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pas des plus anciens je n'en ai pas trouvé de mention avant 1534; Le Geyt en parle comme d'une coutume d'introduction tardive, quoique déjà assez ancienne1. Le bailli de chaque île nomme librement ses lieutenants en tel nombre qu'il veut, et leur pouvoir ne dure qu'autant que celui du bailli lui-même2. Aujourd'hui le bailli de Jersey a ordinairement deux lieutenants, et celui de Guernesey un seul. Il est d'usage de choisir les lieutenants-baillis parmi les jurés ou membres de la cour3 et de leur faire prêter un serment semblable à celui du bailli. Les lieutenants-baillis peuvent faire tout ce que peut faire le bailli, excepté nommer à leur tour un nouveau lieutenant; pour cela il leur faudrait une permission spéciale, ce qui du reste n'est pas sans exemple 5.

Lorsque la place du bailli vient à vaquer, et jusqu'à ce qu'un nouveau titulaire ait été nommé et reçu, il n'y a personne qui soit compétent pour en exercer les fonctions; on vient de voir en effet. que les pouvoirs des lieutenants-baillis cessent avec ceux du bailli qui les a commis. Dans ce cas et autres semblables, comme ceux d'absence ou empêchement simultané du bailli et de ses lieutenants, on y pourvoit provisoirement, en désignant pour faire fonction de bailli un des jurés ou membres de la cour, qu'on appelle alors le juge-délégué. Depuis plus de deux siècles au moins, c'est, à Jersey les États, à Guernesey la cour, qui nomment le juge-délégué 6. — Il y a un texte qui peut faire croire que la magistrature des juges délégués existait déjà au xiv siècle. C'est un mandement royal relatif à l'administration de Jersey, qui est adressé à un des jurés de l'île : « Rex Galfrido de Sancto Martino, uni juratorum suorum in insula de Jereseye, salutem »7.

1. Guernesey, 1534, Rec. d'ord., p. 1.

Le Geyt, t. IV, p. 47, note, où il faut

sans doute lire « Sçavoir, comme je crois, depuis que... »

2. Le Geyt, t. I, p. XII, XIII, XVII; Second report, no 5131, 5132, 5311,

etc.

3. Le Geyt, t. IV, p. 65.

4. Second report, p. 212; Code, p. 284.

5. Duncan, p. 130.

6. Le Geyt, t. IV, p. 46 et suiv., 59, 60 (voy. aussi t. I, p. XVII); lord Hatton, Brit. museum, ms, add. 6253, f° 10 : « In case of their sudden death (du bailli et de son lieutenant), or sickness, or any other necessary impediment, the court makes a delegate of one of their own body, which they call judge delegate tis usually the ancientest of the court. >>

7. Rymer, 12 février 1380.

L'ordre est de maintenir en possession d'une cure un clerc que le gardien de l'île y avait nommé et que l'évêque de Coutances n'avait pas voulu instituer. On ne voit point à quel titre Geoffroi de S.-Martin, simple membre de la cour, aurait été chargé d'exécuter un tel ordre, si ce n'est pas qu'il exerçait la charge de juge-délégué, pendant une vacance de l'office de bailli. · Le juge-délégué, comme le lieutenant-bailli, a les mêmes fonctions et attributions que le bailli.

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Les fonctions des baillis, à la différence de celles des gouverneurs, sont purement civiles.

Leur attribution principale consiste à présider, chacun dans leur île, la cour royale et les États. Sur la présidence de la cour royale, voy. ci-après, chap. V.

Les autres attributions des baillis sont relativement peu importantes. A Guernesey, où l'autorité de la cour royale est trèsgrande, on admet dans la rigueur le principe que le bailli n'est que le président de la cour et ne peut rien faire sans elle. A Jersey au contraire on reconnaît au bailli un pouvoir propre, tant en cour séante qu'au dehors. Quand il préside la cour, il a été admis qu'il peut prononcer immédiatement les sentences sans prendre l'avis des jurés, si la matière est de peu d'importance et d'une solution claire à première vue3, et il a une autorité discrétionnaire pour la police des audiences, qui va jusqu'à punir d'amende ou de suspension tant les membres que les officiers de la cour, et les avocats. Hors des audiences, il lui appartient d'ordonner la détention préventive des inculpés, de donner commission au vicomte pour procéder aux enquêtes de levée de corps, d'autoriser ou d'interdire les représentations théâtrales, etc. 4.

Enfin le bailli de Jersey, à la différence de celui de Guernesey, a la nomination de plusieurs officiers, le greffier et son adjoint l'enregistreur des contrats, les dénonciateurs, les écrivains (sorte d'agréés près la cour), les huissiers de la cour, etc. 5. Il avait

1. « Ballivus qui tenet curiam domini Regis »; Second report, p. 297, l. 11. 2. Précepte d'assize : « lequel Baillif ne peut faire jugement par soy sans le regard des dits Jurez » : Second report, p. 122; comp. Berry, p. 163.

3. Le Geyt, t. III, p. 363, t. IV, p. 49 et suiv.

4. Le Geyt, t. IV, p. 51, 52; First report, p. 54.

5. Le Geyt, t. IV, p. 53; Le Quesne, p. 19; First report, p. X et 54.

aussi la nomination aux six places d'avocats, mais cette attribution a disparu depuis que la profession d'avocat a été rendue libre par une loi du 7 juillet 1859, sanctionnée par S. M. en conseil le 23 janvier 18601.

Les baillis ont été dans les premiers temps de leur institution soumis à une responsabilité assez sérieuse. Chaque fois que des commissaires royaux ou justiciers itinérants venaient au nom du roi tenir les assises dans les îles, tous ceux qui avaient été baillis depuis les dernières assises devaient comparaître devant les justiciers et leur remettre les rôles qu'ils avaient dû tenir durant leur administration. Ces rôles étaient examinés, et le bailli puni si l'on trouvait qu'ils ne fussent pas bien tenus. En 1331 les justiciers Scarborough, Norton et Westcote furent chargés de faire une enquête sévère sur la conduite des baillis. Depuis que les assises des justiciers itinérants ont cessé d'être en usage, c'est-à-dire depuis le règne d'Édouard III, on ne trouve plus trace d'aucune mesure de ce genre.

§ 3. Justiciers itinérants, commissaires royaux.

Les gardiens et les baillis, dont il a été question dans les deux paragraphes précédents, étaient des fonctionnaires permanents établis en résidence dans les îles pour y rendre la justice au nom du roi. Cette justice ordinaire n'est pas la seule par laquelle se soit exercée la juridiction du roi sur les îles. A partir du dernier quart du XIe siècle, les rois ont souvent envoyé à Jersey et à Guernesey des commissaires spéciaux, soit pour vider un procès particulier, soit pour faire droit sur les plaintes que l'administration de leurs officiers pouvait avoir provoquées, soit enfin pour tenir des assises générales où étaient jugées toutes sortes de matières civiles ou criminelles.

Cette institution, à l'origine étrangère aux îles, leur vint de l'Angleterre, où elle était ancienne. L'usage d'envoyer des juges en tournées dans les divers comtés de l'Angleterre remontait à

1. Code, app., p. 116-122.

2. Pièces, no XXVII; Extente de 1331, fragm. I et II, p. 1 et 5; Second report, p. 302, 1. 19 et 20, 1. 6 et 5 du bas, p. 303, 1. 3 et 4, m. 2 1. 11 et suivantes, p. 307, 1. 9 et 8, 5 et 4 du bas, etc.

Henri Ier1. En 1215 l'art. 18 de la Grande Charte de Jean promettait quatre tournées par an, disposition renouvelée dans la Grande Charte de Henri III de 1216, art. 13, puis restreinte à une tournée par an dans les chartes de 1217 et 1225; on finit plus tard par se borner à une tournée tous les sept ans. Les justiciers itinérants allaient généralement par deux ou trois à la fois.

Aux îles l'institution ne fut introduite que dans la dernière partie du xin siècle. Il semble qu'il ait été question de l'y établir dès le commencement du règne de Henri III. En effet dans une lettre close, adressée le 13 février 1218 au gardien Philippe d'Aubigné, le roi ordonne au gardien de tenir les assises ordinaires, déclarant que ce n'est pas son intention d'établir des assises nouvelles3. La coutume était alors de tenir les assises dans les îles tous les trois ans, en Angleterre tous les ans1. Si donc on eût assimilé les îles à l'Angleterre, on y eût augmenté le nombre des assises, ou, comme dit le roi, établi des assises nouvelles. Quoi qu'il en soit, Henri III tant qu'il vécut n'envoya pas de justiciers itinérants dans les îles. Il y fit tenir les assises par le gardien 5.

Le premier exemple d'une commission donnée à des personnes spécialement assignées pour faire temporairement office de juge remonte au gouvernement d'Édouard, fils de Henri III, seigneur des îles sous le règne de son père; le 23 novembre 1265, il donna pouvoir à deux personnes, Raoul d'Aubigné et Guillaume de Saumarez, pour juger un procès pendant alors entre l'abbaye du Mont S.-Michel et un chevalier guernesiais, Guillaume de Cheyny. Le premier envoi de justiciers réguliers fut fait par le

1. Stubbs, The constitutional history of England, vol. I, Oxford, 1874, in-8°, p. 391, 392.

2. Ibid, p. 605.

3. R. L. C., p. 532, col. 2 : « Sciatis quod consilium nostrum non est novas ad presens statuere assisas in Insulis, set volumus quod assise ille que fuerunt ibi temporibus H. Regis avi nostri, R. Regis avunculi nostri et domini J. Regis patris nostri ibidem nunc observentur ». Sur les assises des îles, voy. ci-après, chap. V.

4. Grandes chartes de 1217 et 1225, art. 13: Stubbs, Select charters and other documents, sec. ed., Oxford, 1874, in-8°, p. 345 et 353.

5. Série chronol., pièces I, II.

6. Bibliothèque nationale, ms. lat. 10072, f° 180.

prince, après son avènement, en 12741. Le fait se renouvela fréquemment sous Édouard Ier, sous Édouard II et pendant les premières années du règne d'Édouard III. On donnait alors aux commissaires le nom de justiciarii ou justiciarii itinerantes, en français justices errants. Puis pendant deux siècles l'usage des envois de justiciers tomba tout à fait en désuétude2. Depuis le xvre siècle, il a été repris de temps en temps, mais le fait a toujours été rare; le terme employé alors a été celui de commissaires royaux, et non plus justiciers.

La nomination des justiciers ou commissaires appartient au roi; au roi seul, non pas même au gardien à sa place, car cette juridiction est supérieure à celle du gardien telle est la règle. Toutefois cette règle dut souffrir exception quand il y eut des seigneurs des îles, investis des droits royaux : ainsi on a vu tout à l'heure le prince Édouard, fils de Henri III, nommer une commission judiciaire. Au xv° siècle, après qu'on eût vu successivement plusieurs seigneurs des îles, et qu'on se fût habitué à reconnaître à ces seigneurs le droit de nommer des justiciers itinérants, on en vint à donner ce pouvoir même à un simple gardien : le gardien J. Nanfan, par sa commission du 24 septembre 1452, reçut « autorité et pouvoir..... de faire, de nommer et d'établir des justiciers itinérants pour tenir les assises dans les îles »3 mais à cette époque l'usage d'envoyer des justiciers itinérants aux îles avait déjà depuis longtemps cessé; ce n'était donc là qu'une clause de pure forme sans résultat pratique. Quand au siècle suivant le gouvernement anglais reprit l'habitude d'envoyer des commissaires aux îles, ils furent toujours nommés par le souverain, jamais par les gouverneurs.

La nomination des justiciers entraînait généralement la rédaction de lettres patentes du roi en double le dispositif était le même dans les deux actes, mais l'un, la commission proprement dite, était adressé aux justiciers, l'autre était envoyé aux fonc

1. Pièces, IV-VIII.

2. C'est ce qu'atteste pour le xv° siècle le Précepte d'assize (Guernesey, 1441), qui ne parle des justiciers itinérants qu'au passé : « lesquels Justices en temps aulcun soulloient venir en la dite Isle de trois ans en trois ans, et ylleuques et pour lors avoyent la cognoissance de toutes manières de cas replagiez à l'assise », etc. (Second report, p. 123).

3. Pièces, XLI.

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