Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

bonne contenance de celles de mes camarades qui sont ordinairement turbulentes, donnaient à notre réunion un air de société qui me charmait.

Pourquoi suis-je si ignorante? sans cela je serais de la classe des plus grandes : elles passent presque toutes les soirées d'hiver chez madame la directrice: là on fait des lectures intéressantes; on écoute des conversations qu'elle fait naître entre elle et les dames, dans l'intention d'amuser les élèves; on s'instruit sans qu'il y paraisse, et sans cet appareil sévère de classe, de bancs, de règlement et de contrainte, auquel j'ai encore bien de la peine à m'ac

coutumer.

Victorine ne songe à rien de tout cela. Elle s'assied sur un banc de bois comme sur un canapé ; quand la cloche sonne, elle rentre sans regrets, et quelquefois j'envie sa légèreté, puisqu'elle la rend insensible à tous les petits dégoûts que j'éprouve encore.

Mais peut-être que le temps où je dois arriver à la classe des grandes viendra bientôt. Je ne m'en croirais pas éloignée, si tu pouvais suivre de près ma conduite, et me communiquer chaque jour tes précieux conseils.

LETTRE XXIV.

De la même à la même.

Écouen, ce 23 juillet 1808.

HIER, ma chère Élisa, nous avons eu la première visite d'une élève chérie de la directrice, la fille de Joséphine. Les travaux de la maison, un peu plus avancés, ont facilité les moyens de la recevoir convenablement. Madame la directrice était au comble de la joie de la posséder dans la maison qu'elle dirige. Tout le monde fut charmé de ses grâces et de son air de bonté; son regard est doux, son maintien simple et noble. Elle entra d'abord à la chapelle; on y chanta le Domine salvum. Le premier aumônier la harangua, et son discours fut fort attendrissant.

Elle parcourut ensuite toute la maison avec un soin particulier; elle se fit présenter les registres des dames dépositaires, et voulut bien assister à la distribution du bouillon, du pain et de la viande, qui se fait quatre fois par semaine, à vingt-quatre pauvres femmes du village. Le tablier de cuisine, dont les deux élèves chargées de ce détail entourent leur uniforme, parut au cœur sensible

d'Hortense un honorable et pieux ornement. Elle a remis six cents francs à la bourse destinée aux charités des élèves. En ajoutant aux dons des parentes de Napoléon le produit de tous les profits qui auraient pu appartenir aux femmes de service, et dont elles sont privées par le règlement, notre caisse suffira aux besoins des pauvres.

La belle-fille de Napoléon s'est arrêtée dans notre atelier de dessin; elle a trouvé nos modèles très-bons, et a été contente de quelques-unes des copies: elle donnait son avis avec la modestie d'une élève, et parlait de l'art du dessin comme aurait pu le faire un professeur.

;

LETTRE XXV.

De la même à la méme.

Écouen, ce 22 août 1808.

La fête de Napoléon, ma chère Élisa, m'a empêchée de répondre plus tôt à ta dernière lettre; nous avions à terminer nos grands uniformes; et comme je couds déjà assez habilement, j'ai été placée à la tête de vingt élèves qui ont reçu l'ordre d'aller travailler à la roberie : dans les momens pressés, on met ainsi les plus fortes élèves en réquisition pour les différens travaux de la maison.

Le jour de la fête a été très-brillant; on l'avait aussi choisi comme un jour solennel pour l'inauguration de la chapelle. Celle dont on s'est servi jusqu'à présent n'était que provisoire. M. l'évêqué de Troyes, remplaçant le cardinal grand - aumônier, le maître des cérémonies de la chapelle des Tuileries, les six aumôniers attachés à la chapelle de la maison d'Écouen, officiaient à la cérémonie et formaient un clergé nombreux. On nous avait fait mettre nos habits de fête, les dames étaient en grand uniforme, et tout cela était fort beau.

Le dîner avait été augmenté d'un plat d'excel

lente pâtisserie et d'une crême. Le service ordinaire est toujours bon; mais, comme tu le penses, il ne peut être bien varié : ce que nous appelons un régal a donc ici, même pour les plus raisonnables, un grand mérite et je t'avoue que les crêmes et les tartes m'ont fait beaucoup de plaisir.

La soirée fut très-belle : l'illumination du château produit un superbe effet. Avant le souper, nous avons dansé quelques-unes des plus jeunes dames sont venues danser avec nous, et j'ai vu qu'il pouvait y avoir de la gaieté dans un couvent. Je me suis ensuite promenée dans notre superbe cour; je songeais à toi, je te désirais auprès de nous mais on dit que la croix s'accorde de jour en jour plus difficilement. Il y a tant d'actions de bravoure à récompenser dans l'armée, qu'il en faut de bien marquantes pour obtenir une faveur de cette nature; et ces actions bien marquantes, mon Élisa, est-ce à nous de les désirer? Et ne devons-nous pas craindre de former des vœux qui puissent ensuite amener des larmes?

« ZurückWeiter »