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une messe. Le fils de Jean l'Aveugle aurait pu dire la Silésie vaut bien qu'on tienne la bride du cheval du pape.

A propos de l'oncle de Charles V, nous signalerons à M. Himly un fait peu connu qui devra prendre place dans le septième livre, consacré aux Pays-Bas et à la Belgique, à la prochaine édition, qui ne saurait se faire attendre. Dès 1363, l'empereur Charles IV avait donné le comté de Bourgogne à son neveu Philippe le Hardi ', le plus jeune des fils de son beaufrère le roi Jean, quoique, dans le partage de la succession de Philippe de Rouvre, à la fin de 1361, ce comté eût été assigné à Marguerite de France, mère de Louis de Mâle et grand'mère de Marguerite de Flandre, qui devint six ans plus tard, le 19 juin 1369, la grand'mère par alliance du fondateur de la seconde maison de Bourgogne. Il n'est pas exact non plus de dire qu'à la date du 6 septembre 1363 le duché de Bourgogne se trouvait vacant depuis deux ans : au lendemain de la mort de Philippe de Rouvre, le roi Jean avait pris possession du duché, à titre de plus proche parent du duc défunt. Du reste, M. Himly expose en termes fort exacts les conditions et les motifs du partage des États du dernier rejeton de l'antique maison capétienne de Bourgogne; et il est peu d'écrivains français, même parmi les érudits, auxquels on puisse adresser le même éloge.

Pour nous résumer, le trait qui nous frappe le plus dans la publication capitale dont nous voudrions avoir donné une idée moins imparfaite à nos lecteurs, c'est, après l'étendue et la sûreté de l'érudition, l'instinct de franchise, l'esprit de justice et d'impartialité, la passion du droit et de la liberté réglée, qu'on sent percer dans tous les jugements de l'auteur. M. Himly dit quelque part, à propos de Frédéric-Guillaume Ier (1713-1740), père du grand Frédéric : « Il poursuivait âprement son droit, mais il respectait celui d'autrui. Son fils, le grand roi, n'a pas eu de ces scrupules bourgeois, et a laissé derrière lui une renommée tout autrement éclatante; mais il manque à sa gloire quelque chose qui honore la mémoire de son père, c'est d'avoir été un honnête homme! »

Cette honnêteté vigoureuse est l'âme même de l'ouvrage qui nous occupe. Alliée à une science très-étendue et à une sincérité implacable, elle élève notre confrère au-dessus des étroits préjugés que peuvent inspirer parfois les choses même les plus saintes de ce monde, la foi religieuse et le patriotisme. Cet Alsacien, cet enfant de Strasbourg, reconnaît, un peu trop facilement même, si l'on se place au point de vue militaire, que le Rhin n'a jamais été une frontière naturelle. Ce protestant zélé répète, en l'approuvant, le mot si profond de Palacky en 1848 : « Si l'Autriche n'existait pas, il faudrait la créer dans l'intérêt

1. L'acte est daté de Nuremberg le 14 janvier 1363. Dom Plancher, Hist. de Bourgogne, II, Preuves, p. CCLXXVII.

de l'Europe! » En un mot, l'Histoire de la formation territoriale des États de l'Europe centrale, outre qu'elle comble une lacune dans notre littérature historique et géographique, conserve un caractère scientifique même lorsqu'elle aborde les questions les plus brûlantes de la politique contemporaine, parce qu'elle est avant tout l'œuvre d'un érudit consciencieux et d'un parfait honnête homme. Siméon LUCE.

Charlemagne, par Alphonse VÉTAULT, ancien élève de l'École des chartes. Introduction par Léon GAUTIER. 1 vol. grand in-8°, xxv556 p. Tours, Alfred Mame et fils, éditeurs, 1877.

Le beau volume, supérieurement imprimé par la maison Mame, qui est l'objet de ce compte-rendu, est destiné, dans l'esprit de ceux qui en ont conçu l'idée, à propager les notions les plus exactes sur la vie et le rôle de Charlemagne, et à fournir le type d'un nouveau genre d'illustration. Ce livre ne nous semble pas destiné à faire faire beaucoup de progrès à la science historique; mais c'est à quoi l'auteur n'a point visé. Il n'a point cherché à faire une nouvelle synthèse du règne : il lui suffisait, comme il le dit en commençant, « de retracer, d'après les récits des contemporains, le tableau exact et complet des actes du grand empereur frank, en laissant le vrai caractère des événements se dégager de leur exposé impartial » (p. XXIV); et à la page 539 nous lisons ceci : Vulgariser l'histoire et la légende de Charlemagne, populariser cette grande figure de notre histoire, tel a été notre dessein en illustrant ce livre. Nous avons essayé d'ailleurs de lui donner une parure qui fût vraiment digne de lui et d'en faire le type d'un livre artistiquement et scientifiquement illustré. » Nous nous plaisons à constater tout d'abord que l'auteur et ses collaborateurs ont réussi dans cette double entreprise. On n'attend pas de nous que nous donnions l'analyse de ce livre que lira avec plaisir et profit quiconque s'intéresse aux grands hommes de notre histoire. L'ouvrage proprement dit est divisé en quatorze chapitres. Le premier, consacré aux aïeux de Charlemagne, nous fait remonter à plus d'un siècle en arrière et retient le lecteur trop longtemps dans les préliminaires. L'auteur a cru devoir créer un mot nouveau pour désigner les descendants de saint Arnoul ou Arnulf, qu'il appelle Arnulfings, par imitation de la dynastie bavaroise dite Agilulfinge, d'Agilulf son fondateur. Mais ce mot nouveau et étrange ne nous paraît pas devoir être adopté par les historiens. Sur les treize autres chapitres, onze sont employés à l'exposition des faits militaires du fils de Pépin, à ses luttes contre les Saxons, les Musulmans, les Aquitains, etc.; des deux qui restent, l'un est consacré à l'Empereur, à sa famille et à sa cour, l'autre aux institutions gouvernementales et administratives de l'Empire. L'exposé des événements, fait dans un style

clair, facile, auquel on ne peut reprocher que sa trop grande uniformité, nous a paru généralement exact; le récit s'appuie toujours sur les historiens contemporains et renferme les aperçus les plus remarquables des écrivains modernes. L'auteur lui-même a ajouté, dans bien des endroits, des réflexions nouvelles, qui éclairent le grand rôle de Charlemagne. Les questions religieuses, qui se mêlent si intimement à cette époque aux événements politiques, sont très-bien exposées, par exemple ce qui concerne l'hérésie de l'adoptianisme.

Nous n'avons guère plus que des observations de détail à présenter. Nous devons d'abord faire remarquer à M. Vétault une description un peu inexacte du plus ancien monument figuré relatif à Charlemagne. Il dit que le héros est représenté « recevant de la main de saint Pierre l'étendard bleu aux roses rouges, labarum du nouvel empire ». Or il y a là une double inexactitude. L'étendard n'est pas bleu, mais vert, comme on le voit dans le fac-simile placé en tête du volume, et comme cela est expliqué plus amplement dans le savant ouvrage de M. G. Desjardins, Recherches sur les drapeaux français (p. 3). On lit dans ce même ouvrage (p. 6) que la mosaïque du triclinium a un pendant qui représente Jésus-Christ assis sur son trône remettant les clefs à saint Pierre, et à Charlemagne un autre étendard rouge avec des roses bleues. «L'étendard vert est celui de la ville, l'étendard rouge est le drapeau de l'Empire. » En citant les villes qui se sont disputé l'honneur d'avoir vu naître Charlemagne, l'auteur aurait pu mentionner Liége, quelque peu fondées que soient les prétentions de cette ville, mais au moins pour justifier la gravure de la page 404, qui représente la statue élevée à Charlemagne dans cette ville. Nous remarquons une omission plus grave en ce qui concerne l'état des lettres, des sciences et des arts au temps de Charlemagne; c'est à peine si l'auteur s'est occupé des études de cette époque, à propos de l'Académie palatine. La législation de Charlemagne, qui n'a qu'une page (p. 385), l'état des personnes et des biens auraient exigé plus de développements. Il y a là une lacune que nous engageons l'auteur à combler dans une seconde édition.

Quant au style, qu'on nous permette de le dire, nous avons été étonnés de voir l'auteur employer tantôt des formes archaïques, comme allodes patrimoniaux pour alleux, Brunehilde pour Brunehaut, Langobards pour Lombards; tantôt, au contraire, il emprunte des expressions toutes modernes, et l'on est surpris de voir les Saxons se réunir au « quartier général du corps d'occupation », et d'entendre appliquer aux troupes de Charlemagne les mots de « mobilisation, mobilisables, mobilisés », ces derniers, il est vrai, soulignés.

L'ouvrage se trouve résumé dans la remarquable introduction que M. L. Gautier a écrite avec des sentiments et dans un esprit vraiment français. Il était difficile de retracer en un style plus ferme, plus cha

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leureux et plus mesuré à la fois, la destinée providentielle de Charlemagne, son rôle militaire et religieux, le caractère de ses expéditions contre les Saxons, ses relations avec les papes, et son influence immense sur les destinées de la civilisation en Europe et en France. Ses institutions et sa vie privée sont exposées en quelques pages d'une vérité et d'une fidélité saisissantes.

Le même érudit a dirigé toute l'illustration du volume, et il n'a pas épargné ses soins pour la rendre aussi vraie et, aussi scientifique que possible en mettant sous les yeux du lecteur les mêmes ornements que les lettrés du vire et du xe siècle admiraient dans leurs plus beaux manuscrits. Toute l'illustration hors texte est artistique et le lecteur voit se dérouler sous ses yeux les plus célèbres œuvres de peinture et de sculpture qui ont été consacrées à Charlemagne depuis le Ixe siècle jusqu'à nos jours, en commençant par la mosaïque de Saint-Jean-deLatran, dont nous avons parlé ci-dessus. Toutes ces planches sont expliquées dans un éclaircissement spécial, auquel se trouve joint le facsimile d'un diplome de Charlemagne, accompagné d'une petite dissertation sur la diplomatique du premier empereur carlovingien.

A côté de l'histoire, la légende. M. L. Gautier a donné, dans le premier éclaircissement, un résumé très-complet de l'histoire poétique de Charlemagne. Mais la partie la plus neuve du livre, au point de vue de l'érudition, et qui mérite d'être signalée à nos lecteurs, ce sont les autres éclaircissements, le premier sur la numismatique, dans lequel M. A. de Barthélemy fait connaître, en abrégé, le système monétaire de Charlemagne et propose une explication aussi ingénieuse que vraisemblable pour les noms de personnes placés au revers de plusieurs deniers de ce prince; celui dans lequel M. G. Demay trace, avec le crayon et la plume, une histoire abrégée de la sigillographie et du costume civil, religieux et militaire de l'époque, enfin le dernier sur la géographie de l'empire de Charlemagne, destiné à servir d'explication à une carte dressée avec le plus grand soin et la plus grande compétence par M. A. Longnon et qui montre d'une manière frappante le partage de l'empire en 806. Voilà pour un ouvrage de vulgarisation de savantes dissertations qui doivent le recommander à l'attention des érudits.

A. B.

Les Parias de France et d'Espagne (cagots et bohémiens), par M. DE ROCHAS. Paris, Hachette, 1876, in-8°.

Dans la première partie de son livre, M. de Rochas a eu pour but principal de rechercher l'origine des cagots, appelés jadis chrestiaas dans la région des Pyrénées problème assez ardu, pour la solution duquel il n'était pas superflu de joindre au goût des recherches historiques les connaissances pratiques de la profession médicale. Ces deux

avantages se sont trouvés réunis chez l'auteur. Il fait procéder les cagots des lépreux; pour lui, les premiers sont des lépreux guéris, ou plutôt les descendants de plusieurs générations de ladres guéris. Il y a entre M. de Rochas et les auteurs qui, avant lui, ont traité le même sujet, cette différence que les uns avaient peut-être remué beaucoup de pièces et palpé bien des documents, tandis que lui a fouillé les manuscrits et touché les descendants des cagots de France et d'Espagne. Je ne saurais être compétent pour entretenir les lecteurs de la Bibliothèque de la partie pathologique du livre de M. de Rochas, et je vais me borner à signaler d'abord les chapitres de l'ouvrage.

L'auteur débute par des considérations préliminaires sur la lèpre et les lépreux; le second chapitre traite des chrestiaas et cagots des Pyrénées; c'est le plus intéressant, au point de vue de l'histoire du moyen âge, et je me propose d'y revenir tout à l'heure.

Chapitre III: les Gahets et les Capots de Guyenne, Gascogne et Languedoc. Chap. IV: les Cacous de Bretagne. Chap. V : les Agotes d'Espagne; ce chapitre renferme plus spécialement les observations personnelles de M. de Rochas. Chap. VI: les descendants des Cagots; leurs caractères et traditions. Chap. VII: origine des Cagots et de leurs congénères.

La seconde partie de l'ouvrage est consacrée aux Bohémiens: I, l'origine des Bohémiens; II, les Bohémiens du pays basque; III, les Gitanos du Roussillon et d'Espagne.

J'ai dit au commencement de cet article que les cagots des Pyrénées étaient appelés chrestiaas pendant le moyen âge. C'est le seul nom sous lequel les chartes les désignent; l'origine évidente de ce nom est christianus. A ce propos, M. de Rochas a fort bien fait de combattre l'opinion de Marca, qui, dans un document du commencement du XIe siècle (Histoire de Béarn, p. 271), traduit christianus par cagot. En effet, c'est une erreur du savant prélat : à cette époque, le mot christianus est employé pour signifier un individu quelconque, et au pluriel le mot christiani est pris souvent dans les chartes du midi pour désigner un ensemble, un groupe de personnes. Je donnerai pour exemple une charte des premières années du x1° siècle, insérée dans le cartulaire de l'abbaye de Lucq en Béarn'. Il s'agit d'une donation de terres faite à ce monastère par Sancius Garsias de Spinelpues et sa famille. L'acte se termine ainsi : Fidejussores fuerunt ipse Sancius Garsias, et abbas de Nogeras nomine Forto, et Sancius Garsias de Pardieras. Videntibus multis christianis. Valete. Évidemment il ne peut s'agir ici d'une réunion de

1. Ce petit cartulaire est encore inédit. Une copie, assez défectueuse, existe à la Bibliothèque nationale, dans le fonds dit Armoires de Baluze, arm. III, paq, I, n° 4 (74), M. de Rochas a eu l'obligeance de m'en faire faire la transcription.

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