Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

>> Madame avait l'extrait de cette lettre que lui avait remis M. Jeannel, qui avait toute la confiance du roi. Il n'avait pas manqué d'examiner attentivement la mine que le maître avait faite en lisant cette lettre, et il vit qu'il avait senti la vérité des raisonnemens du conseiller, qui n'était point frondeur. Madame me dit quelque temps après : « La fière marquise s'est >> conduite comme mademoiselle Deschamps; et elle est écon» duite. » (Journal de madame du Hausset.)

Note (K), page 63.

« LA correspondance secrète, dit Soulavie, occupe le roi dont l'apathie augmente avec les années. Madame de Pompadour travaille d'une autre manière, dans ces circonstances, égayer le roi dans sa mélancolie. David adoucissait les fureurs de Saül avec sa musique; madame de Pompadour en a imaginé une pour relever Louis XV de sa misanthropie. Pendant la semaine sainte, madame de Pompadour invitait le roi, depuis plusieurs années, à venir dans ses appartemens assister à des concerts spirituels qu'elle lui donnait. Dans les grands motets, on entendait des voix choisies parmi les plus grands talens de la capitale, jointes aux musiciens du théâtre des petits cabinets. Madame de Pompadour, madame de l'Hôpital, mademoiselle Fel, M. d'Ayen fils, Jelyotte, célèbres musiciens, M. le vicomte de Rohan, madame de La Salle, chantaient: on y distinguait madame Marchais qui était de toutes ces parties. » (Anecdotes du règne de Louis XV1, t. II. )

Madame de Pompadour jouait aussi la comédie, mais avec moins de succès, si l'on en juge par ce passage des Mémoires de Collé :

« Le mercredi, 27 janvier 1751, madame de Pompadour représenta à Bellevue, devant le roi, l'Homme de Fortune, comédie en cinq actes et en vers de M. La Chaussée.

:

>> Suivant ce que l'on m'en a dit, et ce que j'en ai ouï dire à La Chaussée lui-même, cette pièce n'a pas trop réussi les acteurs ne savaient pas leur rôle. Le duc de Chartres n'était pas sûr du sien; la tête tourna au duc de La Vallière; la mémoire de la marquise travailla aussi : bref, tous ces honnêtes comédiens n'étaient pas, à beaucoup près, aussi fermes sur leurs étriers qu'ils auraient dû l'être, pour soutenir une pièce qui n'est pas trop bonne par elle-même, à ce qu'on dit, et qui aurait, au contraire, un grand besoin du prestige de la représentation.

>> On ne conçoit pas quelle a été la fureur de madame de Pompadour, de jouer cette comédie où je sais qu'il y a des traits dont on n'a pas manqué de faire des applications, du moins pendant qu'on la répétait. On a pourtant retranché des vers tels que celui-ci :

Vous, fille, femme et sœur de bourgeois, quelle horreur!

» Ce vers était dans le rôle du duc de Chartres. Il a été supprimé, ainsi que quelques endroits qui attaquaient l'injustice des fortunes faites par la voie de finance.

» Mais on y a laissé une scène de généalogiste qui s'engage de faire descendre un bon bourgeois qui a acquis et qui porte 'le nom d'une terre titrée, de seigneurs à qui cette terre appartenait autrefois. >> (Journal de Ch. Colle.)

On sent quels avantages devaient donner à la favorite des talens qui rehaussaient ses charmes. Nous placerons ici deux portraits de madame de Pompadour, d'autant plus curieux, quoique assez mal écrits, que l'un la représente dans tout l'éclat de sa beauté, et l'autre lorsque les soucis, les chagrins et des infirmités prématurées avaient déjà terni sa fraîcheur.

Portraits de madame de Pompadour.

« Lorsque madame d'Étioles eut réussi à fixer l'attention du monarque sur elle, on pouvait la citer encore comme une des plus belles femmes de la capitale, et peut-être comme la plus belle. Il y avait dans l'ensemble de sa physionomie un tel mélange de vivacité et de tendresse ; elle était si bien tout à la fois ce qu'on appelle une jolie femme et une belle femme, que la réunion de ces qualités opposées dans le physique et dans le moral en avait fait une sorte de phénomène.

>> Ce n'est pas tant de la charpente de son visage que je veux parler, que de l'usage qu'elle savait en faire, et de la mobilité de ses traits et affections.

>> Cette femme avait si bien étudié sa figure, qu'elle lui donnait les moralités et le physique que lui dictaient les circonstances. Elle se composait à volonté telle ou telle figure.

» Voulait-elle en imposer au roi; elle se donnait les formes de la beauté, en observant uniquement le calme convenable et la représentation paisible et posée de son visage, et ce calme était nécessaire au développement des belles formes qu'elle réunissait, et qui étaient en très-grand nombre.

>> Voulait-elle relever le ton imposant, calme et représentatif par quelque séduction; elle avait recours à la mobilité étonnante de ses yeux et de sa physionomie, et à ces mouvemens naturels que les bons connaisseurs appellent de la vivacité; et cette addition donnait un nouveau prix à la beauté de sa divine figure.

>> Madame de Pompadour était ainsi une belle femme tout simplement et à volonté; ou belle et vive tout ensemble ou alternativement, ce qui provenait des leçons que sa mère lui a fait donner par des comédiens, par des courtisanes célèbres, par des prédicateurs, par des avocats. Cette femme diabolique avait été chercher, dans tous les arts qui exigent une grande physionomie et une physionomie variée, des leçons particulières

TOM. III.

22

pour faire véritablement de sa fille un morceau de roi, un morceau qui subjuguât un prince faible; pour en faire enfin une femme si séduisante, que, sans le vouloir, elle avait rendu, dans sa jeunesse, son mari éperdument amoureux de sa personne, comme, en le voulant, elle inspira depuis au roi les mêmes sentimens.

» Outre tous ces agrémens d'une belle figure, et d'une figure pleine de vivacité, madame de Pompadour possédait encore, au suprême degré, l'art de se donner un autre genre de figure; et cette nouvelle composition, également savante, était un autre résultat des études qu'elle avait faites des rapports de ses moralités et de son âme avec sa physionomie.

>> Ce ton langoureux et sentimental qui plaît à tant d'individus, ou qui plaît au moins dans beaucoup de circonstances à tous les hommes sans exception, madame de Pompadour savait le créer, le manier et le reproduire au besoin; au point l'Écriture qu'elle avait ce qu'on a le moins à la cour, et ce que appelle le don des larmes; mais ce don, la dame ne l'avait dans le fond que comme les comédiens habiles en présence d'un public observateur de l'impression qu'ils éprouvent. Louis XV, à cet égard, était le public de madame de Pompadour. Comment donc pouvait résister à l'empire d'une telle comédienne un roi nul et apathique, quand cette femme dangereuse était, suivant les circonstances, ou même à son gré, belle et jolie tout à la fois, ou bien belle et jolie d'une part, et en même temps remarquable par ses vivacités ou ses langueurs? Ces différens caractères étaient, au besoin, les variétés de son visage : elle était à volonté superbe, impérieuse, calme, friponne, lutine, sensée, curieuse, attentive, suivant qu'elle imprimait à ses regards, sur ses lèvres, sur son front, telle inflexion, ou tel mouvement, ou tel degré d'ouverture, si bien que, sans déranger l'attitude du corps, son pernicieux visage était un parfait Protée.

[ocr errors]

Quel dommage qu'avec tant de beautés, il y eût au milieu de sa figure, et au centre de tant de physionomies différentes,

un vice dégoûtant! Madame de Pompadour avait les lèvres pâles et flétries, défaut qui provenait de l'abus qu'elle avait fait de les mordre si souvent, qu'elle en avait rompu les veines imperceptibles, d'où résultait la couleur pisseuse et sale qui s'y plaçait quand elle ne les mordait pas, ou quand depuis long-temps elle ne les avait pas mordues.

>> Tant qu'on a pu croire à la cour que madame de Pompadour avait des couleurs au visage, elle n'a pas pris du rouge apparent; elle s'est contentée d'une nuance; alors elle a eu la faiblesse de dire beaucoup de mal du rouge et des dames de la cour qui s'enluminaient la mine. Ses yeux ont reçu d'ailleurs de la nature un ton de vivacité tel, qu'il semble qu'un corps s'en détache quand elle donne un coup d'œil. Ses yeux sont châtains, ses dents très-belles, ainsi que ses mains. Quant à sa taille, elle est fine, bien coupée, de moyenne grandeur et sans aucun défaut. Elle sait si bien tout cela, qu'elle a grand soin de l'aider de tous les secours de l'art. Elle a inventé des négligés que la mode a adoptés, et qu'on appelle des robes à la Pompadour, et dont les formes sont telles, qu'elles ressemblent aux vestes à la turque, pressent le col et sont boutonnées au-dessous du poignet; elles sont adaptées à l'élévation de la gorge, et collent jusque sur les hanches; rendent sensibles toutes les beautés de la taille en paraissant vouloir les cacher. On sait d'ailleurs qu'elle se déguise en paysanne, en laitière, en religieuse, en sœur grise, en fermière, en jardinière pour surprendre et agacer le roi. Quant aux habitudes, aux mouvemens, au port et à la contenance de son corps, comme dame de la reine, elle n'a jamais pu être, et ne sera jamais qu'une grisette, car son ton est bourgeois. M. de Maurepas le lui a fait dire; il a plus fait, il lui a dit dans ses chansons qu'elle a été élevée à la grivoise. Le roi, blessé de ses premières inconvenances était obligé de dire à ses courtisans : « C'est une éducation à faire, je le sens » bien; mais il me faut une femme, ne fût-ce que pour répri» mer les intrigantes; et dans une éducation toute faite on ne >> trouverait pas les autres agrémens que j'ai aperçus. »

[ocr errors]
[ocr errors]
« ZurückWeiter »