Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

VISITES

DES

MONASTÈRES DE L'ORDRE DE CLUNY

DE LA PROVINCE D'AUVERGNE

EN 1286 ET 1310. .

Nous avons montré dans un précédent travail' l'organisation et les fonctions des Chapitres généraux de l'ordre de Cluny. On y a vu que les définiteurs prenaient leurs décisions, en grande partie, d'après les procès-verbaux que les visiteurs leur remettaient chaque année. Un de nos confrères a publié dans la Bibliothèque de l'Ecole des chartes la visite des monastères de la congrégation de Cluny, situés dans la province de Poitou, en 12922. Nous allons faire connaître aujourd'hui deux autres visites, l'une plus ancienne, l'autre plus récente, et toutes deux relatives à la province d'Auvergne. Nous les avons copiées sur les rouleaux originaux qui subsistent encore à Cluny3. Sauf les noms des moines qui n'y figurent pas, les deux visites de l'Auvergne sont complétement semblables à celle du Poitou, pour l'ordre suivi.

1. Bibliothèque de l'École des chartes, t. XXXIV, p. 542-579. 2. M. S. Luce. Ibidem, 4° série, t. V, p. 237.

3. Il y a une trentaine d'années, la bibliothèque de la ville de Cluny possédait encore, d'après l'inventaire dressé par M. Chavot, neuf procès-verbaux originaux des visites des couvents de la province d'Auvergne, savoir ceux des années 1281, 1282, 1286, 1294, 1309, 1318, 1338, 1343 et 1353; nous n'en avons plus trouvé que deux que nous publions. Il y a encore, dans le même dépôt, un assez grand nombre de visites d'autres provinces de l'ordre, dont quelques-unes, à notre connaissance, seront bientôt mises au jour.

Le rapprochement de nos deux documents permet d'établir une comparaison entre l'état des couvents à la fin du xnre siècle et au commencement du xive, 25 ans plus tard environ. On voit dans le premier que le nombre des moines diminuait dans les petits prieurés, mais qu'il tendait en retour à augmenter dans les grands. C'est ainsi que l'abbaye de Mozac et le prieuré de Sauxillanges, qui n'avaient l'une que 35 et l'autre 36 moines en 1286, en comptaient, en 1310, 40 chacun; et que l'abbaye de Thiers avait vu augmenler le nombre des religieux de 11 à 20. Il faut remarquer encore que les chiffres donnés par la visite de 1310 sont presque toujours égaux à ceux que l'on trouve dans le Catalogus abbatiarum, etc., de la Bibliotheca Cluniacensis1, que nous avons donnés en note, cette liste ayant été rédigée avec des documents du commencement du xive siècle, et se rapportant pour la plupart à l'année 1324.

Après avoir indiqué le nombre des moines, les visiteurs font connaître l'état de chaque maison au spirituel et au temporel. Il y a lieu de faire ici la même observation que pour la province de Poitou. On ne trouve pas, dans ces procès-verbaux de visites, les scandales révélés par le journal d'Eudes Rigaud, et par d'autres visites épiscopales, résultat qui tenait sans doute à la forte discipline de l'ordre de Cluny à cette époque et à la surveillance fréquente exercée sur les prieurés par l'abbé et les visiteurs.

Ceux-ci se plaignent que le silence ne soit pas observé dans plusieurs prieurés. A Marsat, prieuré de femmes, il n'y a pas de prieur, à cause de la pauvreté de la maison; les religieuses ont bonne réputation, mais il faut prendre garde aux scandales possibles. A Gensac, le prieur est absent le plus souvent, parce qu'il remplit un office à la Voûte. A Ventadour, les visiteurs signalent un moine qui ne célèbre pas, se disant lié par une irrégularité; sur la plainte des autres qu'il ne fait pas sa semaine, les visiteurs lui enjoignent de se faire absoudre au plus tôt. Voici le seul fait grave à relever. A Grazac, petit prieuré de deux moines, l'un des deux, nommé Jean de Thiers, menait une vie dissolue, au rapport des visiteurs, fréquentait les tavernes, et quand il était ivre, il injuriait son collègue et le procureur du prieur. Or, il arriva qu'une nuit étant sorti du prieuré et s'étant rendu dans un lieu suspect, non pour pécher, mais par amitié pour un bourgeois du Puy, qui y entretenait une femme, il fut

1. Catalogus abbatiarum, prioratuum et decanatuum mediate et immediate abbatiæ seu monasterio Cluniacensi subditorum. Bibl. Cluniac., col. 1705-1752.

surpris en ce lieu par le bailli et les gens du s' Cardinal, possesseur du prieuré; le bourgeois fut appréhendé au corps et se racheta; et quant au moine, assez sot pour se compromettre ainsi, les visiteurs demandent qu'il soit éloigné, pour éviter le scandale. Mais c'est là un fait isólé.

Quant au temporel, les visiteurs se montrent généralement satisfaits. L'hospitalité, les aumônes et les autres prescriptions de la règle s'exécutent bien; les dettes des maisons, qui proviennent en grande partie des procès, soit au Parlement, soit en Cour de Rome, ne sont pas excessives, et les prieurs font leur possible pour s'en acquitter; mais quelques maisons sont encore bien pauvres : à Thiers, le chambrier n'a pas de quoi vêtir les moines; là et ailleurs aussi, le dortoir n'est pas conforme à la règle. A Laveine, les religieuses ne peuvent y coucher à cause de la mauvaise odeur qui y règne, surtout en été. Les droits de propriété des prieurés n'étaient pas toujours respectés et les prieurs avaient à lutter contre de puissants voisins; celui de la Voûte, par exemple, se soutenait avec peine contre le seigneur de Mercœur et le prévôt de Brioude; en 1310, celui de Saint-Flour était en procès avec l'évêque de Clermont, au sujet d'un droit excessif de procuration. Quelquefois un prieuré était saisi par le roi lui-même comme celui de Ris en 1310. Nous signalerons, en terminant, dans la visite de 1286, les réclamations assez singulières de trois religieuses du prieuré de Laveine, qui trouvaient sans doute que leur pitance était trop maigre; les deux premières, nommées de Mozac, alléguaient que leurs amis avaient constitué au couvent 6 setiers de blé, à la condition qu'elles en auraient deux leur vie durant, le prieur les avait retenus, et ne voulait pas les leur délivrer, malgré les actes qu'elles avaient des dites conventions. Une autre religieuse du même prieuré, dite de Beaujeu, se plaignait que le prieur lui retînt également un setier de blé qui avait été constitué à la maison, à la même condition. Etrange manière de comprendre la vie commune et le vœu de pauvreté! Les visiteurs se contentent d'enregistrer la réclamation et d'en référer à l'abbé et au chapitre.

Tels sont les faits les plus saillants que l'on peut relever dans ces deux procès-verbaux de visite. Outre leur intérêt général, ils offrent encore des données précieuses sur l'état de l'ordre de Cluny dans la province d'Auvergne, qui comprenait, comme on le verra, quelques monastères des diocèses du Puy et de Limoges.

A. BRUEL.

I.

VISITE DE 1286.

Visitatio Alvernie facta per fratrem Richardum conestabulum domni abbatis et fratrem Guillelmum de Sinemuro monachum, anno domini M° CC LXXXVI.

1. Die jovis post Resurrectionem Domini visitavimus apud Mauziacum2 ubi sunt triginta et quinque monachi in conventu, bene et honeste divinum officium facientes. Abbatia est in bono statu spiritualiter et temporaliter.

2. In prioratu de Marsac3 subjecto abbatie Mauziaci, ubi sunt moniales, non est prior, quia locus est pauper et sicut intelliximus, abbas Mauziaci non invenit qui dictum prioratum acceptet propter dicti prioratus nimiam paupertatem, et licet moniales bene Deo serviant et bonam famam habeant, tamen propter deffectum et absentiam prioris multe dissolutiones possent ibidem fieri et scandala generari.

3. Die lune post Quasimodo, fuimus apud S. Florum1. Sunt ibi triginta monachi sine priore et socio suo et absque duobus scolaribus; qui monachi bene faciunt divinum servitium et custodiunt observancias regulares.

Quando prior venit ad locum ipse invenit domum obligatam in quater centum libr. turon., de quibus solvit ducentas lib. et centum persolvet infra festum Assumptionis beate Marie. Jura et domania dicte domus bene et sine diminutione aliqua obser

vantur.

1. Officier qui avait soin des chevaux et des mules. Du Cange, II, p. 462 a. 2. Abbatia Mauziacensis, Clarom. dioc. ubi debent esse, abbate non computato, 40 monachi. Fuit fundata per Robertum comitem Alverniæ et Guillelmum filium ejus, rogatu quorum Philippus Rex Francia, tempore B. Hugonis, dedit eam monasterio Cluniacensi.... anno Domini 1095. » Catalogus abbatiarum, etc. Bibliotheca Cluniacensis, col. 1736 D. Mozac, Puy-de-Dôme, ar. et cant. Riom. 3. Prioratus Marziaci, Clarom. dioc. i. q. d. e. 50 moniales. » Ibidem, col. 1738 B. Auj. Marsat, Puy-de-Dôme, ar. et cant. Riom.

4. Le prieuré de S. Flour, qui appartenait à l'abbaye de Cluny dès 996, ne figure point cependant dans le Catalogus abbatiarum, etc. V. la Gallia, t. II, col. 420 et suiv.

S. Flour, Cantal, chef-lieu d'arrondissement.

4. Die martis sequenti visitavimus apud Voltam1. Sunt ibi viginti quatuor monachi cum priore. Susprior est minus sufficiens et inutilis in officio suo. Nam inter alios defectus et negligencias suas, propter insufficienciam suam silentium ibidem alicubi non servatur. Prior debet sexaginta libr. turon. Domus esset in bono statu nisi esset dominus de Mercorio et prepositus Brivatensis qui multas et manifestas injurias dicte domui inferunt et qui petunt gardam et justiciam in dicta domo de Volta et fere in omnibus pertinenciis dicte domus et est quasi amissa, nisi per domnum abbatem aliquod consilium apponatur. Non est culpa vel negligentia prioris quia defendit ecclesiam suam in quantum potest, sed dominus de Mercorio et prepositus predicti sunt ita fortes in partibus illis quod vix potest aliquis eorum maliciis obviare.

5. In festo beati Marci Evangeliste fuimus apud Salsinias, ubi sunt triginta sex monachi cum priore, abque шor scolaribus qui sunt in scolis; qui monachi bene et honeste Deo serviunt et custodiunt observancias regulares. Prior parum aut nichil debet.

6. In prioratibus ad domum de Salsiniis pertinentibus monachorum numerus est nimium diminutus, videlicet in domo de Talvis ubi solebant esse duo monachi, non est modo aliquis monachus3. 7. In domo de Bonnac ubi solebant esse duo monachi, non est nisi unus1.

8. In domo de Senda, ubi solebant esse duo monachi, non est aliquis monachus5.

9. In domo de Brenac, ubi solebant esse duo monachi, non est aliquis monachus".

10. In domo de Joriac, ubi solebant esse sex vel septem monachi, non sunt nisi quatuor7.

1. « Prior. S. Crucis de Volta, S. Flori. dioc. u. d. e. 25 monachi. » Ibidem col. 1737 B. La Voute-Chilhac, Haute-Loire, ar. Brioude, ch.-1. cant. 2. « Prior. Celsiniarum, (alias Soulcilanges.) Clarom., dioc. u. d. e. quadraginta monachi, juxta diffinitionem anni 1324. » Catalogus, col. 1737 A. Sauxillanges, Puy-de-Dôme, ar. Issoire, ch.-l. de cant.

3. « Prior. de Talvis u. d. e. computato priore 4 monachi. » Catalogus, col. 1708 C. Tauves, Puy-de-Dôme, ar. Issoire, chef-lieu de canton.

[ocr errors]

4. « Prior. de Bonnaco i. q. d. e., cum priore duo monachi. » (Ibidem, col.

1738 D.)

Bonnat, Puy-de-Dôme, com. Mons, ar. Riom. cant. Randan.

5. Singles (?), Puy-de-Dôme, ar. d'Issoire, cant. Tauves.

6. « Prior. de Brennac, i. q. d. e. prior, cum 1 monacho. » (Ibidem.)

Brenat, Puy-de-Dôme, ar. Issoire, cant. de Sauxillanges.

7. « Prior. de Choriaco, in quo d. e. 4 monachi. » (Ibidem.) — Chauriat, Puyde-Dôme, ar. de Clermont-Ferrand, cant. de Vertaizon.

« ZurückWeiter »