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Ce nom de père, prononcé au milieu de cette foule d'enfans qui doivent à Napoléon le bien inappréciable d'une bonne éducation; cette réunion de jeunes filles dont les pères ont glorieusement terminé leur carrière, ou servent encore sous ses drapeaux, tout cela parut lui causer une vive impression; son émotion se peignit sur ses traits : nous l'avons toutes remarquée.

A la fin de la ronde, Napoléon ordonna à madame la directrice de lui nommer les quatre demoiselles les plus distinguées par leur instruction et par leur soumission. Elle fut embarrassée, sans doute; un pareil choix est à la fois doux et pénible à faire cependant le mérite et l'âge l'ont décidée, et nous y avons toutes applaudi. « Je donne à ces >> quatre demoiselles, dit-il, uné pension de quatre >> cents francs comme preuve de ma satisfaction. » Les élèves allèrent ensuite se mettre à table. Napoléon entra dans le réfectoire, et se trouva audessous de la chaire lorsque l'élève qui était lectrice termina le Benedicite par des vœux pour lui. Il releva la tête vers elle, et voulut bien la saluer avec autant de bonté que de grâce. Il fit ensuite quelques questions sur les repas: il demanda quel était le régal aux jours de fêtes; madame la directrice répondit que c'étaient des tartes ou des crèmes. « Eh

gne, le soir d'un jour où il avait remporté une victoire, existent entre les mains de S. E. le grand-chancelier.

bien ! dimanche, continua-t-il, en réjouissance de ma visite, faites-leur donner des tártes et des crèmes. » Au moment où Napoléon allait monter en voiture, il daigna dire à son excellence le grandchancelier qu'il allait s'occuper de l'organisation des maisons d'éducation pour les filles de ses légionnaires; jusqu'à ce moment, notre maison n'était établie que provisoirement. Cette remarque a dû être bien précieuse à son excellence, qui, depuis deux ans, s'est livrée avec le zèle le plus persévérant à un travail dont les détails minutieux sont peu d'accord avec les occupations que lui imposent ses importans devoirs.

J'avais dévoué ma récréation au plaisir de te communiquer tous ces détails; mais j'ai été interrompue par des battemens de mains et des cris répétés. Je suis allée à l'endroit d'où partaient ces cris, et j'ai vu toutes les classes réunies dans la cour. Elles étaient bien joyeuses; car on déballait une grande quantité de mannes d'osier, remplies de vingt sortes de dragées et de confitures que Napoléon envoie à madame la directrice pour le régal de dimanche.

:

La joie des enfans est ce qu'elle doit être la nôtre est d'une nature bien différente; nous sommes touchées jusqu'au fond du cœur d'avoir obtenu de Napoléon cette marque de bonté paternelle.

Les petites sont véritablement amusantes une d'elles disait en voyant passer un panier de sucre

ries; «< Ah! la belle chose que d'être un conquérant! que l'on a de bonbons! >>

Adieu, mon Elisa : si tu étais capable d'envier le sort d'une amie, je crois que le récit d'une aussi heureuse journée pourrait t'inspirer ce sentiment.

LETTRE XLIV.

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Elisa à Zoé.

Fréville, ce 12 mars 1809.

Tu me juges trop favorablement, ma bonne Zoé: je ne suis pas jalouse de ton bonheur, il est vrai; les détails que tu me donnes sur la visite de Napoléon m'ont intéressée ; j'aurais été ravie de le voir en simple père de famille, loin de ses camps bruyans et de la pompe de ses palais, n'ayant pour garde et pour cour que trois cents jeunes filles. Quel tableau! Voilà de ces souvenirs qui doivent se conserver jusque dans l'âge le plus avancé. Qu'il sera curieux de pouvoir dire dans soixante ans à ses petits-fils : J'ai vu Napoléon à Écouen, où je fus élevée ! Hélas! pourquoi mon frère n'a-t-il pas eu la croix de simple légionnaire, au lieu du grade de lieutenant? Tu le vois, ma chère Zoé, je ne te cache point ce sentiment d'envie dont ta générosité se plaît à me déga ger, et je m'en fie à toi pour me le pardonner,

LETTRE XLV.

Zoé à Elisa.

Écouen, ce 9 avril 1809.

NAPOLÉON, ma chère Elisa, avait eu la bonté de dire, après avoir visité Ecouen, qu'il s'occuperait de l'organisation de notre maison. Les intérêts de l'Europe, sans cesse sous ses yeux, ne lui ont pas fait oublier sa promesse. Un décret rendu le 29 mars annonce qu'il accorde aux maisons d'éducation des filles de la légion-d'honneur d'avoir une personne de sa famille pour protectrice; le titre de directrice est changé en celui de surintendante : une maison semblable à la nôtre sera établie à Saint-Denis. Les sœurs, les filles, les nièces des membres de la legion-d'honneur, qui ne seront pas élèves gratuites, pourront être mises comme pensionnaires en payant une demi-pension de cinq cents francs par an, ou la pension entière de mille francs. Ce nouvel ordre de choses m'a fait renaître l'espoir de te voir parmi les élèves de la maison d'Écouen; il est possible que tes parens eussent craint, en demandant une place gratuite pour toi, d'en priver quelque famille peu fortunée. Peut-être est-ce parce que je le

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