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>> On a su du roi et de M. Le Normand qu'elle avait des audaces d'un autre caractère; mais, comme je prends des mesures pour que ces anecdotes soient publiées quand il en sera temps, il est fort inutile pour le public d'entrer dans ces détails; ils ne pourraient être utiles qu'aux Bonneau du roi.

>> Quant aux affections de l'âme de la marquise, on sait que le présent l'occupe uniquement; l'avenir l'intéresse quelquefois très-passionnément; mais, comme elle ne croit pas à la vie future, elle se soucie fort peu de ce qu'on dira et de ce qu'on écrira après sa mort. Elle a un adage sans cesse à la bouche, c'est celui-ci : Après nous le déluge.

>> Occupée du présent, affamée d'éloges, d'hommages, de respects vrais ou simulés, de soumissions naturelles ou forcées, elle se présente en conversation dans un salon de compagnie, ou en se plaçant à table, ou en arrivant dans un cercle, avec le ton imposant d'une femme exigeante qui semble vous dire en arrivant Me voici, c'est moi. Voilà le portrait que j'en ai fait il y a douze ans.

» Voici celui que je fis en 1758, lorsqu'on lui donnait trentesept ou trente-huit ans.

Quelle décrépitude! quelle dégénération dans les formes! quelle saleté dans son visage! Elle se plaît à s'ensevelir habituellement sous une couche de blanc et de rouge; sa vivacité n'est plus qu'une grimace, une espèce de rire sardonique; et sa langueur primitive un abattement. Elle s'imagine, comme les dames de la cour, qu'avec une couche étincelante de rouge elle dénaturera les formes sillonnées de son visage; elle a encore de grands et beaux yeux, mais quels regards partent de ces deux voûtes! comme elle réunit tout ce qui est nécessaire pour paraître une méchante femme! L'extrême maigreur de madame de Pompadour, son teint plombé, gras, luisant et livide, furent des avis qu'elle reçut de la nature que la machine se décomposait. Elle fut dès lors bien plus méchante, bien plus inquiète dans la société, et plus difficile dans le service etles

hommages qu'elle recevait. Elle ne vint plus du tout à Paris; à la cour elle n'osa plus se montrer avec autant d'audace; elle -se couvrit la figure de blanc, de rouge et de noir; l'étude de sa mine, de sa toilette, de son habillement, devint chaque jour et plus longue, et plus difficile, et plus compliquée. Elle - vit venir de loin la maladie, et elle ne trouva rien, ni dans sa raison, ni dans son esprit, qui la portât à la résignation. (Anecdotes du règne de Louis XV, publiées par Soulavie.)

Note (L), page 81.

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JAMAIS reine ne jouit de plus d'estime sur le trône, et ne sut mieux se concilier l'affection de sa cour et le respect de ses sujets. Quoiqu'elle n'aimât pas à représenter, le goût du roi pour la chasse et les petits voyages la mettait souvent dans la nécessité de le faire. Elle tenait alors la cour; elle recevait les ambassadeurs, les grands du royaume et les étrangers, avec un ton d'aisance et un air de satisfaction qui eussent fait croire qu'elle était flattée d'un cérémonial auquel elle ne se prêtait que par devoir, pour conserver les décences à la cour et faire plaisir au roi. La taille de la princesse, qui était au-dessous de la médiocre, ne la servait pas dans la représentation; mais ce désavantage était amplement compensé chez elle par tout le reste de son extérieur. Elle avait dans les manières cette dignité facile qui annonçait que le trône était sa place; cet air de majesté, tempéré par la douceur, qui avertissait de sa supériorité sans la faire craindre; noble simplicité, qui se communiquait sans s'abaisser, et qui obtenait d'autant plus de respect qu'elle paraissait en dispenser.

» Parmi les personnes qui pouvaient s'applaudir des relations que les emplois ou la naissance leur donnaient avec la reine, les princes et les princesses du sang avaient surtout à se louer des égards et des bontés qu'elle leur marquait. Elle leur avait voué à tous un véritable attachement. Elle fut toujours reconnaissante envers le duc de Bourbon qui avait le plus

contribué à son mariage. Elle respectait dans le duc d'Orléans, fils du régent, la vertu embellie par le savoir. Elle avait beaucoup d'amitié pour la feue princesse de Condé, pour la comtesse de Toulouse, pour le duc et la duchesse de Penthièvre.

>> Dans ses audiences particulières, dont elle n'était point avare, quoiqu'elles fussent un exercice pour sa patience, elle écoutait avec attention ce qu'on avait à lui proposer. Elle encourageait la timidité, elle rassurait la crainte par des questions pleines de bonté. C'était sans le moindre embarras, comme naturellement et sans y penser, qu'elle embrassait les extrêmes, entretenant successivement de leurs affaires des personnes de tous les rangs et de toutes les professions. Elle disait à chacun ce qui lui convenait; et soit qu'elle accordât, qu'elle promît ou qu'elle fût obligée de refuser, on se retirait satisfait d'auprès d'elle.

» Pour répondre au continuel empressement qu'on avait de la voir elle mangeait toujours en public. Pleine d'attachement pour les personnes qui se trouvaient présentes, si elle apercevait un inconnu, que le respect et la timidité tinssent à l'écart, elle prenait plaisir à le distinguer de la foule. Elle adressait la parole à beaucoup de monde pendant ses repas, et il ne sortait de sa bouche que des expressions obligeantes sans jamais employer ces formules vagues qui ne flattent personne parce qu'elles conviennent à tous : elle trouvait dans les circonstances le mot encourageant que le cœur sent, et que l'amour-propre s'empresse de publier....

>> On connaissait trop bien la façon de penser de la reine, pour se permettre, en sa présence, aucun propos qui eût pu porter une atteinte directe à la religion ou aux mœurs ; mais il arrivait souvent qu'elle entendît mettre en principes incontestables ces préjugés du monde, qui avoisinent de fort près les erreurs dangereuses. Alors elle ajoutait le correctif avec plus ou moins de ménagement pour les personnes, selon qu'elle les croyait inspirées par l'ignorance ou par la mauvaise foi. Elle se donnait quelquefois adroitement une distraction, pour avoir

droit d'ignorer un propos qu'elle ne pouvait ni approuver décemment, ni relever sans trop humilier la personne à laquelle il avait échappé. D'autres fois, prévoyant qu'une phrase que quelqu'un avait commencée allait se terminer par une médisance ou une calomnie, elle prenait la parole pour amener un sens tout différent, brisant ainsi le trait avant qu'il eût fait sa blessure. C'était encore une vraie satisfaction pour elle, quand elle avait pu épargner à quelqu'un la plus légère indiscrétion de la langue; et sa présence d'esprit servait en cela merveilleusement son cœur. Le duc de Lorraine, obligé à faire hommage au roi de France du duché de Bar, vint à Versailles pour cette cérémonie, gardant le plus profond incognito, sous le nom de duc de Blamont. Un jour qu'il se trouvait au dîner de la reine, il entreprit un récit qui le conduisait, sans qu'il y songeât, à trahir son secret en nommant la ville de Nancy sa capitale. Il avait déjà dit : « Quand je fus arrivé à............... » lorsque la réflexion lui vint et l'obligea de s'arrêter. La reine, ne lui laissant que le temps de tousser, ajouta : « A Blamont, sans doute?-Oui, » madame,» reprit le prince, en continuant son récit....

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>> Quelquefois la princesse cherchait elle-même l'occasion de marquer aussi ses bontés aux personnes les plus simples. Charmée quand elle pouvait leur rendre quelque petit service, elle jouissait de tout le plaisir qu'elle leur procurait. Se trouvant un jour à Marly, dans la belle saison, elle voit passer sous sa fenêtre une fille de Saint-Vincent, elle l'appelle : « D'où venez-vous si » matin, ma sœur?-De Triel, madame, lui répondit la reli» gieuse sans la connaître. Vous avez déjà bien fait du che» min, vous en reste-t-il encore beaucoup à faire ? Je comptais aller jusqu'à Versailles, mais peut-être ne passerai» je pas Marly, parce que je vois que la cour y est. Vous >> avez donc aussi des affaires à la cour? Mes affaires sont >> celles de notre hôpital qui est fort pauvre. J'ai ouï dire qu'on avait confisqué des indiennes, et que M. le contrôleurgénéral en faisait distribuer à des hôpitaux : je désirerais bien » qu'on nous en donnât pour faire quelques lits à nos ma

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>> lades; ce serait une fort bonne œuvre. — - Seriez-vous bien >> aise que j'en parlasse au ministre ? Je n'aurais osé, ma>> dame, prendre la liberté de vous en prier; mais votre re>> commandation fera sûrement plus que la mienne, et vous >> rendrez un grand service à nos pauvres. Hé bien! comptez, >> ma sœur, que je n'oublierai pas l'hôpital de Triel. » La religieuse se retire pénétrée de reconnaissance pour l'aimable inconnue qui vient de lui marquer tant de bonté; mais à peine a-t-elle fait quelques pas, qu'elle se reproche de n'avoir pas cherché à connaître son nom. Elle retourne vers la fenêtre, la reine y était encore. « Pardonnez, madame, lui dit-elle, à » la curiosité qui me ramène ; je voudrais bien savoir qui est la » dame qui m'honore si généreusement de sa protection? La princesse, en lui souriant d'un air plein de bonté, lui ré pond: : « N'en dites rien, c'est la reine..... >>

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» La reine marquait la plus grande considération au maréchal de Saxe qui, de son côté, lui faisait fort régulièrement sa cour lorsqu'il était à Versailles. Elle eût désiré que ce digne émule de Turenne l'eût imité jusque dans son retour à la religion de ses pères. Un jour que ce général prenait congé d'elle pour aller commander nos armées, elle lui dit, en lui souhaitant d'heureux succès, qu'elle prierait Dieu, et qu'elle le ferait prier pour lui. « Ce que je demanderais au ciel, répondit le >> maréchal, ce serait de mourir, comme monsieur de Turenne, » sur le champ de bataille. De quelque manière que meure » le maréchal de Saxe, reprit la reine, il ne peut que mourir » couvert de gloire; mais, ce qui comblerait mes vœux, ce >> serait qu'au bout de sa longue et glorieuse carrière, il fût, >> comme Turenne, enterré à Saint-Denis. » Le comte de Saxe n'eut ni l'espèce de gloire qu'il désirait, ni la gloire beaucoup plus précieuse que lui souhaitait la reine. Lorsque cette princesse apprit sa mort, elle le plaignit, en s'écriant : «< Qu'il est » triste, et que l'on souffre de ne pouvoir dire un De profundis » pour un homme qui nous a fait chanter tant de Te Deum! » » La vie de la reine fournirait la matière d'un volume entier

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