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quaires passe tôt ou tard sous les yeux de votre commission. Chacune de nos anciennes provinces vient à son tour lui offrir son tribut. Il importe peu que tous les concours ne soient pas également remarquables par le nombre, la variété ou l'importance des questions traitées; il y a des années où sous l'empire de préoccupations étrangères à la science les courages semblent fléchir; mais, si l'on veut bien jeter les yeux en arrière et remonter aux origines de l'institution, on demeure frappé du développement qu'ont pris en France les travaux d'érudition, et on constate avec une joie patriotique l'étendue des progrès accomplis.

Le concours de 1876 ne mérite peut-être pas, dans son ensemble, d'être placé aussi haut que plusieurs de ceux qui l'ont précédé; mais du moins nous ne ferons pas aux concurrents le reproche, qu'on leur a quelquefois adressé, d'avoir négligé les études archéologiques.

C'est en effet un travail de pure archéologie qui nous a paru digne de la première médaille. Il porte pour titre : Le jubé du cardinal Philippe de Luxembourg à la cathédrale du Mans, décrit d'après un dessin d'architecture du temps et des documents inédits, et reproduit en fac-simile, par M. Hucher, 1875, gr. in-f°, avec huit planches. Ce jubé, qui fermait le chœur de la cathédrale, avait été construit par les ordres et probablement aux frais du cardinal Philippe, qui avait succédė au cardinal Thibaut, son père, sur le siége épiscopal du Mans. C'était un monument à la fois religieux et funéraire. A défaut d'autres preuves, la répétition fréquente des armoiries des deux prélats enchâssées au milieu des sculptures et l'existence de leurs tombes au pied du jubé suffiraient pour attester son origine et sa destination. Il ne mesurait pas moins de huit mètres de hauteur, et les autels qui le flanquaient de chaque côté étaient d'un tiers plus élevés. L'ensemble devait atteindre une largeur d'environ quinze mètres. Le nombre des bas-reliefs et des statues, dont quelques-unes étaient de grandeur naturelle, s'élevait à près de deux cent cinquante. Chaque sujet était encadré dans un édicule à plusieurs étages d'ogives d'une ornementation trèsriche et très-compliquée. Le tout était construit en pierres de taille, recouvertes de peintures ou de dorures, et décorées par places d'ornements de cuivre ou de ferrures ciselées.

Cette œuvre colossale, qui appartenait à la dernière période de l'architecture gothique, à la période du gothique flamboyant, et dans laquelle on n'apercevait encore aucune trace du style de la Renaissance, n'a pas vécu plus d'une soixantaine d'années. Élevée à la fin du xv° siècle, elle a été renversée par les huguenots en 1562. Il n'en existe plus trace aujourd'hui. Ce n'est donc pas d'après nature que M. Hucher l'a reproduite dans les belles planches qui forment la partie essentielle de sa publication, mais bien d'après un ensemble de dessins à la plume, très-détaillés et très-achevés, dus à quelque artiste contemporain, probablement à l'auteur même du monument. Les architectes et les sculpteurs du xvie siècle avaient, comme ceux du moyen âge, l'habitude de préparer les plans de leurs travaux avec autant de précision et de fini qu'en pourraient mettre les plus habiles artistes de nos jours. Le célèbre album de Villard de Honnecourt, publié en 1858 par MM. Lassus et Darcel, est un des modèles les plus justement renommés de ce genre d'études graphiques. Mais, parmi les dessins originaux qui nous sont parvenus de nos vieux monuments gothiques, il n'en existe pas, ou du moins on n'en a pas publié de plus importants et de plus complets que ceux de l'ancien jubé de Philippe de Luxembourg. Ils appartiennent aujourd'hui au musée archéologique de la ville du Mans. C'est là que M. Hucher, aidé de son fils, en a pris un calque, dont l'exécution est d'autant plus méritoire que l'encre a beaucoup pâli. Une circonstance heureuse a du reste facilité son travail et lui a permis de le contrôler. Il existe aux archives du Mans une requête présentée par le chapitre aux juges royaux, dans laquelle se trouve une description complète du jubé au moment de sa destruction. Le même dépôt possède un procès-verbal de visite rédigé quelques jours plus tard en vue de constater les dégâts commis par les religionnaires. Grâce à ces deux documents authentiques, grâce aussi aux peintures qui ornent le missel du cardinal et à son testament, daté de 1507, M. Hucher a pu s'assurer de l'exactitude de sa copie et de la fidélité de ses reproductions. Il a fait mieux encore, il a donné une analyse détaillée du monument et tenté d'interpréter les bas-reliefs et les statues. Rien de ce qui touchait à l'Ancien ou au Nouveau Testament ne présentait de difficultés; les noms des prophètes et des apôtres inscrits à leurs pieds ou au-dessus de leurs têtes auraient au besoin levé tous les doutes. Les nombreuses scènes où se trouvait

rappelée, avec les détails les plus curieux de mœurs et de costumes, la vie légendaire de saint Julien, patron de l'église cathédrale du Mans, n'offraient également aucune chance d'erreur. Mais il n'en était pas de même d'autres scènes où figuraient, selon toute vraisemblance, les saints qui étaient en vénération particulière dans la famille de Luxembourg. M. Hucher, avec cette sincérité qui convient à la véritable érudition, n'a pas hésité à confesser ses incertitudes.

En résumé, le savant antiquaire, à qui nous devions déjà la publication des précieux vitraux de la cathédrale du Mans, vient de produire une œuvre qui n'intéresse pas seulement l'histoire de cette illustre église. En faisant revivre à nos yeux le jubé du cardinal de Luxembourg, il nous offre un spécimen de l'architecture et de la sculpture françaises à la fin du moyen âge, dans lequel on reconnaît l'influence des artistes protégés par la reine Anne de Bretagne ou par le roi de Sicile René d'Anjou, et qui rappelle par son caractère religieux et funéraire, aussi bien que par l'ensemble de sa décoration, la merveilleuse église de Brou.

La seconde médaille est décernée à M. d'Espinay, conseiller à la cour d'appel d'Angers.

Le nom de M. d'Espinay est connu depuis longtemps dans le monde de l'érudition. Il y a déjà plus de vingt ans que le savant magistrat, alors simple substitut à Ségré, publiait sous ce titre : De l'influence du droit canonique sur la législation française, un mémoire qui venait d'être couronné par l'Académie de législation de Toulouse. Quelques années plus tard, en 1862, ses recherches sur La féodalité et le droit civil français obtenaient le même honneur. En 1865 vous lui accordiez à votre tour une mention honorable pour ses études sur les Cartulaires angevins, considérés au point de vue du droit de l'Anjou au moyen âge. Mais jusqu'alors on était autorisé à ne voir dans M. d'Espinay qu'un des élèves les plus brillants de cette forte école, qui compte parmi ses chefs MM. Pardessus, Troplong, Giraud, Laboulaye, et qui a su féconder la science du droit par l'étude de l'histoire. Les deux ouvrages qu'il vient de soumettre à notre jugement, et que nous considérons comme dignes de la seconde médaille, nous le révèlent sous un aspect tout nouveau. Nous n'avons plus affaire à un jurisconsulte, mais bien à un antiquaire, et nous pouvons le dire en toute sincérité, à un antiquaire consommé.

Sous le titre de Notices archéologiques, le premier de ces deux ouvrages est consacré à la description des anciens édifices civils et religieux d'Angers, de Saumur et du Saumurois; le second, intitulé: Les enceintes d'Angers, offre le développement d'une question spéciale, que l'auteur avait indiquée au cours de ses Notices, mais qu'il n'avait pu traiter que d'une manière incidente. Dans l'un comme dans l'autre, M. d'Espinay fait preuve d'autant de clairvoyance et de sagacité que de netteté d'exposition. Il montre un grand sens critique dans l'appréciation des légendes relatives aux fondations des édifices. Il combat avec mesure et courtoisie les opinions fausses accréditées par ses devanciers. Il débrouille habilement les questions de topographie. Ses descriptions sont généralement brèves, mais conçues en termes excellents. On sent le connaisseur expérimenté, qui donne leur véritable sens aux expressions techniques du moyen âge, souvent mal interprétées par les antiquaires et les historiens.

Le nouveau genre de travaux auquel M. d'Espinay s'est livré ne lui a cependant pas fait perdre les habitudes d'esprit qu'il tient de ses premières études et de sa profession. Quand il décrit, c'est avec l'intention ultérieure de discuter. Il appelle tour à tour l'archéologie au secours de l'histoire et l'histoire au secours de l'archéologie. Il scrute alternativement les reliefs des pierres et les textes des diplômes, afin de les contrôler les uns par les autres. Il ne néglige aucune source d'informations. Rien n'échappe à la sévérité de son enquête, à la rigueur de sa dialectique. Et cependant il a le double et rare mérite d'avouer franchement ses doutes et de produire avec modestie les preuves qu'il considère comme irréfutables.

Il est à remarquer qu'on ne trouve rien dans les Notices de M. d'Espinay qui ait rapport aux sujets représentés par les sculptures ou les peintures qui décorent les édifices d'Angers. Peut-être a-t-il pensé que cette matière avait été suffisamment traitée par les écrivains qui l'ont précédé. Peut-être est-ce avec intention et de propos délibéré qu'il n'a pas étendu ses études jusqu'aux questions d'iconographie. S'il en était ainsi, nous n'oserions pas formuler de blâme, car nous n'avons pas le droit de demander à un auteur autre chose que ce qu'il a voulu donner; mais il nous est, dans tous les cas, permis d'exprimer un regret.

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M. Bélisaire Ledain, à qui vous aviez décerné en 1873 une mention honorable, obtient cette année la troisième médaille pour son ouvrage intitulé: La Gâtine historique et monumentale, in-4°. La Gâtine (il est permis de l'ignorer) est cette portion de l'ancien Poitou qui comprend la ville de Parthenay et ses environs. Bien qu'il s'y trouve encore quelques monuments informes de l'époque celtique, et même, assure-t-on, quelques vestiges de stations militaires romaines, cette contrée, jadis couverte de forêts, paraît avoir été peu fréquentée jusque vers le milieu du Ix siècle. Le plus ancien document qui en fasse mention est un diplôme de 848 donné par Pépin, roi d'Aquitaine, en faveur de l'abbaye de Saint-Maixent. Aux xr et xire siècles, quelques églises y furent édifiées, et la ville de Parthenay commença à prendre un certain développement. A dater de ce moment son histoire se confond avec celle de ses seigneurs, et les documents deviennent nombreux. M. Ledain les a recueillis avec un soin méritoire. Il n'a rien négligé de ce que pouvaient lui fournir nos deux grands dépôts de la Bibliothèque et des Archives nationales; il a dépouillé les cartulaires du Bas-Poitou; il a exploré les titres des communes, des paroisses et des hospices. L'abondance des matériaux qu'il a réunis explique seule comment il a pu tirer d'un sujet aussi restreint la matière d'un aussi gros volume et d'une exposition aussi détaillée. Les derniers chapitres, consacrés aux guerres de religion et au maréchal de la Porte, en faveur de qui fut érigé le duché de la Meilleraye, qui comprenait la ville de Parthenay ainsi que la majeure partie de la Gâtine, conduisent le récit jusqu'aux extrêmes limites de la période qu'embrassent nos concours.. L'ouvrage se termine par un double appendice, où l'on trouve d'une part la liste chronologique de tous les gouverneurs, lieutenants généraux ou particuliers, baillis, procureurs fiscaux, juges, syndics, abbės, prieurs et archiprêtres de la Gâtine; d'autre part, un essai sur l'ancienne hiérarchie féodale de la province, dans lequel l'auteur s'est efforcé d'établir la mouvance de tous les fiefs avec les noms des titulaires depuis le xive siècle. Chemin faisant, M. Ledain n'a pas manqué de signaler et de décrire à leur date les principaux monuments de la contrée. Il en a même reproduit les vues dans une série de planches, dont l'exécution laisse malheureusement à désirer. Il est regrettable qu'il n'ait pas consacré à la partie archéologique un ou plusieurs chapitres particuliers.

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