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roi, tout concourut à ce que la marquise fût assez bien vue par cette princesse. Le frère de madame de Pompadour reçut du roi des lettres de hautenaissance, et fut nommé surintendant des bâtimens et jardins. Souvent il faisait offrir à la reine, par la marquise sa sœur, les fleurs, les ananas, les primeurs les plus rares, venant des jardins de Trianon et de Choisy. Un jour que la marquise était entrée chez la reine, portant une grande corbeille de fleurs qu'elle tenait avec ses deux beaux bras sans gants, par signe de respect, la reine admira tout haut la beauté de la marquise, et par des éloges détaillés qui auraient convenu autant à une production des arts qu'à un être animé, elle semblait vouloir justifier le goût du roi. Le teint, les yeux, les beaux bras de la favorite, tout avait été le sujet d'éloges faits avec le ton de supériorité qui les rend plus offensans que flatteurs, lorsque la reine pria la marquise de chanter dans l'attitude où elle était, désirant entendre cette voix et ce talent dont toute la cour du roi avait été charmée au spectacle des petits appartemens, et réunir à la fois le plaisir des oreilles à ceux des yeux. La marquise, tenant toujours son énorme corbeille, sentait parfaitement ce que cette invitation avait de désobligeant, et cherchait à s'excuser sur l'invitation de chanter. La reine finit par le lui ordonner; alors elle fit entendre sa belle voix, en choisissant le monologue d'Armide: Enfin il est en ma puissance. Toutes les dames présentes à cette scène eurent à composer leur

visage en remarquant l'altération de celui de la reine?.

La reine recevait avec beaucoup de grâces et de dignité; mais il arrive très-souvent aux grands de répéter les mêmes questions, la stérilité des idées étant bien pardonnable dans des réceptions publiques où on a si peu de choses à se dire. Une ambassadrice fit sentir à cette princesse qu'elle ne se prêtait pas à ses distractions sur ce qui la concernait. Cette dame était grosse, et, malgré son état, elle se présentait assidûment chez la reine qui, toutes les fois qu'elle la voyait, lui demandait si elle était grosse, et, après la réponse affirmative, s'informait du nombre de mois où en était sa grossesse. Fatiguée de la récidive de ces questions, et désobligée de l'oubli total qui avait toujours suivi

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elle ma

Madame de Pompadour possédait plusieurs talens; niait également bien le crayon et le burin. On a d'elle plusieurs gravures sur cuivre et sur pierres fines. Elle composa, et l'on ajoute qu'elle exécuta même une suite de sujets destinés à consacrer les événemens les plus célèbres du règne de Louis XV. C'était à cette époque une rare faveur que de recevoir la collection des gravures de madame de Pompadour. Si quelques écrivains contestent encore ses succès comme artiste en ce genre, tout le monde est d'accord sur ses talens en musique. Sa voix était belle, sonore, étendue; elle se plaisait à

la faire briller dans des concerts où les meilleurs artistes et le plus grands seigneurs faisaient leur partie. Voyez, à ce sujet, des détails curieux sous la lettre (K). (Note de l'édit.)

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cette fausse marque d'intérêt, l'ambassadrice répondit à la question, êtes-vous grosse? non, madame. Dans l'instant, cette réponse rappela à la mémoire de la reine celles qui lui avaient été faites précédemment. « Comment, madame! lui dit-elle; il me semble que vous m'avez répondu plusieurs fois que vous étiez grosse, seriez-vous >> accouchée? Non, madame; mais, en répétant toujours la même chose à Votre Majesté, j'ai craint de l'ennuyer. » Cette ambassadrice fut, depuis ce jour, reçue très-froidement à la cour de Marie Leckzinska, et, si elle avait eu plus d'influence, l'ambassadeur eût bien pu se ressentir de l'indiscrétion de sa femme. La reine était gracieuse et modeste; mais plus, dans l'intérieur de son àme elle remerciait Dieu de l'avoir placée sur le premier trône de l'Europe, moins elle voulait qu'on se rappelat son élévation. Ce sentiment la portait à faire observer toutes les formes de respect, comme la haute idée du rang dans lequel les princes sont nés, et qui les conduit trop souvent à dédaigner les formes d'étiquette et à rechercher les habitudes les plus simples. Le contraste, sur ce point, était frappant entre Marie Leckzinska et Marie-Antoinette: on l'a justement et généralement pensé. Cette reine infortunée porta trop loin son insouciance pour ce qui tenait aux formes sévères de l'étiquette 1. Un

On reproche si souvent à Marie-Antoinette d'avoir dérogé à la sévérité des anciens usages, qu'il faut bien répondre encore

jour que la maréchale de Mouchy la fatiguait de questions sur l'étendue qu'elle voulait accorder aux da→ mes pour ôter ou garder leur manteau, pour avoir les barbes de leurs coiffures retroussées ou pendantes, la reine lui répondit en ma présence: « Madame, >> arrangez tout cela comme vous l'entendrez; mais >> ne croyez pas qu'une reine née archiduchesse » d'Autriche, y apporte l'intérêt et l'attention qu'y >> donnait une princesse polonaise, devenue reine de >> France. »

La princesse polonaise, à la vérité, ne pardonnait le moindre écart sur le profond respect pas dû à sa personne et à tout ce qui dépendait. d'elle. La duchesse de ***, dame de son palais, d'un carac

une fois à cette accusation par des faits. Jamais prince ne fut plus rigide observateur des lois de l'étiquette que Louis XIV; et, dans ses dernières années, la pruderie de madame de Maintenon tendait à renforcer encore ce penchant au lieu de l'affaiblir. Eh bien! que ceux qui ne pourraient pardonner à MarieAntoinette de légères infractions au cérémonial comparent sa conduite à celle de la duchesse de Bourgogne.

« Cette princesse, dit madame la duchesse d'Orléans dans ses Mémoires, était souvent toute seule dans son château, sans ses gens, prenant une des jeunes dames sous le bras, elle courait sans ses écuyers et sans ses dames d'honneur et d'atours. A Marly et à Versailles, elle allait à pied, sans corset ; entrait à l'église et s'asseyait auprès des femmes de chambre. Chez madame de Maintenon, on n'observait point de rang, et tout le mondes'y asse yait pêle-mêle ; elle faisait cela à dessein pour. qu'on ne remarquât pas son propre rang. A Marly, la dauphine courait la nuit avec tous les jeunes gens dans le jardin jusqu'à

TOM. III.

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tère impérieux et acariâtre, s'attirait de ces petits dégoûts que les serviteurs des princes ne manquent jamais de donner aux personnes hautaines et désobligeantes, quand ils peuvent les appuyer sur leurs devoirs ou sur de simples usages. L'étiquette, on pourrait dire les seules convenances de respect, interdisaient de rien poser à soi sur les siéges de la chambre de la reine. On traversait à Versailles cette

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chambre pour se rendre au salon de jeu. La duchesse de posa son manteau sur un des plians rangés devant la balustrade du lit; l'huissier de la chambre, chargé de surveiller tout ce qui se passait dans cette pièce pendant la durée du jeu, vit ce manteau, le

trois ou quatre heures du matin. Le roi n'a rien su de ces courses nocturnes. »

Ceci est-il assez clair, assez positif? D'où vient donc le blâme qui s'élève avec tant d'injustice contre Marie-Antoinette, tandis qu'on gardait un silence profond sur les inconséquences, pour ne pas dire pis, de la duchesse de Bourgogne ? C'est que la trop grande bonté de Louis XVI encourageait parmi les courtisans l'audace et la calomnie, quand, sous Louis XIV au contraire, le plus prompt châtiment aurait atteint l'audacieux qui eût exercé la malignité de ses propos contre une personne placée près du trône.

La duchesse d'Orléans le fait assez connaître. « Madame de Maintenon, ajoute-t-elle, avait défendu à la duchesse de Lude de gêner la duchesse de Bourgogne, pour ne pas la fâcher, attendu qu'étant de mauvaise humeur, la dauphine ne pouvait divertir le roi. Elle avait aussi menacé de son courroux éternel quiconque serait assez téméraire pour dénoncer la dauphine près du roi. » (Note de l'édit.)

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