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brassait, se pendait à mon cou, en disant avec transport: Dieu a sauvé mon père ! J'essayais de la calmer; je voulais lui dire quelques paroles qui pussent arrêter l'excès de sa joie; mais, tout aussi troublée qu'elle, je ne savais que répéter: Dieu a sauvé mon père! Nous entrâmes, nous nous mîmes à genoux. Victorine joignit ses mains, elle commença à réciter ses prières tout haut. Combien cette chère enfant était touchante ! Je demande pardon à Dieu de cette distraction; mais je ne pouvais me défendre, en la regardant, de songer qu'il fut un temps où je méconnaissais le bonheur d'avoir ma sœur près de moi. Je ne pensais alors qu'à mes plaisirs, ou plutôt à ma mauvaise humeur, qu'elle était trop jeune pour partager; et je ne prévoyais pas devoir éprouver un jour des peines qu'elle pût adoucir. Tu me blàmais, je m'en souviens, et la justesse de ton esprit te faisait voir bien loin d'avance ce que je n'ai pu sentir qu'avec le temps.

Adieu, mon Elisa, mon amie, ma sœur; parle de ma joie et de mon éternelle reconnaissance à ton brave frère.

LETTRE XX.

Elisa à Zoé.

Chabeuil, ce 14 juin 1808.

CHERE Zoé, je suis enchantée de ta dernière lettre; elle est remplie de sentimens élevés. Mon amie, quel dommage si tu n'étais restée qu'une femme spirituelle et jolie! Cet esprit de gentillesse, qui ne repose sur rien, passe avec l'éclat de la jeunesse et n'intéresse plus sans elle. On trouvé, dit souvent mon oncle, de vieilles femmes minutieuses, fatigantes, qui ont joui, dans leur jeunesse, de la réputation de femmes aimables, sans avoir eu d'autres avantages que ceux d'une jolie figure et de quelque gentillesse dans les manières. La femme pourvue d'une solide instruction, ajoute-t-il, perd sa fraîcheur et le charme de ses traits, mais elle prend à chaque époque de sa vie le maintien qui lui convient; une année de plus, une prétention de moins; et elle conserve, jusqu'à la vieillesse, les grâces de son âge et l'estime de tous. Elle a été jusqu'à dix-huit ans jeune fille modeste; tendre épouse et mère sensible, jusqu'à trente; institutrice de ses filles, jusqu'à quarante; conseil et amie de toute sa famille,

le reste de sa vie. Voilà ce qu'assurent les principes salutaires d'une éducation pieuse et suffisamment étendue. Zoé, je te répète ce que j'entends dire tous les jours à ce cher oncle; je te communique ces vérités dont je cherche à me pénétrer moi-même. Mais ne me crois pas exempte de défauts ni incapable de commettre des étourderies; je dois te désabuser sur le trop grand mérite de ton Mentor. J'ai des aveux à te faire, je te les réserve pour ma prochaine lettre; j'y joindrai celle que mon oncle m'a écrite, et qu'il me remit au moment que nous quittâmes Fréville. Tu verras que je sacrifie mon amour-propre, afin de te faire profiter de la lettre précieuse qui contient des réprimandes que je ne suis pas fâchée d'avoir lues, mais que je voudrais bien n'avoir pas méritées.

LETTRE XXI.

De la même à la même.

Chabeuil, ce 16 juin 1808.

Ma chère Zoé, le jour choisi pour la réunion qui devait avoir lieu chez M. de Mirbot fut lundi dernier. Il était convenu que nous serions tous rendus au château pour déjeuner à midi. Mon oncle s'était disposé à faire route à cheval avec mon frère, et nous avait laissé, pour ma mère et moi, sa petite carriole.

Je me préparai à cette journée de fort bon cœur. Je me parai d'une robe de crêpe blanc faite pour un bal de cet hiver, où je n'étais pas allée. Je me coiffai d'un chapeau garni d'une belle branche de lilas artificiel. J'en cueillis une pareille dans le petit bosquet de mon oncle, et je m'en fis un bouquet. Je mis des gants blancs; et cette simple toilette, accompagnée d'une belle parure d'ambre que mon frère m'a rapportée de Berlin, avait, à la vérité, un ensemble très-agréable. Je m'en assurai plusieurs fois en me regardant dans la glace. J'entrai dans le salon, je saluai; je souris pour voir

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l'effet que je produirais. Tu vois que cette journée avait commencé par un sentiment de coquetterie qui devait m'être funeste. Nous arrivâmes à onze heures, et nous trouvâmes, sur le perron du château, mon frère et mon oncle, qui nous introduisirent dans le salon où la plus grande partie de la société était déjà réunie.

Je vis d'abord Mathilde et Rosalie Buret, qui s'empressèrent de me demander de tes nouvelles, et te plaignirent sur ta situation présente avec une exagération qui ne montrait aucun sentiment sincère, ni aucune idée juste sur les avantages dont tu jouis à Ecouen. Je répondis avec fierté pour toi, et avec de justes éloges pour la maison d'Écouen; ce qui fit promptement cesser cet entretien. La société était nombreuse tes parens, le préfet et sa femme, le général D...., ses aidés-de-camp, un jeune colonel, mesdemoiselles Buret, leur mère, une dame ågée qui fait les honneurs de la maison, une jeune personne que j'ignorais être la fille de M. de Mirbot, et quelques autres habitués, formaient en tout une réunion de vingt-cinq personnes. On félicita mon oncle sur le trait courageux de son neveu. Ton père dit à ce sujet des choses aimables et touchantes; ta mère ne ménagea pas les réflexions sur l'imprudence de son mari qui, à peine convalescent de graves blessures, s'était exposé à faire, à cheval et seul, un trajet de plusieurs lieues. Les reparties du côté de ton père furent pla santes; ce début mit toute la société en relation : chacun

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