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cette influence des goûts anglais se fût bornée à remplir les salons de jeunes gens en frac, au lieu de les y voir dans l'habit français, le bon goût et le commerce auraient pu seuls en souffrir mais l'esprit du gouvernement anglais remplissait toutes ces jeunes têtes constitution, chambre haute, chambre basse, garantie nationale, balance des Douvoirs, grande chartre, loi de l'habeas corpus, tous ces mots étaient sans cesse répétés, rarement bien entendus; mais ils tenaient aux bases d'un parti qui se formait.

Le goût de la parure, auquel la reine s'était livrée pendant les premières années du règne, avait fait place à un amour de simplicité porté même à un degré impolitique, l'éclat et la magnificence du trône n'étant pas jusqu'à un certain degré séparés en France des intérêts de la nation.

Excepté les jours de très - grande réunion à la cour, tels que le 1er janvier, le 2 février, consacrés à la procession de l'ordre du Saint-Esprit, et aux fêtes de Pâques, de la Pentecôte et de Noël, la reine ne portait plus que des robes de percale ou de taffetas de Florence blanc. Sa coiffure se bornait à un chapeau : les plus simples étaient préférés, et les diamans ne sortaient des écrins que pour les parures d'étiquette consacrées aux jours que je viens d'indiquer.

La reine n'avait pas encore vingt-cinq ans, et

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commençait déjà à craindre qu'on ne lui fit faire trop d'usage des fleurs et des parures qui, dans ce temps, étaient encore réservées à la seule jeu

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Mademoiselle Bertin lui ayant apporté une guirlande et un collier de roses, la reine l'essayait en craignant que l'éclat de ces fleurs ne fût plus avantageux à celui de son teint. Elle était véritablement trop sévère sur elle-même sa beauté n'ayant encore subi aucune altération, il est aisé de se faire idée du concert de louanges et de complimens qui répondirent au doute qu'elle avait énoncé. La reine, s'approchant de moi, imagina de promettre de s'en rapporter à mon jugement lorsqu'il serait temps qu'elle abandonnât la parure des fleurs. Songez-y bien, me dit-elle; je vous somme,

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» ce jour, de m'avertir avec franchise du moment » où les fleurs cesseront de me convenir. Je » n'en ferai rien, madame, lui répondis-je aussitôt ; je n'ai pas lu Gilblas pour n'en retirer aucun » fruit, et je trouve l'ordre de Votre Majesté trop » semblable à celui que lui avait donné l'arche» vêque de Tolède, de l'avertir du moment où il >> commencerait à baisser dans la composition de » ses homélies. Allez, me dit la reine, vous êtes >> moins sincère que Gilblas, et j'aurais été plus gé» néreuse que l'archevêque de Tolède. »

Le zèle indiscret des courtisans nuit souvent aux véritables intérêts des princes : une fausse démarche de M. Augeard, secrétaire des commandemens de la reine et fermier-général,, avait essentiellement contribué à répandre dans le public l'opinion que la reine disposait de tous les emplois de finance : il avait, sans y être autorisé, demandé au comité des fermiers-généraux de le prévenir des vacances de tous les emplois un peu lucratifs, les assurant qu'ils agiraient d'une manière très-conforme aux désirs de la reine. Les membres du comité accédèrent à cette demande de M. Augeard, mais non sans en murmurer dans leurs différentes sociétés. La reine n'attribua d'abord qu'au zèle de son secrétaire des commandemens le soin qu'il avait de la prévenir de toutes les vacances; mais lorsqu'elle eut connaissance de la démarche qu'il avait faite auprès de sa compagnie, elle la désapprouva hautement, le fit savoir aux fermiers - généraux, et s'abstint de demander des emplois de finance. Au dernier bail des fermes, renouvelé par M. de Calonne, elle ne forma qu'une seule demande de ce genre, pour marier une fille de condition placée parmi ses femmes. Il y eut cependant à cette époque un grand nombre de places importantes à donner. Vivement affligée de voir le monde convaincu que la reine disposait indistinctement de tous les emplois, et ayant eu connaissance de gens évincés

de postes auxquels ils avaient des droits légitimes, sous prétexte de demandes formées par la reine, je leur conseillai d'écrire à Sa Majesté pour la supplier de leur faire savoir si elle avait demandé les places auxquelles ils avaient de justes prétentions. La reine fut très-satisfaite de la confiance que ces particuliers lui avaient témoignée, et leur fit répondre d'une manière ostensible <«< qu'elle n'avait fait aucune demande pour les postes qu'ils sollicitaient, et qu'elle les autorisait à faire usage de sa lettre. » Ces personnes obtinrent les places qu'elles sollicitaient.

ON voyait souvent dans les jardins et dans les appartemens de Versailles un ancien capitaine aux grenadiers de France, qui s'appelait le chevalier d'Orville, et qui sollicitait depuis quatre ans, auprès du ministre de la guerre, une place de major ou de lieutenant de roi. On le savait très-pauvre; mais il supportait son sort sans jamais se plaindre de l'affligeante lenteur qu'on mettait à récompenser ses honorables services. Il venait régulièrement chez le maréchal de Ségur, à l'heure fixée le par ministre, pour recevoir les nombreux solliciteurs de son département. Un jour le maréchal lui dit : « Vous êtes encore à Versailles, monsieur d'Or>> ville? Monsieur, lui répondit ce brave capi>> taine, vous pouvez le remarquer à cette feuille de >> parquet, sur laquelle je me place constamment;

» elle est déjà enfoncée de quelques lignes par le >> poids de mon corps. » Cette réponse circula dans Versailles; je la sus.

La reine se mettait assez souvent à la fenêtre de sa chambre à coucher, pour reconnaître avec sa lorgnette les gens qui se promenaient dans le parc. Quelquefois elle demandait à ses femmes les noms des gens dont les figures lui étaient inconnues. Un jour elle y vit passer le chevalier d'Orville, et

me demanda le nom de ce chevalier de SaintLouis, qu'elle rencontrait partout et depuis bien du temps. Je savais son nom, je lui contai son histoire. « Il faut finir cela, dit la reine avec un peu » de vivacité. J'en demande bien pardon aux pro>>tecteurs de cour, mais l'exemple d'une semblable » indifférence est faite pour décourager le mili>> taire : on peut être un bien brave homme et n'a» voir pas de protecteurs. Cela sera fait quand » Votre Majesté le voudra, repris-je. — Oui, oui,» dit la reine sans s'expliquer davantage et tournant sa lunette vers quelques autres promeneurs. Le lendemain, en traversant la galerie pour aller à la messe, la reine aperçoit le chevalier d'Orville : elle s'arrête, va droit à lui. Le pauvre homme se reculait dans une embrasure de croisée, regardant à sa droite et à sa gauche pour découvrir la personne vers laquelle se dirigeaient les pas de la reine, lorsqu'elle lui dit : « Monsieur d'Orville, il y a plu» sieurs années que vous êtes à Versailles pour y » solliciter une majorité ou une lieutenance de roi.

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