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ANECDOTES

RELATIVES

A MARIE LECKZINSKA.

MARIE Leckzinska, femme de Louis XV, parlait souvent de la position plus que médiocre où elle se trouvait à l'époque où la politique du cabinet de Versailles fit rompre le mariage du roi avec la jeune infante, et monter au rang de reine de France une princesse polonaise, fille d'un souverain détrôné. Avant qu'un événement aussi peu espéré eût changé la destinée de cette vertueuse princesse, il avait été question de la marier au duc d'Estrées, et quand la duchesse de ce nom vint lui faire sa cour à Versailles, elle dit aux personnes qui l'environnaient : « Je >> pourrais cependant être à la place de cette dame, >> et faire la révérence à la reine de France 1. » Elle

'Dans les Mémoires estimés sur le règne de Marie Leckzinska, on dit qu'elle fut au moment d'épouser le duc de Bourbon. J'ignore si ce fait peut être contestable; mais je puis affirmer qu'elle a souvent entretenu madame Campan, ma belle-mère, du projet de son mariage avec le duc d'Estrées.

(Note de madame Campan.)

racontait que le roi, son père, lui avait appris son élévation d'une manière qui aurait pu lui faire une trop grande impression; qu'il avait eu soin, pour ne pas troubler sa tranquillité, de lui laisser ignorer totalement les premières négociations entamées pour son mariage, et que tout étant définitivement arrêté et l'ambassadeur arrivé, son père s'était rendu chez elle, avait avancé un fauteuil, l'y avait fait placer, et lui avait dit : «< Permettez, madame, » que je jouisse d'un bonheur qui répare et surpasse » tous mes revers : je veux être le premier à rendre mes hommages à la reine de France. »

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Marie Leckzinska n'était pas jolie; mais elle avait de la finesse dans l'esprit et dans les traits, et ses manières simples étaient relevées par les grâces des dames polonaises. Elle aimait le roi; ses premières infidélités lui furent très-pénibles à supporter, Cependant la mort de madame de Châteauroux, qu'elle avait connue fort jeune, et qui avait même été l'objet de ses bontés, lui fit une pénible impression. Cette bonne reine se ressentait des premières années d'une éducation superstitieuse : elle avait des revenans. La première nuit qu'elle passa après avoir appris cette mort presque subite, elle ne pouvait s'endormir, et faisait veiller une de ses femmes qui cherchait à calmer son insomnie par des histoires que dans ce cas elle se faisait conter, comme les enfans en demandent à leurs bonnes. Cette nuit, rien ne pouvait ramener son sommeil sa femme de chambre la croyait endormie, s'éloignait de son

peur

lit sur la pointe des pieds; le moindre bruit du parquet réveillait la reine qui criait : « Où allez-vous? >> Restez, contez encore, >> quoiqu'il fût plus de deux heures après minuit. Cette femme, qui se nommait Boirot, et qui était fort naïve, lui disait : << Mais qu'a donc Votre Majesté cette nuit? y a-t-il » de la fièvre? faut-il faire éveiller son médecin? Oh! non, non, ma bonne Boirot, je ne suis >> pas malade; mais cette pauvre madame de Châ>>teauroux, si elle revenait!......-Eh! Jésus! ma

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dame lui répondit cette femme qui avait perdu toute » patience, si madame de Châteauroux revient, >> bien sûrement ce n'est pas Votre Majesté qu'elle >> viendra chercher. » La reine partit d'un éclat de rire à cette naïveté, son agitation cessa, et bientôt elle fut endormie.

LA nomination de madame Le Normand d'Étioles', marquise de Pompadour, à la place de dame

'On sera curieux sans doute de savoir comment Jeanne Poisson, fille d'un commis dans l'administration des vivres, parvint à remplacer, dirai-je dans l'emploi ou dans le rang de favorite, la duchesse de Châteauroux, issue de l'illustre maison de Nesle. Soulavie donne à ce sujet des détails que rien n'empêche de croire exacts. Nous les donnons aussi parce qu'on peut aimer à connaître toutes les routes qui mènent à la grandeur.

<< Madame d'Étioles accompagnait le roi (Louis XV) dans toutes ses parties de chasse, non pas comme appartenant à sa

du palais de la reine, offensa la dignité autant que la sensibilité de cette princesse. Cependant les hommages respectueux de la marquise, l'intérêt

suite, mais comme spectatrice. Comme une déesse descendue du ciel, elle paraissait dans la forêt de Senart, à côté du château d'Étioles, tantôt vêtue d'une robe d'azur, dans un phaéton couleur de rose, et tantôt vêtue couleur de rose et dans un phaéton d'azur. Sa beauté était éclatante; aussi la duchesse de Châteauroux, qui redoutait déjà l'inconstance de Louis XV, en prit-elle ombrage. Elle fit suivre madame Le Normand d'Étioles par d'habiles jeunes gens qui lui rendaient compte de ses démarches. On a dit que madame d'Étioles, confondue dans la foule, ayant osé venir étaler ses charmes au grand couvert, madame de Châteauroux, qui se la fit montrer, parce qu'elle ne pouvait en être connue, se plaça entre le roi et madame d'Étioles, comme un écran ; chercha des pieds la rencontre des siens, et les écrasa du poids de son corps, pour lui apprendre, par ce châtiment anonyme, à oser se montrer au roi. Mais madame d'Étioles était si patiente que rien ne fut capable de la distraire de ses projets*. »

Puisque j'ai commencé à parler de la rivalité qui existait entre ces dames, il faut citer encore un trait qui désola ́madame de Pompadour, même après son triomphe et la mort de madame de Châteauroux.

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Dagé était en ce moment le coiffeur recherché des princesses du sang et des premières dames de la cour, madame de Châteauroux l'ayant mis à la mode. Il était bienvenu des

* M. d'Étioles était moins patient que sa femme. Il vit son élévation avec des mouvemens d'humeur qui donnaient lieu très-souvent à de singulières scènes. Celle qu'on trouvera rapportée dans les éclaircissemens, lettre (I), n'est pas une des moins piquantes.

(Note de l'édit.)

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qu'avaient des grands qui briguaient ses faveurs de la faire traiter avec indulgence par la reine, le respect de Marie Leckzinska pour les volontés du

:

femmes, parce qu'il avait mis son art au plus haut point de perfection. Les princesses du sang et les dames titrées avaient mis de côté leur valet de chambre, et voulaient être coiffées par ce perruquier, qui devint l'enfant gâté des femmes de la cour. Dagé était bien fait de sa personne, facétieux de caractère et Gascon. Se prévalant de la protection de madame la dauphine, belle-fille de Louis XV, il faisait l'important vis-àvis du parti opposé. Madame de Pompadour, quoique fort embarrassée de son rôle, voulut se mettre au ton qui régnait dans ce temps-là, demanda Dagé, et fut obligée de négocier. Victorieuse de la résistance du coiffeur Comment vous êtesvous donné, lui dit-elle le premier jour qu'elle l'employa, une aussi grande vogue et la réputation dont vous jouissez? Cela est-il surprenant, madame, lui répondit le facétieux Dagé, je coiffais l'autre. La toilette de madame de Pompadour était ce jour-là très-brillante et très-nombreuse. L'embarras des assistans fut douloureux et complet. Madame la dauphine, les dames de France répétèrent que Dagé coiffait l'autre, et ce mot ne contribua pas peu à former à la cour des divisions qui éclatèrent peu de temps après entre la famille royale et la favorite. Les princes et les princesses appelèrent madame d'Étioles madame celle-ci, et madame de Châteauroux madame l'autre ; Louis XV en fut désolé. » (Mémoires historiques et anecdotes de la cour de France, par Soulavie, tom. I.)

Le lecteur verra, lettre (J), par un passage piquant des Mémoires de madame du Hausset sur madame de Pompadour, qu'on faisait, pour lui enlever le cœur de Louis XV, au moins autant de tentatives qu'elle en avait faites elle-même pour s'en rendre maîtresse. (Note de l'édit.)

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