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M. de Maurepas. Celui-ci se servait adroitement de l'abbé Ter· ray pour noircir le duc de Choiseul, avant qu'il le précipitât lui-même du ministère des finances. Après l'abbé Terray, Turgot, qui avait du duc la même opinion, continua à en médire dans ses entretiens particuliers et ses travaux avec le roi. Le chancelier Maupeou, coupable envers le duc d'une partie de ce qu'il avait fait contre lui, s'unissait à ce parti. On allait jusqu'à dire que Marie-Antoinette était fille du duc de Choiseul, et on calculait les mois et les jours de grossesse de MarieThérèse. On citait l'époque de l'ambassade du duc à Vienne, pour donner quelque vraisemblance à cette opinion que les seules dates contrariaient. Vergennes se trouvait l'ennemi de la diplomatie autrichienne. La Vrillière, qui avait exécuté les ordres du roi en l'exilant à Chanteloup, après avoir intrigué avec d'Aiguillon et madame Du Barry, y travailla autant que le pouvait un homme qui avait perdu son crédit et sa considération. Dans la famille royale les trois tantes du roi ne visaient qu'au même but. Ainsi, de quelque côté que Louis XVI se tournât, il ne trouvait que des ennemis implacables du nom de Choiseul, à l'exception de la reine, pleine de dépit de voir cette multiplicité d'oppositions à ses premiers penchans. (Mém. historiques et politiques du règne de Louis XVI, par Soulavie, tom. II.)

Note (N), page 94.

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<< M. DE VERGENNES, président du conseil des finances, place lucrative et honorifique plutôt qu'administrative, était à peine instruit de l'existence d'un déficit secret que M. de Calonne portait à cent millions, qu'il prévit les réclamations, les éclats et le ressentiment de toute la France, lorsque la nécessité fatale arriverait de manifester cette plaie de l'État pour la guérir. Il aperçut de loin le parti que l'Angleterre tirerait alors de notre situation. La France, ayant surpris l'Angleterre dans le cruel embarras des insurrections coloniales, avait changé des

rebelles en peuple souverain. Que ne ferait pas l'Angleterre dans l'intérieur de la France, quand tous les ordres de l'État se soulèveraient contre le déficit annuel de plus de cent millions, dilapidés par une cour que la procédure du collier jetait dans une espèce d'avilissement ? M. Necker, dans un compte rendu, avait assuré, cinq ans auparavant, que la recette était supérieure à la dépense de plusieurs millions; et maintenant M. de Calonne trouvait un déficit de cent millions! A quoi attribuer ce déficit? Aux cinq dernières années? On ne pouvait ainsi accuser la cour sans l'avilir. Aux années antérieures? On ne pouvait avilir la grande réputation de M. Necker. Quel parti ne devait pas tirer l'Angleterre de cette position embarrassante!

>> On se ressouvint, dans cette circonstance, que la France et l'Angleterre s'étaient promis, à la fin de 1783, de négocier un traité. M. de Calonne et M. de Vergennes concoururent à le rendre favorable à la nation britannique, et, par leur calcul, nos manufactures furent sacrifiées. Pendant les douze années que devait durer le traité, l'Angleterre satisfaite devait jouir d'un bénéfice immense et s'occuper de rétablir ses propres finances. Ce traité, qui souleva tous les esprits, fut signé le 26 septembre 1786, sous le ministère de M. Pitt, victorieux de M. Fox, récemment sorti du ministère ; et la résolution de convoquer les notables fut prise dans le conseil, à Versailles, 29 décembre.

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>> Je n'entrerai pas dans le détail des reproches que la nation a faits à ce traité; il n'existe plus. J'observerai que les négocians anglais, pour nous donner le goût de leurs marchandises, de leurs poteries, par exemple, portèrent leurs spéculation au point de les donner, au-dessous de leur valeur, à crédit et à longs termes. Nous avons tous vu les poteries anglaises devenir, dans l'espace d'un mois, à la mode sur les tables les plus distinguées. Nous fùmes les témoins des banqueroutes de plusieurs manufactures françaises intéressantes. » ( Mém. hist. du règne de Louis XVI, par Soulavie, tom. VI.)

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Note (O), page 115.

« Le roi ayant acquis le château de Rambouillet du duc de Penthièvre, se plut à y faire divers embellissemens. J'ai vu un registre, tout écrit de sa main, qui prouve des connaissances infinies de détail. Dans ces comptes, il insérait un article d'un écu, de quinze sous. Les chiffres et les caractères de son écriture, quand il voulait écrire bien lisiblement, sont mignons et très-jolis ; les lettres sont bien formées; mais le plus souvent il écrivait fort mal. Il épargnait le papier à tel point, qu'il en sous-divisait une feuille en huit, en six, en quatre morceaux, suivant la longueur de ce qu'il avait à écrire. Il paraissait regretter en écrivant de perdre du papier; vers les approches de la fin de la page il serrait les lettres, évitait les interlignes. Les derniers mots touchaient la fin et la coupure du papier; il semblait avoir regret de commencer une autre page. Il avait un esprit méthodique et analytique; il divisait ses compositions en chapitres et en sections : il avait extrait des œuvres de Nicole et de Fénélon, ses auteurs chéris, trois ou quatre cents phrases concises et sentencieuses; il les avait classées par ordre de matières, et il en avait formé un second ouvrage dans le goût et suivant les formes de Montesquieu; il avait donné pour titre général à ce traité : De la monarchie tempérée, avec des chapitres intitulés : De la personne du prince. De l'autorite des dans l'État. Du caractère de l'exécution de la monarchie. corps S'il avoit pu exécuter tout ce qu'il avait aperçu de beau et de grand dans Fénélon, Louis XVI eût été un monarque accompli; la France eût été une monarchie puissante.

» Le roi acceptait de ses ministres les discours qu'ils lui présentaient pour les prononcer dans des occasions d'éclat; mais il les corrigeait, il y mettait des nuances, il effaçait, il ajoutait, et communiquait quelquefois l'ouvrage à son épouse. Dans ce travail, on voit qu'il cherchait le mot propre, et qu'il le trouvait. Le mot du ministre, effacé par le roi, était parfois incon

venant, provenant de la passion du ministre ; mais le mot du roi était toujours le mot naturel. On eût dit qu'il fallait être roi pour le trouver, tant il paraissait convenable. Il a composé lui-même trois fois et plus souvent ses fameuses réponses aux parlemens qu'il exilait. Mais dans ses lettres familières il était négligé et toujours incorrect.

La simplicité de l'expression était le caractère du style du roi; le style figuré de M. Necker ne lui plaisait pas; les sarcasmes de Maurepas le blessaient. Dans cette foule de vues, qui se trouvent dans un carton rempli de projets, on lit de sa main, Cela ne vaut rien; dans d'autres, il prévoyait l'avenir. L'infortuné ! il avait prévu dans ses notices que, si tel malheur arrivait, la monarchie était perdue ; et le lendemain, il consentait dans son conseil l'opération qu'il avait condamnée la veille, et qui le rapprochait du précipice. » (Mém. hist. et politiq. du règne de Louis XVI, par Soulavie, tom. II.)

Note (P), page 121.

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« CE système monstrueux fut appelé constitution, et ce que la postérité aura peine à croire, c'est que tous les partis vinrent s'y rallier. Nous l'avons dit, et d'autres l'ont répété avant nous, les hommes se laissent bien plus conduire par les mots que par les choses. Cette constitution reçut le nom de monarchie démocratique, ou de démocratie royale. Il n'en fallait davantage. Tous les aristocrates vinrent se ranger sous les étendards de la monarchie, et tous les démocrates sous ceux de la démocratie. Voilà l'une des raisons de ce phénomène. Ajoutez-y qu'au moyen de ces deux dénominations bizarres et incohérentes, cette constitution se pliait à toutes les passions, flattait tous les partis et leur laissait à tous des espérances.

» La France entière devint constitutionnelle on n'y eut plus à la bouche que le mot constitution. Le peuple, la bourgeoisie, se livrèrent à la joie la plus immodérée. Non-seulement le plus grand nombre des Français, plus honnêtes qu'é

TOM. III.

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clairés, crurent de bonne foi cette constitution praticable, mais ils la regardaient comme la plus sublime des institutions politiques.

» Derrière les constitutionnels se cachaient trois partis : le plus odieux, dans son but, travaillait au retour du despotisme; le plus inconséquent cherchait, après avoir détruit la noblesse, à la ressusciter par l'introduction d'une chambre haute; et le plus fidèle aux principes, les vrais jacobins voulaient la république démocratique.

» Ici, dans l'ombre du mystère et sous des formes variées et changeantes, commence, entre tous ces partis, une lutte violente et un jeu secret d'intrigues et de factions, auprès duquel toutes les factions qui ont agité les empires et désolé la terre ne sont que des jeux d'enfans. Ici les factions se combinent, se compliquent, s'entrelacent en telle sorte qu'elles forment un labyrinthe, et que l'historien qui voudra un jour les décrire et suivre leurs sinuosités, fût-il aidé du fil même d'Ariane, aura bien de la peine à en sortir. Signalons d'abord les aristocrates et démocrates : c'est la division la plus générale. Sous la première dénomination rangeons les monarchistes, les royalistes ou les amis du roi, et les ennemis de l'égalité; sous la seconde les patriotes et les amis du peuple et de l'égalité. Entre ces deux classes flottent sans plan et sans système les impartiaux et les indépendans. Remarquons cependant qu'aristocrate et démocrate se prennent en plusieurs sens et reçoivent les acceptions les plus opposées. Un démocrate est royaliste, un monarchiste est démocrate, parce qu'ils sont également constitutionnels, et la constitution favorise ces contre-sens. Ce n'est pas tout : que les jacobins sont censés les plus ardens amis de la liberté du peuple et de l'égalité. Personne, à cet égard, ne veut rester en arrière on se dispute la popularité, puisqu'elle est la route nouvelle que la révolution ouvre à la fortune, au pouvoir et à la renommée. Tous veulent donc être jacobins. Tous les constitutionnels vont aux jacobins et se disent jacobins. Ainsi, pendant un temps, la France entière est jacobine, excepté le côté

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