils renoncent d'eux-mêmes, en novembre 1308, à prélever, sur l'abbaye des religieuses de Zurich, les taxes auxquelles ils avaient soumis les biens nouvellement acquis par cette abbaye dans la vallée d'Uri 34. En revanche, là où ils se tenaient pour lésés dans des droits auxquels ils ne pouvaient renoncer sans nuire aux intérêts communs, ils ne reculaient pas, afin de soutenir leurs prétentions, devant les moyens qu'ils croyaient les plus propres à les faire triompher.

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