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prit et le porta dans l'antichambre des valets de pied. La reine avait un gros chat favori qui ne cessait de parcourir les appartemens. Ce manteau de satin, doublé de fourrure, se trouve à sa convenance, il s'y établit. Malheureusement les traces de son séjour s'y firent remarquer de la manière la plus désagréable sur le satin blanc de la pelisse, quelque soin que l'on eût pris pour les faire disparaître avant de la lui donner. La duchesse s'en aperçut, prit le manteau à sa main, et rentra furieuse dans la chambre de la reine qui était encore environnée de presque toute sa cour: « Voyez, madame, lui dit» elle, l'impertinence de vos gens, ils ont jeté ma

pelisse sur une banquette de l'antichambre où le >> chat de Votre Majesté vient de l'arranger comme >> la voilà. » La reine, mécontente de ses plaintes et d'une semblable familiarité, lui dit de l'air le plus froid: «< Sachez madame, que vous avez des gens, et » que je n'en ai pas; j'ai des officiers de ma chambre,

qui ont acheté l'honneur de me servir : ce sont des >> hommes bien élevés et instruits; ils savent quelle » est la dignité qui doit accompagner une de mes >> dames du palais; ils n'ignorent pas que, choisie >> parmi les plus grandes dames du royaume, vous » devriez être accompagnée d'un écuyer, ou au >> moins d'un valet de chambre qui le remplacerait » et recevrait de vous votre pelisse, et qu'en obser>> vant ces formes convenables à votre rang vous >> ne seriez point exposée à voir vos effets jetés sur des >> banquettes d'antichambre. »

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J'ai lu, dans plusieurs ouvrages écrits sur la vie de la reine Marie Leckzinska, qu'elle possédait de grands talens. Il est prouvé, par sa conduite religieuse, noble et résignée, par la grâce et la justesse de son esprit, que son auguste père avait pris les plus tendres soins pour développer en elle toutes les excellentes qualités dont le ciel l'avait douée. Les vertus et les lumières des grands sont toujours démontrées par leur conduite; quant à leurs talens, cette partie reste dans l'apanage des flatteurs, de manière à n'avoir jamais de preuves authentiques sur leur réalité, et, quand on a vécu près d'eux, il est très-pardonnable de mettre leurs talens en doute. S'ils dessinent ou peignent, un habile artiste est toujours là qui dirige le crayon par le conseil, quand il ne le fait pas de sa propre main, qui prépare la palette, amalgame les couleurs d'où dépend le coloris. Si une princesse entreprend quelque broderie nuancée, de la nature de celles qui peuvent prendre leur place parmi les productions des arts, une habile brodeuse défait et recommence ce qui a été manqué, passe des soies sur les teintes négligées. Si la princesse est musicienne, il n'y a pas d'oreilles qui jugent si elle a chanté faux, ou au moins il n'existe personne capable de le dire: ce sont de légers inconvéniens que ce manque de perfection dans les talens des grands. S'en occuper, quoique médiocrement, est un mérite qui suffit en eux, puisque leur seul goût et la protec

tion qu'ils leur accordent les font éclore de toutes parts. La reine aimait l'art de la peinture, et croyait savoir dessiner et peindre; elle avait un maître de dessin qui passait toutes ses journées dans son cabinet. Elle entreprit de peindre quatre grands tableaux chinois, dont elle voulait orner son salon intérieur, enrichi de porcelaines rares et de très-beaux marbres de laque. Ce peintre était chargé de faire le paysage et le fond des tableaux; il traçat au crayon les personnages, les figures et les bras étaient aussi confiés par la reine à son pinceau; elle ne s'était réservé que les draperies et les petits accessoires. La reine, tous les matins, sur le trait indiqué, venait placer un peu de couleur rouge, bleue ou verte, que le maître préparait sur la palette, et dont il garnissait chaque fois son pinceau, en répétant sans cesse: « Plus haut, plus bas, madame; à droite, » à gauche. » Après une heure de travail, la messe à entendre, quelques autres devoirs de piété ou de famille appelaient Sa Majesté; et le peintre, mettant des ombres aux vêtemens peints par elle, enlevant les couches de peinture où elle en avait trop placé, terminait les petites figures. L'entreprise finie, le salon intérieur fut décoré de l'ouvrage de la reine, et l'entière confiance de cette vertueuse princesse, que cet ouvrage était celui de ses mains, fut telle, que, léguant ce cabinet à madame la comtesse de Noailles, sa dame d'honneur, les tableaux et tous les meubles dont il était décoré, elle ajouta à l'artiele de ce legs: « : « Les tableaux de mon cabinet étant

>>> mon propre ouvrage, j'espère que madame la >> comtesse de Noailles les conservera par amour » pour moi. » Madame de Noailles, depuis maréchale de Mouchy, fit construire un pavillon de plus à son hôtel du faubourg Saint-Germain, pour y placer dignement le legs de la reine, et fit graver en lettres d'or sur la porte d'entrée: L'innocent mensonge de cette bonne princesse 1.

La reine avait choisi pour amis particuliers le duc, la duchesse et le bon cardinal de Luynes.

'On trouve dans la Vie de Marie Leckzinska, par l'abbé Proyart, les details suivans sur les occupations de cette princesse. « Au sortir de son dîner, elle donnait encore des audiences. Elle entrait ensuite dans ses petits appartemens où elle s'amusait à jouer de quelque instrument, à peindre au pastel ou à faire usage d'une fort petite et fort jolie imprimerie. Elle ne peignait que des tableaux de dévotion dont elle faisait présent à des communautés religieuses et à des personnes qui avaient le goût de la piété. Il lui en restait à sa mort un cabinet entier qu'elle laissa par son testament à sa dame d'honneur. Elle imprimait, pour les distribuer comme ses tableaux, des prières, des sentences et des maximes de morale. Le dauphin l'ayant un jour trouvée occupée de ce travail, se récria, avec sa gaieté ordinaire, sur le scandale qu'elle lui donnait avec son imprimerie clandestine. La reine lui fit présent d'une collection des ouvrages sortis de sa presse, et lui demanda s'il ne serait pas curieux d'apprendre le métier à son école? « Pas du tout, répondit le prince; à moins que ce ne soit pour imprimer un » règlement bien sévère contre l'abus qu'on fait aujourd'hui » de l'imprimerie. »> (Note de l'édit.)

Elle les appelait ses honnêtes gens 1; elle faisait souvent à la duchesse l'honneur de passer la soirée et de souper chez elle; le président Hénault faisait le charme de cette pieuse et vertueuse société. Ce magistrat unissait aux qualités imposantes de son état le savoir d'un homme de lettres et l'aménité

'Je ne prétends affaiblir en rien le sens de l'honorable épithète donnée par la reine à ses amis ; mais la fidélité de l'histoire m'oblige à rapporter le passage suivant des Mémoires de madame du Hausset.

« J'étais surprise, dit-elle, de voir depuis quelque temps la duchesse de Luynes, dame d'honneur de la reine, venir en secret chez Madame. Ensuite elle y vint sans se cacher; et, un soir, Madame s'étant mise au lit, me dit : « Ma chère bonne, » vous allez être bien contente, la reine`me donne une place » de dame du palais; demain je lui serai présentée : il faut me » faire bien belle. » J'ai su que le roi n'était pas aussi aise qu'elle; il craignait le scandale, et qu'on ne crût qu'il avait forcé la reine à cette nomination. Mais il n'en était rien. On représenta à cette princesse que c'était un acte héroïque d'oublier le passé; que tout scandale serait effacé, quand on verrait Madame tenir à la cour par une place honorable; et que ce serait une preuve qu'il n'y avait plus que de l'amitié entre le roi et sa favorite. La reine la reçut très-bien ; les dévots se flattèrent d'être protégés par Madame, et chantèrent pendant quelque temps ses louanges. Plusieurs amis du dauphin venaient en particulier voir Madame, excepté le chevalier du Muy ; et quelquesuns obtinrent des grades. Le roi avait pour eux le plus grand mépris et ne leur accordait rien qu'en rechignant.

>> Ce moment est celui où j'ai vu Madame le plus satisfaite. Les dévotes venaient chez elle sans scrupule et ne s'oubliaient pas dans l'occasion. Madame de Luynes avait donné l'exemple,

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