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>> l'avez-vous lu en entier ? J'ai lu les volumes » que j'en ai, le siècle de Louis XIV, le règne de >> Charles XII, la Henriade et ses tragédies.

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» Quel choix plein de goût! s'écriait la duchesse, >> elle est vraiment étonnante! Vous lisez beaucoup, » à ce qu'on dit. qu'on dit. Je n'ai rien de mieux à faire, j'aime assez cela, ça tue le temps, les soirées sont longues. Comment avez-vous eu ces livres? reprit la reine; les avez-vous achetés? Non, madame, répondit Marguerite; j'étais gouvernante d'un médecin qui est mort, et m'a laissé, >> par testament, son mobilier, ses livres, et huit >> cents livres de rentes sur l'Hôtel-de-Ville, que je >> vais recevoir tous les six mois. » La reine s'amusa avec autant d'esprit que de gaieté de voir tout ce que l'on commençait à répandre sur la solitaire de Marly, déjoué par un récit aussi simple et qui méritait si peu d'occuper.

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Cette nouvelle Sarah Th*** était tout bonnement une cuisinière retirée.

MARIE-ANTOINETTE, n'étant encore que dauphine, supportait déjà difficilement le joug de l'étiquette. L'abbé de Vermond avait contribué en partie à l'entretenir dans cette disposition. Lorsqu'elle fut devenue reine, il s'efforça ouvertement de l'amener à secouer des entraves dont elle respectait encore l'antique origine. Entrait-il dans sa chambre au moment où elle se disposait à sortir « Pour qui

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» donc, lui disait-il d'un ton moqueur, pour qui

>>

>>

ce détachement de guerriers que j'ai trouvé dans >> la cour? est-ce quelque général qui sort pour » inspecter son armée? Tout cet étalage militaire » convient-il à une jeune reine adorée de ses sujets? » Il prenait cette occasion de lui rappeler la simplicité avec laquelle vivait Marie-Thérèse, les visites qu'elle allait faire, sans gardes et même sans suite, chez le prince d'Esterhazy, chez le comte de Palfi, pour y passer des journées entières loin de l'éclat fatigant de la couronne. L'abbé flattait ainsi, avec une adresse funeste, le penchant de Marie-Antoinette; il lui indiquait sous quelles couleurs elle pouvait se déguiser à elle-même sa haine pour les coutumes orgueilleuses, mais consacrées, 'que suivaient les descendans de Louis XIV.

Le théâtre, cette ressource féconde et commode des esprits superficiels, était à la cour le fond de toutes les conversations 1. C'était habituellement

'Un conte heureux, un bon mot, quelque naïveté ridicule d'un provincial, étaient aussi des bonnes fortunes dont on s'empressait de profiter. Il y avait des courtisans à la piste des histoires nouvelles ; et il faut avouer qu'ils portaient fort loin l'art agréable de conter avec grâce. Il était délicieux de les entendre; mais, à moins d'avoir un talent égal au leur, c'était chose difficile de redire ce qu'ils avaient dit : le ton et la forme ôtés, rien ne restait.

(Note de l'édit.)

du théâtre qu'on parlait à la toilette de la reine. Elle voulait tout savoir sur une représentation à laquelle elle n'avait pas assisté. La question : Y avait-il beaucoup de monde? ne manquait jamais. J'ai vu plus d'un gracieux duc lui répondre en s'inclinant : << Il n'y avait pas un chat. » Cela ne voulait pas dire, comme on pourrait le croire, que la salle eût été vide; il était même possible qu'elle eût été pleine; mais, dans ce cas-là, on voulait dire que c'étaient des financiers, de bons bourgeois, des provinciaux qui la remplissaient. La noblesse, encore dois-je dire la haute noblesse, ne connaissait que ses pareils. Pour en faire partie, il fallait avoir été présenté. Il Ꭹ avait encore parmi les gens de cette classe une élite privilégiée : c'est ce qu'on appelait les gens titrés; et les gens titrés qui habitaient Versailles, qui approchaient le roi et la reine, n'étaient pas sans quelque mépris pour ceux des leurs qui faisaient leur cour une seule fois par semaine. Dans ce cas-là, une femme présentée, titrée et portant le nom le plus illustre, pouvait être dédaigneusement rangée dans ce qu'on appelait les dames du dimanche.

LA retraite de madame Louise, l'éloignement de la cour, n'avaient fait que la livrer en entier aux intrigues du clergé. Elle recevait sans cesse les visites des évêques, des archevêques, des prêtres ambitieux; faisait accorder par le roi son père beau

coup de grâces ecclésiastiques, et s'attendait probablement à jouer un grand rôle à l'époque où le roi, lassé de ses plaisirs et de sa vie licencieuse, chercherait à s'occuper de son salut; ce qui serait peut-être arrivé, si une mort prompte et inattendue ne fût venue terminer sa carrière. Le plan de madame Louise échoua par cet événement. Elle resta dans son couvent d'où elle sollicitait encore beaucoup de grâces, ce que je pouvais juger par les plaintes de la reine, qui me disait souvent : « Voici >>> encore une lettre de ma tante Louise. C'est bien >> la petite carmélite la plus intrigante qui existe >> dans le royaume. » La cour allait la voir, à peu près trois fois par an, et je me souviens que la reine, lui menant sa fille, me chargea de lui faire habiller une poupée en carmélite, afin que la jeune princesse fût accoutumée, avant d'entrer au couvent, à l'accoutrement de sa tante la religieuse.

DANS un séjour où l'ambition tient toutes les passions éveillées, un mot, une seule réflexion, peuvent amener des préventions, faire naître la haine, et je n'ai pu me refuser à croire que l'inimitié connue, qui s'est établie entre la reine et madame de Genlis, n'ait eu pour première base une réponse de MarieAntoinette à la duchesse d'Orléans, au sujet de cette dame. Le jour des révérences pour les couches, à la naissance du dauphin, la duchesse d'Orléans s'approcha de la chaise longue de la reine, pour excuser

à

madame de Genlis de ne point paraître dans une occasion où toute la cour était empressée de féliciter Sa Majesté sur la naissance d'un héritier : une indisposition l'en avait empêchée. La reine répondit que la duchesse de Chartres se ferait excuser dans une circonstance semblable; que la célébrité de madame de Genlis aurait pu, à la vérité, faire remarquer son absence; mais qu'elle n'était pas de rang s'en faire excuser. Cette démarche de la princesse, subjuguée par l'esprit de la gouvernante de ses enfans, prouve au moins qu'à cette époque elle ambitionnait encore les regards et la bienveillance de la reine; et, à partir de ce moment, les réflexions peu indulgentes sur les habitudes et les goûts de la souveraine, et les critiques piquantes sur les productions et la conduite de la femme auteur, s'échangeaient sans interruption entre Marie-Antoinette et madame de Genlis. Au moins suis-je sûre que l'on ne manquait pas d'apporter à la reine les épigrammes et les chansons qui paraissaient contre la gouvernante des enfans du duc d'Orléans; et il est très-probable que la malice des courtisans faisait arriver au Palais-Royal, avec la même rapidité, tout ce qui pouvait avoir été dit dans l'appartement de la reine contre madame de Genlis.

M. de Maurepas mourut le 21 novembre, un mois après la naissance de M. le dauphin. Le roi parut très-affecté de cette perte. Quelle que fût l'indiffé

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