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let; fragments de haut prix, qui font honneur à notre école moderne ; mais qui, membres épars d'un grand corps en préparation, attendaient qu'on les réunît.

Ancien élève de l'École des chartes, savant archiviste, auteur renommé déjà de deux belles histoires de Suger et de Godefroy de Bouillon, soutenu à la fois par l'étude des vieux textes et par le patriotisme le plus élevé, M. Alphonse Vétault semblait tout préparé pour entreprendre cette tâche difficile et, l'ayant entreprise, pour la mener à

bonne fin.

Dans son ensemble, l'ouvrage de M. Vétault se distingue par des qualités vraiment supérieures. Combiné avec art, le tableau général est tracé largement, et la figure du grand empereur y apparaît dans un juste relief. On s'attache tout d'abord aux destinées de ce jeune prince qui, à peine âgé de vingt-six ans, va représenter la cause de la civilisation au milieu de l'Europe barbare; on assiste avec curiosité, avec intérêt, avec admiration bientôt, au développement continu de sa puissance; n'ayant que le temps de le suivre, tour à tour et presque à la fois, d'Italie en Germanie et de Germanie au-delà des Pyrénées, avec cette rapidité de la foudre que, dix siècles plus tard, un autre Charlemagne devait seul dépasser encore, pour la très-grande gloire de la France. Les chapitres consacrés à la personne de Charlemagne, à sa vie, à ses goûts, à ses études, achèvent et complètent l'excellent ouvrage auquel, à l'unanimité, l'Académie décerne le grand prix Gobert.

Un prix nouveau, un prix de quatre mille francs, dû à la générosité de feu M. Archon-Despérouses, était pour la première fois, cette année, à la disposition de l'Académie qui, laissée libre d'en déterminer l'emploi, l'avait affecté à encourager et à récompenser des travaux de philologie.

« L'Académie, disait dans son dernier rapport annuel mon cher et vénéré prédécesseur M. Patin, que je ne saurais trop vous rappeler, l'Académie sera mise ainsi à même d'honorer plus directement qu'il ne' lui a encore été donné de le faire, toute une classe d'ouvrages qui ont un titre particulier à son intérêt, ceux où, sous des formes très-diverses, lexiques, grammaires, dissertations, éditions critiques, etc., on s'applique aujourd'hui, avec tant d'ardeur et de méthode, à l'étude de notre langue et de ses monuments de tout âge. »

Les éditions critiques étant spécialement et nominativement comprises dans les prévisions du programme, celles des Grands écrivains de la France, que publie la maison Hachette, et dont notre savant confrère, M. Adolphe Regnier, de l'Académie des inscriptions et belleslettres, dirige depuis seize ans le travail, avec tant de compétence et d'autorité, semblaient, à tous égards, s'imposer d'elles-mêmes au choix de l'Académie.

« Pour la pureté, l'intégrité parfaite, l'authenticité du texte, aucun soin ne nous paraîtra superflu, aucun scrupule trop minutieux », disaient en 1861 les éditeurs de cette grande publication, dans un prospectus rempli de séduisantes promesses, dont aucune, en effet, n'a manqué d'être fidèlement tenue. Le monument n'est pas achevé; mais il semble l'être, à voir et à compter les chefs-d'œuvre que contiennent déjà les cinquante volumes publiés jusqu'à ce jour.

Corrigées presque toutes sur les éditions princeps, et quelques-unes même sur des textes originaux, les Mémoires de Saint-Simon, par exemple, dont le manuscrit autographe n'a pas été payé moins de 75,000 francs, ces éditions nouvelles sont toutes notablement améliorées, et des fautes anciennes qui menaçaient de se perpétuer, en se renouvelant sans cesse, ont pu disparaitre enfin dans les œuvres de Corneille et de Racine, dans celles de Saint-Simon surtout et du cardinal de Retz.

La plus grande part dans ce grand travail revient certainement à M. Adolphe Regnier, qui a vu tout, et tout revu lui-même, avec sa rare expérience de linguiste et de philologue; mais il ne pouvait tout faire, et, sans attendre que l'Académie en exprimât la volonté, il a, le premier, manifesté le désir que la participation de ses collaborateurs fût hautement reconnue et mentionnée publiquement, à leur louange.

Les savantes notices et les excellents classiques de M. Ludovic Lalanne, sous-bibliothécaire de l'Institut, de M. Charles Marty-Laveaux et de M. Paul Mesnard, de MM. G. Servois et Jules Gourdault, ajoutent considérablement au mérite de cette publication. Un souvenir particulier et un témoignage public de douloureux regret sont dus encore à six écrivains dont le concours avait été réclamé et que la mort est venue arracher prématurément à la tâche qu'ils promettaient de bien remplir à notre ancien confrère, M. Monmerqué, à MM. Gilbert, Eugène Despois, Sommer et Alphonse Feillet; au plus cher enfin, au plus dévoué des collaborateurs de M. Adolphe Regnier, à son jeune et malheureux fils.

Je n'ai rendu justice qu'à demi à M. Adolphe Regnier en disant qu'à l'heure où l'Académie le récompensait sans partage, c'est de ses collaborateurs qu'il était le premier à se préoccuper lui-même. Il me reprocherait, sans doute, de trahir le secret de sa généreuse abnégation ; comment me taire pourtant, quant je sais que, partageant encore son prix avec d'autres collaborateurs, non moins dévoués mais plus modestes, il leur en a distribué tout l'argent, n'en gardant pour lui que l'honneur?

Les concurrents de M. Adolphe Regnier méritent, comme ses collaborateurs, qu'on ne les oublie pas devant vous, et l'Académie m'a recommandé, Messieurs, de prononcer du moins avec estime le nom de ceux dont elle a regretté de ne pouvoir couronner les travaux.

Quatorze ouvrages nous avaient été présentés pour ce nouveau concours; la plupart, je dois le dirc, ne rentraient guère dans la pensée qui dicta les conditions du programme. C'étaient surtout des traités relatifs à l'origine du langage ou bien de simples grammaires, dont la valeur, du reste, et l'utilité pratique sont loin d'avoir été méconnues. J'en sais plusieurs, et la grammaire française de M. Gouzien père est de ce nombre, qui mériteraient qu'on les citât; mais, avant tout, messieurs, je dois mentionner trois ouvrages honcrablement distingués par l'Académie Rabelais et son œuvre, étude en deux volumes, dont notre compatriote, M. Jean Fleury, donnait, en Russie, la primeur aux membres de la faculté historique et philologique de Saint-Pétersbourg, au moment où, en France, le même sujet était mis au concours pour le prix d'éloquence de 1876; le Glossaire de la vallée d'Yères, publié par M. A. Delboulle, professeur au lycée du Havre, pour servir à l'intelligence du dialecte haut-normand et à l'histoire de la vieille lanque française, et aussi la Guerre de Metz en 1324, poëme du xrve siècle, publié par M. de Bouteiller, ancien député de Metz. Déjà très-curieuse par elle seule, cette publication, que précède une excellente préface de M. Léon Gautier, est suivie d'études critiques très-intéressantes, faites sur le texte par M. F. Bonnardot, ancien élève pensionnaire de l'École

des chartes.

Par décret en date du 9 août, notre confrère M. Léopold Delisle a été nommé officier de la Légion d'honneur.

Au concours des Antiquités nationales, nos confrères MM. Alfred Richard et Gaston Raynaud ont obtenu des mentions honorables, pour des travaux dont nous parlerons quand le rapport sur le concours aura été publié. Le travail de M. Raynaud est le mémoire sur le dialecte picard, publié dans notre précédent volume.

- La première partie du Sanctoral de Bernard Gui, dont aucun exemplaire n'avait été retrouvé (voyez plus haut, p. 382 et 386), se conserve à Tours dans un ms. indûment attribué à Guillaume de Charnac.

LES PROPHÈTES DU CHRIST

ÉTUDE

SUR LES ORIGINES DU THÉATRE AU MOYEN AGE

(Cinquième et dernier article1).

V.

LE PROLOGUE DE LA NATIVITÉ.

Tandis que la scène des Prophètes du Christ se dégageait du sermon attribué à saint Augustin, et passait par les formes diverses que nous avons étudiées dans les premières parties de ce travail, d'autres drames étaient nés et s'étaient accrus au sein de la liturgie. C'était, par exemple, dans l'office de Noël, un petit drame des Pasteurs, ayant pour sujet l'adoration des bergers à la crèche de Bethléem. C'était, dans l'office du jour des Saints Innocents, un drame de Rachel, ayant pour sujet les lamentations de Rachel, type des mères juives désolées, sur les enfants immolés par les sicaires du cruel Hérode. C'était enfin, le jour de l'Épiphanie, un drame des Mages, ayant pour sujet l'adoration des trois rois guidés vers le berceau du Messie par l'étoile miraculeuse. Ces trois drames, développés par les procédés d'assimilation et d'amplification que nous avons déjà notés

1. Voyez Bibliothèque de l'École des chartes, 28° année (1867. Sixième série, t. III), p. 1 et 211; et 29° année (1868. - Sixième série, t. IV), p. 105 et

261.

dans le développement des Prophètes du Christ, montrent, dans les textes qui nous sont parvenus1, une tendance évidente à se réunir en un seul drame plus étendu, pour former un mystère de la Nativité. Mais, pour composer ce mystère, on joignit encore aux scènes des Pasteurs, des Innocents et des Mages une scène de l'Annonciation qui avait d'abord animé, par une coupure dialoguée et une mise en scène dramatique de l'Évangile, l'office du 25 mars3. On plaça enfin au début de la Nativité, comme un prologue naturel, la scène des Prophètes du Christ.

Le mystère de la Nativité du Christ, tel que nous l'offre un manuscrit du XIIIe siècle conservé à la bibliothèque de Munich', n'est pas autre chose, en effet, que la réunion amplifiée, accrue d'éléments nouveaux, des divers drames que nous venons d'énumérer. Le considérer dans son ensemble n'est pas aujourd'hui de notre sujet, et nous devons nous borner à l'étude de son prologue, qui nous offre une forme nouvelle et très-curieuse de la scène des Prophètes du Christ.

1. Voyez notamment Edélestand Du Méril: Origines latines du théâtre moderne, et De Coussemaker: Drames liturgiques du moyen áge. M. L. Delisle a publié une double version inédite du drame des Mages dans la Romania (année 1875), et dans la Bibliothèque de l'École des chartes (année 1873, t. XXXIV, p. 637, 638) un fragment qu'il a retrouvé sur le feuillet de garde du manuscrit latin 1152.

2. Nous avons essayé de suivre ce mouvement dans plusieurs articles insérés, à l'occasion de Noël, dans le journal l'Union des 25 décembre 1873, 1874, 1875 et 1876. Cf. 25 décembre 1872.

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3. In festo Annuntiationis Beate Marie Virginis fit processio ad forum cantando responsorium: Gaude Maria Virgo, et fit statium (1. statio) in corpore fori, et versus cum Gloria cantatur per Chorarios. Quibus cantatis, Diaconus legat evangelium in tono; et fit representatio Angeli ad Mariam. Quibus finitis, cantando Te Deum laudamus clerus revertatur ad ecclesiam. » Processionnal A du chapitre de Cividale. Le Processionnal C contient une rubrique à peu près semblable<< cantatur evangelium cum ludo », et de plus il renferme le texte même de ce petit drame, qui a été publié par M. de Coussemaker, ouvrage cité, p. 283-284. Les Processionnaux de Cividale sont du xive siècle, mais il n'est pas besoin de faire remarquer que la date de ces manuscrits, lesquels procèdent de livres liturgiques plus anciens, ne s'applique pas nécessairement aux indications ou aux textes qu'ils contiennent.

4. Le manuscrit est du xe siècle, mais le drame pourrait être de la fin du XII. Il a été publié par Schmeller pour la Société littéraire de Stuttgard, dans le volume intitulé Carmina burana, et reproduit par E. Du Méril, ouvrage cité, p. 187 et suiv.

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