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La reine aimait beaucoup madame la princesse de Tallard, gouvernante des enfans de France. Cette dame, ayant atteint un âge avancé, vint prendre congé de Sa Majesté et lui faire part de la résolution qu'elle avait prise de quitter le monde et de mettre enfin un intervalle entre la vie et la mort. La reine lui témoigna tous ses regrets, essaya de la détourner de ce projet, et tout attendrie par l'idée du sacrifice auquel la princesse se déterminait, lui demanda où elle comptait se retirer: «< Dans les entre-sols de mon hôtel, madame, lui répondit madame de Tallard 1. »

Le comte de Tessé, père du dernier comte de ce nom, qui n'a point laissé d'enfans, était premier écuyer de la reine Marie Leckzinska. Elle estimait ses vertus, mais s'amusait quelquefois de la

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' « Madame de Tallard, dit Soulavie, aimait le jeu et les veilles, avait de l'esprit, de la dignité et de la noblesse dans l'expression. Elle nomma pour son exécuteur testamentaire Chauvelin, ancien garde des sceaux, et distribua avant sa mort ses bijoux et ses tabatières. Elle prit ce jour-là le plus beau de ses diamans, le mit à son doigt; et comme sa femme de chambre voulait le lui ôter pour le mettre en lieu de sûreté :· « Je dois mourir bientôt, lui dit-elle; et j'ai légué dans mon » testament, à M. de Chauvelin, le diamant que je porterai à » ma mort. » Madame de Tallard s'était fait, dans sa place de

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simplicité de son esprit. Un jour qu'il avait été question des hauts faits militaires qui honoraient la noblesse française, la reine dit au comte: « Et >> vous, monsieur de Tessé; toute votre maison s'est >> aussi bien distinguée dans la carrière des armes. Ah! madame, nous avons tous été tués au ser» vice de nos maîtres! Que je suis heureuse, reprit la reine, que vous soyez resté pour me le » dire! » Ce bon M. de Tessé avait marié son fils à l'aimable, à la spirituelle fille du duc d'Ayen, depuis maréchal de Noailles; il aimait éperdument sa belle-fille, et n'en parlait jamais qu'avec attendrissement. La reine, qui cherchait à l'obliger, l'entretenait souvent de la jeune comtesse, et lui demanda un jour quelle qualité il remarquait essentiellement en elle. « Sa bonté, madame, sa » bonté, répondit-il les yeux pleins de larmes : » elle est douce,... douce comme une bonne ber>> line. - Voilà bien, dit la reine, une compa» raison de premier écuyer. >>

gouvernante des enfans de France, cent quinze mille livres de rentes du roi, parce que, à chaque nouvel enfant, les appointemens augmentaient de trente-cinq mille livres. Cette augmentation était stable, même après l'éducation. Elle s'était éparée de gré à gré de son mari, faisait une très-grande dépense et devait immensément. La malignité, peut-être la calomnie, la poursuivirent même après sa mort. » ( Anecdotes de la cour de France pendant la faveur de madame de Pompadour, par Soulavie.)

(Note de l'édit.)

EN 1730, la reine Marie Leckzinska, se rendant à la messe, trouva le vieux maréchal de Villars appuyé sur une béquille de bois qui ne valait pas trente sous : elle l'en plaisanta, et le maréchal lui dit qu'il s'en servait depuis une blessure qui l'avait forcé de faire cette emplette à l'armée. La reine, en souriant, lui dit qu'elle trouvait sa béquille si indigne de lui, qu'elle espérait bien en obtenir le sacrifice. Rentrée chez elle, Sa Majesté fit partir M. Campan pour Paris, avec l'ordre d'acheter, chez le fameux Germain, la plus belle canne à béquille en or émaillé qu'il pût trouver, et lui ordonna de se rendre de suite à l'hôtel du maréchal de Villars, et de lui porter ce présent de sa part. Il se fit annoncer et remplit sa commission; le maréchal, en le reconduisant, le pria d'exprimer toute sa reconnaissance à la reine, et lui dit qu'il n'avait rien à offrir à un officier qui avait l'honneur d'appartenir à Sa Majesté, mais qu'il le priait d'accepter son vieux bâton; qu'un jour peut-être ses petits - fils seraient bien aises de posséder la canne avec laquelle il commandait à Marchiennes et à Denain. On trouve dans cette anecdote le caractère connu du maréchal de Villars, mais il ne se trompa pas sur le prix que l'on mettrait à son bâton. Il a été conservé depuis ce temps avec vénération par la famille de M. Campan. Au 10 août 1792, une maison que j'occupais que j'occupais sur le Carrousel, à

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l'entrée de la cour des Tuileries, fut entièrement pillée et en grande partie brûlée; la canne du maréchal de Villars fut jetée sur le Carrousel, à raison de son peu de valeur, et ramassée par mon domestique. Si l'ancien maître de cette canne eût vécu à cette époque, nous n'aurions pas vu une si déplorable journée.

Le père de la reine était mort consumé auprès de sa cheminée. Comme presque tous les vieillards, il répugnait à des soins qui dénotent l'affaiblissement des facultés, et avait ordonné à un valet de chambre, qui voulait rester près de lui, de se retirer dans la pièce voisine : une étincelle mit le feu à une douillette de taffetas ouaté de coton, que la reine sa fille lui avait envoyée. Ce pauvre prince, qui espérait encore sortir de l'état affreux où l'avait mis ce terrible accident, voulut en faire part lui-même à la reine, et, mêlant la gaieté douce de son caractère au courage de son âme, il lui manda : « Ce qui me console, ma fille, » c'est que je brûle pour vous. » Cette lettre ne quitta pas Marie Leckzinska jusqu'à sa dernière heure, et ses femmes la surprirent souvent baisant un papier qu'elles ont jugé être ce dernier adieu de Stanislas 1.

'Ce trait honore le cœur et la piété filiale de Marie Leckzinska. Cette princesse avait autant d'esprit que de sensibilité, si l'on en juge par plusieurs traits qui lui échappaient dans la conversation, et que l'abbé Proyart a recueillis. Plusieurs sont

remarquables par le fond des idées, et souvent aussi par un tour ingénieux et vif.

<< Nous ne serions pas grands sans les petits. Nous ne de»vons l'être que pour eux. » (P. 240.)

« Tirer vanité de son rang, c'est avertir qu'on est au-des» sous. » (Ibidem.)

« Un roi qui commande le respect pour Dieu est dispensé » de le commander pour sa personne. » (Ibidem.)

« La miséricorde des rois est de rendre la justice; et la jus» tice des reines, c'est d'exercer la miséricorde. » (P. 241.) « Les bons rois sont esclaves, et leurs peuples sont libres. »> (Ibidem.)

« Le contentement voyage rarement avec la fortune; mais » il suit la vertu jusque dans le malheur.» (Ibidem.)

« Ce n'est que pour l'innocence que la solitude peut avoir des charmes.» (P. 242.)

« S'estimer grand par le rang et les richesses, c'est s'imagi>>ner que le piédestal fait le héros. » (Ibidem.)

<< Plusieurs princes ont regretté, à la mort, d'avoir fait la » guerre; nous n'en voyons aucun qui se soit repenti alors » d'avoir aimé la paix.

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(Ibidem.)

« Une personne sensée juge d'une tête par ce qu'il y a de>> dans; les femmes frivoles par ce qu'il y a autour. » (P. 245.) » Les courtisans nous crient: Donnez-nous sans compter! et

» le peuple: Comptez ce que nous vous donnons ! »

On trouvera, lettre (L), sur le caractère de cette princesse, des détails et des anecdotes qui la font encore mieux connaître. (Note de l'édit.)

TOM. III.

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