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de Damiens se vengea de beaucoup de gens qu'il avait servis dans diverses provinces, en les faisant arrêter; et, quand ils lui étaient confrontés, il disait aux uns : « C'est pour me venger de vos mé>> chancetés que je vous ai fait cette peur. » A quelques femmes, il dit : « Que, dans sa prison, il » s'était amusé de l'effroi qu'elles auraient. » Ce monstre avoua qu'il avait fait périr le vertueux. La Bourdonnaye, en lui donnant un lavement d'eau-forte. Il avait encore commis d'autres crimes. On prend trop aisément des gens à son service : de semblables exemples prouvent qu'on ne saurait mettre trop de précautions aux renseignemens nécessaires avant d'ouvrir l'intérieur de sa maison à des étrangers'.

J'AI entendu plusieurs fois M. de Landsmath, écuyer, commandant de la vénerie, qui venait souvent chez mon père, dire qu'au bruit de la

Quelque temps après son assassinat, Louis XV eut, dans ses appartemens, une aventure que madame du Hausset raconte ainsi :

« Le roi entra un jour chez Madame, qui finissait de s'habiller : j'étais seule avec elle. « Il vient de m'arriver une sin» gulière chose, dit-il; croiriez-vous qu'en rentrant dans ma » chambre à coucher, sortant de ma garde-robe, j'ai trouvé » un monsieur face à face de moi?— Ah, Dieu! sire, dit » Madame effrayée. Ce n'est rien, reprit-il, mais j'avoue » que j'ai eu une grande surprise. Cet homme a paru tout in

nouvelle de l'assassinat du roi, il s'était rendu précipitamment chez Sa Majesté. Je ne puis répéter les

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» terdit. Que faites-vous ici? lui ai-je dit d'un ton assez poli; >> il s'est mis à genoux, en me disant : Pardonnez-moi, sire, et » avant tout, faites-moi fouiller. Il s'est hâté de vider ses poches; » il a òté son habit, tout troublé, égaré. Enfin, il m'a dit » qu'il était cuisinier de.......... et ami de Beccari qu'il était venu voir; » et que s'étant trompé d'escalier, et toutes les portes s'étant » trouvées ouvertes, il était arrivé jusqu'à la chambre où il était, » et dont il serait bien vite sorti. J'ai sonné, et Guimard est » entré, et a été fort surpris de mon tête-à-tête avec un homme » en chemise. Il a prié Guimard de passer avec lui dans une » autre pièce, et de le fouiller dans les endroits les plus secrets. Enfin, le pauvre diable est rentré et a remis son habit. Gui» mard me dit : C'est certainement un honnête homme qui dit la » vérité, et dont on peut, au reste, s'informer. Un autre de mes >> garçons de château est entré, et s'est trouvé le connaître. » Je réponds, m'a-t-il dit, de ce brave homme qui fait, d'ailleurs, » mieux que personne, du bœuf à l'écarlate. Voyant cet homme » si interdit qu'il ne savait trouver la porte, j'ai tiré de mon » bureau cinquante louis. Voilà, monsieur, pour calmer vos » alarmes. Il est sorti après s'être prosterné. » Madame se récria de ce qu'on pouvait ainsi entrer dans la chambre du roi. Il parla d'une manière très-calme de cette étrange apparition; mais on voyait qu'il se contraignait, et que, comme de raison, il avait été effrayé. Madame approuva beaucoup la gratification : elle avait d'autant plus de raison, que ce n'était pas la coutume du roi. M. de Marigny, me parlant de cette aventure que je lui avais racontée, me dit qu'il aurait parié mille louis contre le don de cinquante louis, si toute autre que moi lui eût raconté ce trait. >> (Journal de madame du Hausset.)

(Note de l'édit.)

expressions un peu cavalières dont il se servit pour rassurer le roi; mais le récit qu'il en faisait, lorsque l'on fut calmé sur les suites de ce funeste événement, amusa pendant long-temps les sociétés où on le lui faisait raconter. Ce M. Landsmath était un vieux militaire qui avait donné de grandes preuves de valeur; rien n'avait pu soumettre son ton et son excessive franchise aux convenances et aux usages respectueux de la cour. Le roi l'aimait beaucoup. Il était d'une force prodigieuse, et avait souvent lutté de vigueur du poignet avec le maréchal de Saxe, renommé pour sa grande force 1. M. de Landsmath avait une voix tonnante. Entré chez Louis XV, le jour de l'horrible attentat de Damiens, peu d'instans après, il trouva près du roi la dauphine et Mesdames filles du roi; toutes ces princesses, fondant en larmes, entouraient le lit de Sa Majesté. «< Faites sortir toutes ces pleureuses, Sire, dit le vieil écuyer, j'ai besoin de vous par>> ler seul. » Le roi fit signe aux princesses de se retirer. «< Allons, dit Landsmath, votre blessure n'est rien; vous aviez force vestes et gilets. »>

Un jour que le roi chassait dans la forêt de Saint-Germain, Landsmath, courant à cheval devant lui, veut faire ranger un tombereau rempli de la vase d'un étang qu'on venait de curer; le charretier résiste et répond même avec impertinence. Landsmath, sans descendre de cheval, le saisit par le devant de son habit, le soulève et le jette dans son tombereau.

(Note de madame Campan.)

Puis, découvrant sa poitrine: «Voyez, lui dit-il en lui montrant quatre ou cinq grandes cicatrices, voilà qui compte; il y a trente ans que j'ai reçu ces blessures; allons, toussez fort. » Le roi toussa. Puis, prenant le vase de nuit, il enjoignit à Sa Majesté, dans l'expression la plus brève, d'en faire usage. Le roi lui obéit. « Ce n'est rien, dit Landsmath , moquez-vous de cela; dans quatre jours nous forcerons un cerf. — Mais si le fer est empoisonné? dit le roi. Vieux contes que tout cela, reprit-il; si la chose était possible, la veste et les gilets auraient nettoyé le fer de quelques mauvaises drogues. » Le roi fut calmé et passa une trèsbonne nuit 1.

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Ce même M. de Landsmath, qui, par son langage militaire et familier, avait calmé les alarmes de Louis XV, le jour de l'horrible attentat de Damiens,

1 Madame Campan a mis, dans le récit de l'anecdote qu'on vient de lire, une réserve qui sied à son sexe et qu'il est juste d'approuver. Mais dans des notes écrites pour elle seule, les mêmes circonstances se trouvent rapportées d'une manière plus vive, plus franche, plus cavalière, et qui, par cela même, peint mieux le caractère du vieux Landsmath. En citant cette version, au risque de choquer quelques bienséances, l'éditeur en prend tout le blâme sur lui.

« Le jour de l'assassinat du roi, son fidèle écuyer apprend cette nouvelle dans la ville il monte au château, arrive jusqu'auprès du lit du roi, voit ses filles en pleurs, commence par

:

était de ces gens qui, au milieu des cours les plus imposantes, font entendre quelquefois de brusques vérités. Il est à remarquer qu'il se trouve dans presque toutes les cours un personnage de ce genre, qui semble remplacer les anciens fous des rois, et s'arroger le droit de tout dire.

Un jour, le roi demanda à M. de Landsmath quel age il avait. Il était vieux et n'aimait pas à s'occuper du nombre de ses années ; il éluda la réponse. Quinze jours après, Louis XV sortit de sa poche un papier, et lut à haute voix : « Ce tel jour du mois de.............. en 1680 et tant, a été baptisé par nous, curé de***, le fils de haut et puissant seigneur, etc.-Qu'est-ce? dit Landsmath avec humeur, serait-ce mon extrait de baptême que Votre Majesté a fait demander?— Vous le voyez, Landsmath, dit le roi.-Eh bien, sire, cachez cela bien vite; un prince chargé du bonheur de vingt-cinq millions d'hommes ne doit pas en affliger un seul à plaisir.

les éloigner en disant à son maître : « Sire, faites renvoyer >> ces pleureuses, elles ne vous font que du mal. » Il prend le pot de chambre, et le lui présente, en disant : « Pissez, tous» sez, crachez. » Le roi exécute tout ce qu'il commande. « Allons, dit-il, rassurez-vous, la blessure n'est rien, il vous a manqué. » Il ouvre alors son habit, et découvrant sa poitrine : Voyez, dit-il, ces cicatrices. Ces blessures étaient des abreu>> voirs à mouches, et me voilà; dans deux jours vous n'y pen» serez plus. » Cette harangue rassura le roi. »

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(Note de l'édit.)

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