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trop tard. Je l'avais pourtant répété, le goût consiste non-seulement dans le choix des objets, mais dans l'art de savoir les placer.

Vous rougissez actuellement, j'en suis sûr, d'avoir fait une toilette de bal pour sortir d'un modeste presbytère; l'envie de plaire, qui vous a fait commettre cette faute, est encore plus blamable que la faute elle-même. Prenez-y garde, ma chère Élisa, le désir de plaire n'est pas encore la coquetterie, mais il y mène trop souvent; la coquetterie n'est point encore l'inconduite, mais elle peut y entraîner. La pudeur seule retient les femmes dans une route aussi glissante. Cette pudeur, mon Élisa, ne disparaît point avec la timidité du premier âge quand elle a notre sainte religion pour base; elle se développe avec les grâces, et vient encore, à l'âge mûr, ajouter à leur modeste éclat. En vain des femmes corrompues chercheraient-elles à imiter ce sentiment de modestie qui embellit jusqu'aux moindres actions d'une femme vertueuse; l'art même de l'actrice la trahit et fait distinguer l'apparence de la réalité. Dans ce jour, dont je veux graver le souvenir au fond de votre cœur, ma chère Élisa, si cette sainte pudeur vous eût guidée, vous n'auriez pas oublié en un instant toutes les lois de la bienséance; vous n'auriez pas quitté votre mère; vous n'auriez pas affecté de jouer et de rire, lorsqu'une femme intéressante par ses talens, respectable par ses mœurs et le de rang son mari, fixait l'attention d'une partie de la société.

Peut-être n'avez-vous manqué qu'à l'usage en négligeant d'adresser à la fille de la maison quelques paroles de politesse; mais à quel sentiment de convenance et de retenue n'avez-vous pas manqué, en passant par choix une partie de la journée avec deux jeunes personnes connues par la légèreté de leur conduite, et trois jeunes militaires que vous voyiez pour la première fois, et que cependant, à la promenade, à table, vous avez évités aussi peu que s'ils eussent été vos plus proches parens ? Je n'ai vu dans cette conduite que de la légèreté, dans ce rapprochement continuel que du hasard; mais je pensais avec peine que d'autres y pu voir des résultats de l'éducation la plus

auraient

vicieuse.

Le premier pas que l'on fait dans le monde est si important, l'impression qu'un pareil début laisse dans les autres est si durable, que nous avons décidé, votre mère et moi, de couper court aux liaisons que votre légèreté vous a fait contracter. A l'époque des vendanges, vous reviendrez à Fréville et vous y passerez l'hiver; si nous avons la paix, votre frère peut espérer un congé; et j'aurai soin d'inviter la bonne madame Firmin à venir chez moi avec sa fille. Voilà, mon Élisa, ce qui a été décidé le soir même après notre promenade au château de Mirbot. Votre mère et votre bon oncle yous cachèrent leurs peines, mais ils veillèrent une partie de la nuit.

Vous dormiez paisiblement; vos songes vous

de

retraçaient peut-être les charmes de cette fausse gaieté qui vous avait séduite, tandis qu'un conseil de parens protecteurs délibérait sur les moyens vous préserver des piéges qui pourraient être dressés sous vos pas. Ma décision, ma chère Elisa, ne pourra sûrement pas vous déplaire. Le bonheur que vous trouvez à vivre auprès de moi, l'habitude précieuse que vous avez contractée d'occuper tous les instans de votre journée, doivent écarter de votre pensée la crainte de l'ennui; et dans cette disposition, bien qu'elle soit un peu sévère, vous ne verrez, j'espère, aucune intention de vous punir, mais seulement le désir de vous éloigner d'amies dangereuses et qui vous auront bientôt oubliée.

Adieu, mon Élisa; quelque temps encore, et je me retrouverai, sur votre conduite future, dans cet état de parfaite confiance où j'étais avant cette alarmante journée.

LETTRE XXIII.

Zoé à Élisa.

Écouen, ce 12 juillet 1808.

Je sais par cœur tes deux lettres, mon aimable institutrice. Tu t'accuses pour mieux corriger; tu fais le récit de tes fautes pour avoir occasion de me communiquer les précieux avis de ton oncle. Eh bien! mon amie, reçois, pour récompense de tant de soins et de générosité, l'engagement que je prends de suivre tous tes conseils. Ne te reproche plus quelques momens d'étourderie; vivant auprès d'un guide si éclairé, ta raison s'affermira par ses conseils; elle te garantira des fautes de notre âge, et tu sauras en même temps m'en préserver.

Déjà je te dois beauconp, ma chère Élisa; tu as rectifié mes idées sur tout ce qui m'environne. Je vois la maison où je suis sous un aspect tout différent, et je commence à trouver moins importune la vie régulière que nous y menons. J'ai fait quelques progrès, et j'en ai la récompense : j'ai déjà changé de ceinture; je suis passée à la section des nacarats lisérés de blanc c'est la plus faible de la troisième division; mais au moins c'est la division

des grandes. Je trouve de véritables plaisirs à ce changement. Pour les momens du lever, des repas, des récréations, il est agréable d'être avec des jeunes personnes de son âge.

J'ai été invitée hier, comme première de ma classe, à un goûter chez madame la directrice : on nous a servi des crêmes et des fruits dans un bosquet réservé pour ses promenades, et où nous sommes reçues certains jours de fête. Nous étions toutes assises, avec madame la directrice, à une table ronde qu'on avait placée dans une salle de verdure. Nous voyions sur nos têtes de grands maronniers, et, à travers leurs branches, le ciel qui était tranquille et d'un beau bleu d'azur. Je me suis rappelė Valence et toutes ces soirées que nous avons passées à nous promener avec ta mère et la mienne : puisque je ne puis encore l'aller rejoindre, me suis-je dit, pourquoi donc ne peutelle pas venir? elle trouverait ici du plaisir, et cela ferait mon bonheur. Effectivement ta présence pourrait maintenant me rendre ce séjour agréable.

J'ai été fort contente de la soirée dont je te parle. Madame la directrice nous a traitées avec bonté et avec politesse; après le goûter, elle nous a entretenues de choses fort intéressantes. Quelques-unes de nous, plus hardies que moi, lui ont fait des observations auxquelles elle a répondu avec beaucoup de complaisance. Les égards que madame la directrice nous montrait, le peu de bruit et la

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