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teuil était bien cassé quand il est rentré en France; cependant les vieux ont la mémoire fraîche pour les vieilles anecdotes, et il a su infiniment de choses secrètes. Madame de Narbonne, dame d'honneur de madame Adélaïde, qui a eu beaucoup d'influence pendant les premières années du règne de Louis XVI, vous eût été très-utile. Dernièrement je dînai chez un très-grand seigneur qui a infiniment d'esprit; on parla de votre livre, on le loua; mais on releva plusieurs erreurs relatives au ministère du duc de Choiseul. Vous vous trompez quand vous mettez en doute que M. de Machault fut au moment d'être nommé à la place de M. de Maurepas. La lettre du roi était écrite, était donnée au page, il avait le pied dans l'étrier, lorsque mon beau-père, par ordre de Louis XVI, descendit le grand escalier de Choisy pour rappeler le page. La reine, qui avait déjà étudié le caractère du roi, dit alors à mon beau-père que, s'il n'eût pas été si empressé à faire la commission du roi, M. de Machault était nommé; que jamais le roi n'eût eu le courage d'écrire une lettre contraire à son premier vœu. J'ai été touchée jusqu'aux larmes de la manière dont vous replacez le caractère de la reine dans un jour plus favorable; cependant ne la taxez jamais de prodigalité, c'est une prévention populaire; elle avait le défaut contraire. Elle n'a de sa vie puisé dans le Trésor la moindre somme d'argent; la duchesse, sa favorite, avait à peine de quoi se soutenir à la cour, son état exigeant une dé

pense qui excédait de beaucoup ce que lui procuraient les charges de son mari et les siennes. La reine fit construire quelques fabriques de jardin anglais à Trianon, tout Paris en jeta les hauts cris; pendant que M. de Saint-James dépensait à Neuilly cent cinquante mille livres pour un rocher. La reine permettait si de faire des dépenses pour peu son habitation favorite, qu'elle quitta ce château, en 1789, en y laissant encore les antiques meubles de Louis XV: ce fut après l'avoir sollicitée six ans de suite, pour qu'elle ne se servit plus d'un vieux lit de pékin peint, qui avait appartenu à la comtesse Du Barry, que j'obtins de la reine d'en commander un autre. Jamais personne ne fut plus calomnié; tous les coups que l'on voulait diriger contre le trône se sont long-temps adressés à elle seule. J'ai une foule d'anecdotes propres à la faire mieux connaître; mais elles ne conviennent qu'à mes Mémoires. Je ne les ferai point imprimer de mon vivant; mon fils les aura après moi : je ne sors point, dans mes souvenirs, des détails que j'ai pu et que j'ai dû connaître. La présomption perd tous les faiseurs de Mémoires; s'ils ont connu ce qui se passait dans la chambre, ils veulent écrire ce qui se délibérait dans le conseil, et tout cela est fort séparé. M. Thierry de Villedavray ignorait ce que savaient les ministres, et souvent ils auraient été charmés de découvrir ce qu'il savait. Pour l'histoire, comme pour la poésie, il faut en revenir à ce qu'a dit Boileau sur le vrai.

Les Mémoires de Laporte sont estimés parce qu'il dit: « La reine m'envoya là, je dis au car» dinal, etc., » et ceux de Cléry sont du plus touchant intérêt parce qu'il répète mot à mot ce qu'il a entendu, et finit son récit par le roulement de tambour qui le sépara de son infortuné souverain.

La sincérité, monsieur, marche avec la plus haute estime, et c'est ce qui me donne la confiance d'entrer dans ces détails avec vous, et de vous exprimer le regret que j'ai de vous voir occupé de votre seconde édition, avant d'avoir consulté, avec persévérance, le plus grand nombre possible de contemporains bien instruits des faits qui composent vos deux derniers volumes.

SUR UN PORTRAIT

DE MARIE-THÉRESE.

UNE dame acheta, à la vente du marquis de Marigny, un très- grand portrait en miniature de l'impératrice Marie-Thérèse. Il était encadré dans du cuivre doré, et, derrière le cadre, le frère de la marquise avait fait graver ces mots : «< L'impéra>>trice-reine fit présent de ce portrait à ma sœur; » il était entouré de superbes diamans du Brésil. » Cette dame crut offrir à la reine une chose qui lui serait agréable, elle se trompa: Sa Majesté crut ne pas devoir paraître insensible à son attention, mais, lorsque cette dame fut retirée, la reine me dit: « Cachez-moi bien vite cette preuve de la poli»tique de ma mère: peut-être lui dois-je en partie » l'honneur d'être reine de France; mais, en vérité, >> les souverains sont quelquefois contraints à trop >> de bassesses. >>

POUR MON FILS.

Ce 6 brumaire an V de la république. (29 novembre 1797.)

A Saint-Germain-en-Laye.

J'AI toujours pensé qu'il était désagréable de ne pas bien connaître l'origine de sa famille, de ne pas savoir auxquels de ses auteurs on devait de la reconnaissance pour l'existence qu'ils nous ont acquise dans le monde, et de ne pas connaître enfin à qui l'on tient par les liens du sang, dans quel pays ou dans quelle ville on peut avoir des parens, et à quel degré on leur appartient.

La vanité avait érigé cette connaissance en science qui a fait imprimer des volumes nombreux, et les ouvrages de généalogie étaient chers à la noblesse qui pouvait y retrouver les titres pompeux de ses ancêtres. Pourquoi le sentiment de reconnaissance pour un père ou un grand-père qui, sortant de l'humble toit qui l'avait vu naître, a formé lui-même sa fortune, ne nous porterait-il pas à vouloir connaître et suivre la trace de ses travaux et des efforts auxquels nous devons l'avantage pré

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