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Il y avait long-temps que la puissance de Louis XIV n'existait plus dans le palais de Versailles, et toutes les formes extérieures de cette puissance absolue existaient encore en 1789.

Ce roi, dans les dernières années de son règne, avait payé son ambition guerrière par des revers dont la nation avait beaucoup souffert. Devenu vieux, ses remords et la dévotion de sa dernière maîtresse le rendirent faible et bigot.

Les prêtres régnèrent et obtinrent de lui des édits foudroyans contre ses sujets des églises réformées. Une foule de Français industrieux, manufacturiers, abandonnèrent leur patrie, et portèrent leurs utiles travaux chez les peuples voisins. L'édit qui produisit un effet si funeste à la France s'appelle la révocation de l'édit de Nantes.

L'édit de Nantes était dû à Henri IV; il assurait à toutes les diverses églises le libre exercice de leur culte.

Louis XIV mourut. Il laissa pour héritier de sa couronne son arrière-petit-fils âgé de cinq ans.

Cet enfant eut pour régent son oncle le duc d'Orléans, prince spirituel, léger et libertin. Il hasarda des systèmes financiers qui ruinèrent la France, et se livra à des débauches publiques et à un mépris pour tous les sentimens et les devoirs religieux, qui firent promptement succéder la licence à l'hypocrisie. Le règne de Louis XV fut faible. Pendant

les premières années de ce règne, sa jeunesse, sa beauté, quelques succès dans les armes, le firent chérir par les Français; bientôt le libertinage le plus effréné lui fit perdre cette première bienveillance du peuple, et lui ravit même l'estime de

sa cour.

A la mort de Louis XV, Louis XVI monta sur le trône avec toutes les vertus d'un homme, mais peu de celles qui conviennent à un grand roi, et qui lui deviennent indispensables dans des temps où les peuples sont agités par l'esprit des factions 1.

1 Si Louis XVI n'eut pas les qualités d'un grand roi, du moins, sous un ministre habile et ferme, qui aurait su fixer ses irrésolutions, déjouer les intrigues de la cour, ou vaincre ses résistances, il aurait eu les vertus et le règne d'un bon roi. Jamais on ne porta plus loin l'amour du bien public, et même en 1791, quand sa puissance déchue, son autorité méprisée, présentaient à son esprit de douloureux sujets de réflexions, il souffrait surtout des maux qu'éprouvait le royaume et de ceux qu'il prévoyait.

« Nous fûmes témoins dans le conseil, dit Bertrand de Molleville, pendant l'assemblée législative, d'une scène.... beaucoup trop intéressante pour être passée sous silence. M. Cahier de Gerville y lut un projet de proclamation relativement aux assassinats et au pillage qui se commettaient dans plusieurs départemens contre les nobles et sur leurs biens, toujours sous le prétexte banal d'aristocratie. Il y avait dans cette proclamation la phrase suivante: Ces désordres troublent bien amèrement le bonheur dont nous jouissons. « Changez cette phrase, » dit le roi à M. Cahier de Gerville qui, après l'avoir relue sans y aper8

TOM. III.

La reine était aimable, sensible, belle et bonne. Les calomnies qui ont noirci cette princesse sont le fruit de l'esprit de mécontentement qui régnait alors. Mais elle aimait le plaisir, et en trouvait trop à faire admirer sa beauté. Les amusemens, les fêtes endormirent cette cour jusqu'au moment de l'affreux réveil que leur préparaient des opinions introduites en France depuis cinquante ans, et qui déjà avaient pris une force imposante.

Trois ministres, qui avaient jugé le danger de

cevoir de faute, répondit qu'il ne voyait point ce qu'il y avait à changer. - « Ne me faites pas parler de mon bonheur, mon>> sieur; je ne puis mentir de cette force-là: comment voulez>> vous que je sois heureux, monsieur de Gerville, quand per» sonne ne l'est en France? Non, monsieur, es Français ne » sont pas heureux, je ne le vois que trop...; ils le seront un jour, je l'espère, je le désire ardemment...; alors je le serai » aussi, et je pourrai parler de mon bonheur. >>

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>> Ces paroles, que le roi prononça avec une émotion extrême et les yeux gros de larmes, firent sur nous la plus vive impression, et furent suivies d'un silence général d'attendrissement, qui dura deux ou trois minutes. Sa Majesté, craignant sans doute que ce mouvement de sensibilité qu'elle n'avait pas été maîtresse de réprimer, ne fît suspecter son attachement à la constitution, saisit très-adroitement, quelques momens après, l'occasion de manifester au moins sa fidélité scrupuleuse au serment qu'elle avait fait de la maintenir, en adoptant le parti qui y était le plus conforme, dans une affaire au rapport de M. Cahier de Gerville qui avait proposé un avis contraire, et qui fut confondu de trouver le roi plus constitutionnel que lui. J'ai cité ce fait dans le compte que j'ai rendu

l'effervescence des idées, voulurent successivement travailler à la réforme des abus, remonter, en un mot, la trop vieille machine de la puissance absolue par des lois modernes, réformatrices et régénératrices. Ils ne pouvaient le faire qu'en attaquant les droits de la noblesse et du clergé ces corporations les croyaient imprescriptibles, et le croient encore, même depuis que le torrent de la plus terrible révolution a fait disparaître jusqu'aux derniers vestiges de leurs droits et de leurs richesses.

1

Ces trois ministres, Turgot ', Malesherbes et

à l'Assemblée après ma retraite du ministère ; je me dispenserai par cette raison d'en répéter ici les détails.

» Cette probité religieuse du roi à l'égard du serment funeste qui lui avait été arraché, et son tendre intérêt pour le bonheur d'une nation dont il avait tant à se plaindre, excitaient à la fois notre étonnement et notre admiration. »>

Cet amour du peuple, ce désir de le rendre heureux, Louis XVI l'avait puisé dans Fénélon. Les ouvrages de Nicole et le Télémaque étaient ses lectures habituelles. Il en avait extrait des maximes de gouvernement dont il ne voulait point s'écarter; et on ne lira point sans intérêt, sous la lettre (O), des détails sur ce sujet, et quelques particularités peu connues sur les habitudes, l'esprit méthodique et la manière d'écrire de ce prince. (Note de l'édit.)

I

« Quand M. de Maurepas proposa Turgot pour ministre à Louis XVI, ce prince lui dit avec une candeur digne de respect: On prétend que M. Turgot ne va pas à la messe. — Eh! sire, répliqua Maurepas, l'abbé Terray y va tous les jours. Ce mot suffit pour dissiper toutes les préventions du monarque. (Biographie universelle, tom. XXVII. ) (Note de l'édit.)

Necker, furent renversés par la puissance de ces antiques corporations 1.

L'impolitique désir d'amoindrir la puissance anglaise avait fait embrasser par Louis XVI la cause des Américains insurgés contre leur mère - patrie. Nos jeunes gens volèrent aux combats qui se livraient dans le Nouveau-Monde pour la liberté et contre les droits des couronnes. La liberté l'emporta; ils rentrèrent triomphans en France, et y rapportèrent le germe de l'indépendance. On recevait souvent dans le palais de Versailles des lettres de plusieurs militaires, cachetées d'un sceau qui portait les treize étoiles des États-Unis, environnant le bonnet de la liberté; et le chevalier de Parny, un des poëtes les plus estimés du temps, frère d'un écuyer de la reine, et lui-même homme de la cour, fit imprimer une épître aux Bostoniens, dans laquelle étaient placés les vers suivans :

Et vous,

Peuple heureux sans rois et sans reines,
Vous dansez donc au bruit des chaînes
Qui pèsent sur le genre humain.

1M. Necker voulait être appuyé des faveurs et de la confiance du peuple; et, semblable en cela à M. Turgot, il ne put être agréable ni au clergé ni à la noblesse, si étrangers aux affections personnelles du ministre génevois. Le clergé murmura du choix d'un ministre protestant. Je vous l'abandonne, si vous voulez payer la dette de l'État, répondit M. de Maurepas à un archevêque scandalisé de sa nomination. » ( Histoire de MarieAntoinette, par Montjoie.) (Note de l'édit.)

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