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LETTRE XL.

Zoé à Elisa.

Écouen, ce 9 février 180g.

Nous venons de passer, ma chère Élisa, quelques jours de carnaval fort gais. Nous avons eu un lundi et un mardi gras charmans. Madame la directrice, les dames, tout le monde enfin s'est prêté à nos amusemens avec une bonté parfaite. Nous avons travaillé plusieurs jours à nous faire, avec des papiers de couleur, de fort jolis déguisemens. On a formé des marches, des quadrilles de femmes sauvages, de négresses. Il y a eu régal lundi et mardi: la dame dépositaire avait fait engraisser d'excellentes volailles; on nous a donné de la pâtisserie, des crèmes; et la gaieté des petites, lorsqu'elles voient quelques friandises ajoutées à leurs repas ordinaires, est tout-à-fait divertissante. La salle Hortense était éclairée et décorée; c'est que l'on dansait au son d'un piano-forte, souvent interrompu par les éclats de rire et les battemens de mains des petites classes, lorsque les grandes élèves entraient ridiculement parées, et se promenaient deux à deux avec un air de majesté. Le mercredi des cendres nous a rendues à notre calme et

à nos occupations. Deux journées bruyantes me font retrouver nos habitudes régulières très-précieuses; les éclats de la gaieté de trois cents enfans ne se supporteraient pas long-temps.

Adieu, mon Élisa: rends-moi compte de l'emploi de ton temps pendant les jours gras; ils doivent avoir été aussi simples, mais bien moins bruyans que les nôtres.

LETTRE XLI.

De la même à la même.

Écouen, ce 24 février 1809.

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BIEN peu de jours, ma chère Élisa, ont changé l'aspect d'Écouen. Aux amusemens de toute cette jeunesse a succédé tout à coup une rougeole presque générale. Nous avons eu d'abord quelques élèves atteintes de cette cruelle maladie, et le lendemain plus de cent étaient déjà alitées. J'ai été attendrie des soins qui ont été prodigués à ces pauvres petites malades: on était aussi éveillé dans la maison la nuit que le jour; plusieurs de nos dames se sont dévouées au point de veiller toutes les nuits pendant la durée de cette épidémie. Ces soins vraiment maternels, et les secours de médecins habiles, n'ont pu nous empêcher d'avoir trois victimes de cette funeste maladie. Je n'ai pas cessé de craindre pour Victorine. Maman a eu la bonté de venir nous voir fort souvent; elle nous tranquillisait, et paraissait ne pas craindre pour nous qui avons eu toutes deux la rougeole il y a trois ans. Une belle et bonne petite élève de la classe violette a eu le malheur de perdre sa sœur cadette. La tranquillité de l'aî

née pendant la maladie de la plus jeune, et même au moment que le danger a été évident, avait fait craindre à quelques-unes des grandes élèves qu'elle ne fût peu touchée de sa mort. Combien elles se sont reproché d'avoir porté un jugement si faux et si offensant pour le cœur de cette pauvre enfant! Il est impossible d'éprouver une douleur plus profonde. Lorsqu'elle fut instruite de la perte qu'elle avait faite, elle s'empara des plus petits objets qui avaient appartenu à sa sœur; elle les baigna de larmes, et depuis ce temps elle les porte sur elle. La maladie est calmée, et les petites convalescentes sont déjà levées dans les dortoirs dont on a formé de vastes infirmeries.

Écris-moi, mon Elisa: je sens que le presbytère de Fréville fournit encore moins d'événemens à raconter que n'en offre la réunion de trois cent cinquante personnes; mais tu trouves dans ton cœur, dans ton esprit et dans les entretiens de ton oncle, tant de choses précieuses pour notre correspondance, qu'un peu de paresse peut seule te porter à la ralentir. S'il te faut une amie indocile pour faire renaître ton ancienne exactitude à m'écrire, que ferai-je? Puis-je regretter d'avoir mis tant d'empressement à répondre à tes soins, en me corrigeant d'une partie de mes défauts? Tu le vois, mon Elisa, j'acquerrai le droit de te gronder à mon tour si je ne reçois promptement une longue lettre de toi.

LETTRE XLII.

Élisa à Zoé.

Fréville, ce 2 mars 1809.

Tu as raison, ma chère Zoé; tout se ressemble ici, à peine distingue-t-on la journée qui précède de celle qui la suit. Cette uniformité n'est point désagréable; c'est la vie la plus douce; mais elle offre peu d'événemens à communiquer, et même peu de remarques à faire. Un dîner, le lundi gras à tous les curés et à tous les vicaires des paroisses environnantes; un autre, le mardi, aux principaux habitans du bourg voisin de la cure de mon oncle, voilà de quoi se sont composés les plaisirs de notre carnaval. Nous nous en sommes pourtant procuré de réels en aidant notre bon curé à bien recevoir ses amis. Ma mère et moi nous avons déployé tout notre savoir-faire en pâtisserie d'entremets et en compotes. Mon oncle a reçu mille complimens sur sa manière de donner à dîner, et il était ravi de nous en attribuer tout le mérite.

J'ai lu tes dernières lettres à mon oncle; il m'a félicité sur la part que j'ai eue à te faire apprécier ta position. Une fois disposée à profiter de l'édu

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