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ma famille avait été élu membre de l'Assemblée; le jour de son élection j'avais cessé de le voir.

Mon frère, M. Genet, chargé d'affaires de France en Russie, embrassa le parti constitutionnel. Il était, depuis cinq ans, à cinq cents lieues de moi; mais on me rendit responsable de ses opinions, on m'en imputa de semblables; les journaux royalistes me dénoncèrent comme démocrate. La reine reçut nombre d'avertissemens sur le danger qu'il y avait à se fier à moi. Le roi le sut, il daigna venir me trouver dans mon appartement; il me dit : «Vous » vous affligez d'être calomniée, ne le suis-je pas » moi-même ? on vous dit constitutionnelle, on » me l'a dit, je ne l'ai pas démenti; vous nous en » serez plus utile: si je vous rendais hautement la justice que vous méritez, les gens qui vous ac»cusent vous justifieraient avec bruit. Vous de» viendriez un objet d'inquiétude pour l'Assem» blée; la reine serait peut-être contrainte à vous éloigner d'elle. >>

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Ces paroles sont celles du roi; je les ai conservées dans ma mémoire avec un saint respect.

Dans les premiers jours de juillet 1792, le roi me confia un énorme portefeuille : ce portefeuille était si lourd, que Sa Majesté le porta elle-même jusque chez moi. Le roi me dit de le déposer où je voudrais, mais de me souvenir qu'il pouvait en avoir besoin d'un moment à l'autre.

La reine me dit que si l'Assemblée était assez criminelle pour oser faire un procès au roi, ce

portefeuille renfermait des pièces qui, révolutionnairement parlant, lui seraient funestes; mais que, cependant, il y avait, dans ce même portefeuille, une pièce qui, dans le même cas, pourrait être utile. C'était un procès verbal d'un conseil où Sa Majesté avait opiné contre la déclaration de guerre.

La journée du 10 août arriva; je n'étais pas de service, mais je ne quittai pas l'appartement de la reine. Deux de mes sœurs, une de mes nièces, y étaient avec moi. M. Rousseau, mon beau-frère, était rangé parmi les grenadiers des Filles-SaintThomas.

Après le siége, nous fûmes conduites, madame Auguié et moi, chez M. Auguié; et j'appris, le lendemain, que la reine me demandait. Ma maison avait été pillée, je ne possédais plus rien, je n'avais plus une robe, car je n'avais évité d'aller le 10 à l'Abbaye qu'en me déguisant en servante. J'empruntai des vêtemens; je me rendis aux Feuillans avec madame Auguié; madame Thibaut, elle et moi, nous eûmes le douloureux honneur d'y servir la reine.

La reine avait su l'incendie et le pillage de ma maison; dans cette misérable cellule des Feuillans, malgré le trouble, l'incertitude et la douleur qui remplissaient l'âme de Sa Majesté, elle daigna me parler de la perte que j'avais faite. J'en pris occasion pour lui dire que mes effets, étant tous épars sur le Carrousel, ou pris, j'étais inquiète de l'abus qu'on

pourrait faire des comptes relatifs à mes fonctions de trésorière; et au bas desquels se trouvait la signature de la reine.

Sa Majesté plaçait souvent sa signature assez loin des chiffres, pour que le bas de la page pût servir de blanc-seing. Madame Elisabeth, madame la princesse de Lamballe, madame la marquise de Tourzel, étaient auprès de la reine; une d'elles pensa qu'il fallait faire une déclaration de ce fait. La reine me l'ordonna. J'allai aussitôt à un comité qui se tenait dans le bâtiment de l'Assemblée. M. Hue m'y accompagna; les membres de ce comité refusèrent de recevoir ma déclaration, et la reine regretta de m'avoir donné cet ordre. J'ai su que depuis la rentrée du roi, dans le château même de Sa Majesté, ma visite à ce comité avait été outrageusement défigurée.

Dans le cours de la journée que je passai aux Feuillans, la reine me dit qu'elle désirait que je la suivisse là où elle irait. Je sortis donc le soir pour aller prendre soin de ce que deviendrait mon fils, et pour emprunter des vêtemens. Le lendemain matin, je me représentai aux Feuillans, je ne pus parvenir jusqu'à la reine; j'étais consignée. J'appris que Pétion avait décidé que la reine n'aurait au Temple qu'une femme de son service : c'était madame Thibaut, qu'il avait désignée comme étant de mois. J'allai sur-le-champ chez le maire de Paris, pour lui demander la permission de m'enfermer au Temple avec la reine; sa porte me fut refusée. Un

ami qui m'accompagnait, parvint à entrer et exposa ma demande à Pétion, qui répondit que, si je réitérais mes sollicitations, il m'enverrait à la Force. Il ajouta d'autres discours, auxquels mon ami (M. de Valadon) répondit que lorsqu'on demandait à partager des fers, on ne méritait pas d'insulte. Pétion répliqua par ces mots cruels: « Qu'elle se >> console de ne pas aller au Temple, le service qui >> y entre n'y restera pas long-temps. »

Forcée de renoncer à servir la reine dans sa prison, je m'occupai d'être utile, en surveillant les papiers importans qui m'avaient été confiés.

Après le 10 août, les visites domiciliaires remplirent Paris d'effroi. Il devenait difficile de soustraire long-temps un portefeuille volumineux. Cependant on annonçait le procès du roi ; j'étais préoccupée de cette seule pensée, que le portefeuille contenait un papier qui pouvait être utile à Sa Majesté, et d'autres qui pouvaient lui être funestes.

J'étais retirée chez M. Auguié, j'y gardais le portefeuille, j'étais irrésolue; on vint me donner avis que la maison allait subir une visite domiciliaire, et que la section cherchait des papiers. Je n'avais pas de temps à perdre, j'ouvris le portefeuille

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'Les papiers que je trouvai dans le portefeuille étaient les correspondances de Monsieur et de M. le comte d'Artois avec le roi; celles de Mesdames; des rapports, projets et correspondances de plusieurs personnes attachées à la cause royale ;

j'en tirai le procès verbal mentionné plus haut; je brûlai une grande partie de ces papiers, je craignais de faire un feu trop considérable; M. Gougenot, qui était avec moi, en emporta pour en brûler chez un homme dont il était sûr.

Peu d'instans après, la maison de M. Auguié fut envahie et fouillée à tel degré, qu'on creusa dans le jardin, qu'on retourna les fumiers.

Lorsque les défenseurs du roi furent nommés, je m'occupai de leur faire passer le papier qui pouvait servir, et l'avis que les autres étaient détruits. M. Gougenot se déguisa, alla trouver M. de Males herbes, et lui remit ce papier; il retourna peu de jours après chez ce digne avocat d'une si grande et si touchante cause. J'appris avec une bien grande satisfaction ce que le roi me faisait dire. Sa Majesté se félicitait de ne m'avoir donné aux Feuillans aucun ordre relatif au portefeuille; la nécessité d'exécuter sa volonté aurait pu me gêner dans ma résolution; j'avais fait ce qu'il avait fallu faire; le roi daignait m'en remercier.

Après l'époque de la terreur, je me vouai à l'instruction publique. Douze cents Françaises, successivement confiées à mes soins, ont appris de moi à révérer les vertus de Louis XVI et de Marie-An

toutes les pièces touchant les relations de Mirabeau avec la cour; un plan de départ de la famille royale de la main de Mirabeau. Les anciens sceaux de l'État se trouvaient dans le portefeuille je les fis jeter dans la rivière par M. Gougenot.

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