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rence et la légèreté de ce guide, l'habitude l'avait rendu nécessaire. Le roi s'interdit, au moment de sa mort, plusieurs plaisirs tels que la chasse et un dîner à Brunoy, chez Monsieur. Il visita plusieurs fois le malade, et donna des marques d'une véritable sensibilité. M. de Vergennes, sans hériter du titre de premier ministre, remplaça en entier M. de Maurepas auprès du roi 1. Les historiens politiques prononceront sur ses talens et sur les fautes que M. de Vergennes a pu commettre. Mais le simple jugement m'a fait apprécier en lui le mérite d'avoir su dérober la faiblesse du caractère de son maître aux yeux de l'Europe entière. On ne peut nier qu'il fut pour Louis XVI, tant qu'il vécut, comme un manteau respectable dont, à la mort de ce ministre, le roi parut à l'instant dépouillé 2.

1

Voyez dans les pièces, lettre (M), quelques particularités historiques sur les moyens qu'avait employés M. de Maurepas pour se maintenir au ministère, et rendre M. le duc de Choiseul de plus en plus odieux à Louis XVI.

(Note de l'édit.)

2 « Les formes de ce ministre, dit Rulhières dans une notice sur M. de Vergennes, n'étaient ni aimables, ni soignées, mais assez imposantes. Pourquoi? C'est que tout homme qui trouvera une retraite au milieu de la cour, et fera passer pour une vertu de réflexion son indifférence pour les femmes et pour les spectacles, qui se donnera les dehors graves d'un homme appliqué, et sera réputé étranger à toute espèce de tracasserie, persuadera que, livré à la chose publique, il ne quitte pas un moment les affaires de l'État. M. de Vergennes

Hiver de 1788.

LA reconnaissance des Parisiens pour les secours versés par le roi et la reine fut très-vive et très-sincère; la neige était si abondante que, depuis cette époque, on n'en a pas vu en France une si prodigieuse quantité. On eut l'idée d'élever, dans différens quartiers de Paris, des pyramides et des obélisques portant des inscriptions qui exprimaient la reconnaissance populaire. La pyramide de la rue d'Angiviller méritait surtout de fixer les regards. Elle était supportée par une base d'environ cinq à six pieds de haut sur douze de face; elle s'élevait à

s'était si bien acquis cette réputation que, dans une de ces facéties que la cour invente pour se dérober à l'ennui, on le représenta comme accablé sous le poids du travail. Il s'agissait de masquer tous les ministres et d'autres personnages importans. La reine devait deviner et reconnaître les masques. Le comte de Vergennes fut représenté portant le globe sur la tête, une carte d'Amérique sur la poitrine, et une d'Angleterre sur le dos. Il est tel ministre qu'on eût pu représenter tenant dans la main la ceinture de Vénus, et jouant avec le carquois de son fils.

>> Dans une autre occasion, une femme de la cour, vieille et laide, s'étant approchée, dans une parure trop brillante pour son âge et sa figure, de la table du roi, Monsieur lui demanda ce qu'elle voulait... Hélas! ce que je veux! je veux prier le roi de me faire parler à M. de Vergennes. Le roi, en riant de bon cœur avec tout le monde, promit à cette septua

quinze pieds, et était terminée par un globe. Quatre bornes, posées sur chacun des angles, accompagnaient cet obélisque, et lui donnaient un aspect qui ne manquait pas d'élégance.

On y lisait plusieurs inscriptions en l'honneur du roi et de la reine.

Je fus voir ce singulier monument, et j'ai retenu l'inscription suivante :

A Marie-Antoinette.

Reine dont la bonté surpasse les appas,
Près d'un roi bienfaisant occupe ici ta place.
Si ce monument frêle est de neige et de glace,
Nos cœurs pour toi ne le sont pas.

génaire de lui procurer l'audience du ministre avant qu'elle mourût.

» Ces événemens, quelque peu importans qu'ils paraissent, révèlent les opinions, à la cour surtout où les jeux même ne sont jamais sans but et sans une espèce de méchanceté... »

Rulhières ajoute, quelques pages plus bas : « Le duc de Choiseul avait de grands talens; M. Turgot de grandes connaissances; M. de Vergennes une médiocrité imposante; M. de Maupeou une fermeté despotique; M. de Calonne une facilité impardonnable.

Ce portrait de M. de Vergennes est en général trop satirique, et nous ne pensons nullement que le reproche de médiocrité soit fondé. Mais on lui en fait un plus grave, celui d'avoir consenti au traité qui ruina nos manufactures. Voyez, à ce sujet, les éclaircissemens sous la lettre (N).

(Note de l'édit.)

De ce monument sans exemple,

Couple auguste, l'aspect bien doux pour votre cœur
Sans doute vous plaira plus qu'un palais, qu'un temple
Que vous élèverait un peuple adulateur.

Les théâtres retentirent généralement des éloges dus aux bienfaits des souverains: on donna la Partie de chasse de Henri IV au profit des pauvres. La recette fut très-considérable, et l'assemblée redemanda avec transport le couplet suivant :

Le roi, digne de sa couronne,
A pris pitié des malheureux;
La reine et ce qui l'environne
S'occupe à faire des heureux.
Dessous le chaume qui le couvre
L'infortuné n'a plus d'effroi ;

Il chante aux champs tout comme au Louvre
La bienfaisance de son roi 1.

Je n'ai point rapporté ces couplets pour leur mérite littéraire, mais bien pour fixer l'opinion qui existait le plus généralement à Paris, sur Louis XVI et Marie-Antoinette, cinq années juste avant l'é

1 Une fois, M. d'Angiviller, pendant un des voyages du roi, fit réparer une des pièces obscures des petits appartemens. Cette réparation coûta trente mille francs. Le roi, de retour, instruit de la dépense, fit retentir tout le château de cris et de plaintes contre M. d'Angiviller. J'aurais rendu trente familles heureuses, disait Louis XVI.

(Note de l'édit.)

branlement général et funeste que subit la monarchie française.

Il a donc fallu, pour produire un changement si total dans l'ancien amour du peuple pour ses souverains, la réunion des principes de la philósophie moderne à l'enthousiasme pour la liberté, puisé dans les champs de l'Amérique; et que cette fureur de novation et cet élan aient été servis par la faiblesse du monarque, par la constante corruption de l'or des Anglais, et par les projets de vengeance ou d'ambition du duc d'Orléans. Qu'on ne croie pas cette accusation basée sur celle tant de fois répétée par les chefs du gouvernement français depuis la révolution. Deux fois entre le 14 juillet 1789 et le 6 octobre de la même année, jour où la cour fut traînée à Paris, la reine m'avait empêché d'y faire de petits voyages d'affaires ou de plaisirs, me disant : me disant : « N'allez pas tel jour à Paris; >> les Anglais ont versé de l'or, nous aurons du

>> bruit. >>

Les voyages continuels de ce prince en Angleterre avaient amené l'anglomanie à un tel degré, que l'on ne pouvait plus distinguer Paris de Londres. Le Français, constamment imité par l'Europe entière, devint tout à coup un peuple imitateur, sans songer au mal que l'on faisait aux arts et aux manufactures. Depuis le traité de commerce fait avec l'Angleterre, à la paix de 1783, non-seulement les équipages, mais tout, jusqu'aux rubans et aux faïences communes, fut de fabrique anglaise. Si

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