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postes, se dirigea vers l'appartement de Sa Majesté. Ma sœur entendit la première ces mots terribles : Sauvez la reine! Le garde-du-corps qui les prononça reçut treize blessures à la porte même d'où il nous avertit. Si les femmes de la reine s'étaient couchées, Sa Majesté était perdue; elles n'eurent que le temps de se précipiter dans sa chambre, de l'arracher de son lit, de jeter une couverture sur son corps, de l'emporter dans l'appartement du roi, et de fermer, le mieux qu'elles purent, la porte du corridor qui y conduit. Elle tomba évanouie dans les bras de son auguste époux. Vous savez ce qui est arrivé depuis le roi, cédant aux voeux de la capitale, s'y est rendu avec toute sa famille le 6 au matin. Le voyage a duré sept heures et demie, pendant lesquelles nous avons entendu sans cesse un bruit continuel de trente mille fusils chargés à balles, que l'on chargeait et déchargeait en signe de joie du bonheur de mener le roi à Paris. On criait, mais inutilement, tirez droit. Malgré cette attention, les balles quelquefois venaient frapper sur les ornemens des voitures; l'odeur de la poudre nous suffoquait, et la foule était si prodigieuse, que le peuple, pressant de toutes parts les carrosses, leur faisait éprouver le mouvement d'un bateau. Si vous voulez vous faire une idée de cette marche, représentez-vous une multitude de brigands non vêtus, armés de sabres, de pistolets, de broches, de scies, de vieilles pertuisanes, marchant saus. ordre, criant, hurlant, précédé d'un monstre, d'un tigre,

que la municipalité de Paris cherche avec le plus grand soin, d'un homme à longue barbe, qui jusqu'à présent servait de modèle à l'académie de peinture, et qui, depuis les troubles, est livré à son goût pour le meurtre, et a lui seul coupé toutes les têtes des malheureuses victimes de la fureur populaire. Quand on pense que c'est cette même troupe qui, à six heures du matin, avait forcé le poste de l'escalier de marbre, enfoncé les portes des antichambres, et pénétré jusqu'à l'endroit où ce brave garde-du-corps fit une résistance assez longue pour nous donner le temps de sauver la reine; quand on se rappelle que cette terrible armée courait les rues de Versailles toute la nuit, on trouve encore que le ciel nous a protégés; on remarque le pouvoir de la Providence, et ce danger passé fait espérer pour l'avenir. D'ailleurs il est reconnu aujourd'hui que tous les funestes événemens dont je n'ai pu vous présenter qu'une faible esquisse, ont été le hideux résultat du plus noir, du plus épouvantable des complots; la ville de Paris va en rechercher les auteurs. Mais je doute qu'elle les découvre tous, et je crois que la postérité seule sera éclairée sur ces horribles secrets.

La sévérité de la loi martiale, la grande activité des chefs de la milice et du corps de ville, l'attachement, la vénération de tous les citoyens de la capitale pour l'auguste famille qui est venue s'enfermer dans ses murs, et qui est bien déterminée à y rester jusqu'au moment où la nouvelle constitu

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tion sera achevée : voilà le tableau qui peut seul porter quelque soulagement dans nos cœurs.

Depuis que la reine est à Paris, sa cour est nombreuse; elle dîne trois fois par semaine en public avec le roi; son jeu a lieu ces jours-là. Quoique les pièces soient petites, tout Paris y abonde; elle parle aux commandans des districts, elle trouve des occasions naturelles de dire des choses obligeantes même aux simples fusiliers, parmi lesquels se trouvent les citoyens de la première classe comme les derniers des artisans: douceur, résignation, courage, grâces, popularité, tout est mis en usage, et sans affectation, pour réunir les esprits et concourir au rétablissement de l'ordre. Tout le monde rend la justice qui est due à des soins si touchans, et c'est un dédommagement pour les peines cruelles que l'on a endurées, pour les risques horribles que l'on a courus. En général, rien n'est plus sage ni plus suivi que la conduite du roi et de la reine; aussi augmente-t-elle tous les jours le nombre de leurs partisans. L'on en parle avec enthousiasme dans presque toutes les sociétés. J'ai beaucoup perdu du côté du bonheur, des jouissances de la vie, des espérances; mais je suis extrêmement flattée d'être attachée à une princesse qui, dans des momens d'adversité, a développé un caractère aussi généreux et aussi grand: c'est un ange de douceur, de bonté; c'est une femme forte quant au courage. J'espère que les nuages amassés autour d'elle par le souffle impur de la calomnie se dissiperont, et

quand on a l'age de la reine et ses vertus, on peut encore se flatter de reprendre, dans l'histoire et aux yeux de la postérité, le rang qu'on ne peut sans injustice lui enlever. Les princes assaillis par les faiblesses et les vices vers leur déclin, ont inutilement montré quelques vertus dans leur première jeunesse; leurs dernières années effacent l'éclat des premières, et ils emportent au tombeau la haine et le mépris de leurs sujets. Que de belles années restent encore à parcourir à notre aimable souveraine! et lorsqu'elle agit par elle-même, elle est toujours sûre du plus grand succès. Elle vient d'en donner la preuve dans les momens les plus critiques; et Paris, imbu de tous les propos les plus séditieux; Paris, lisant sans cesse les libelles les plus dégoûtans, n'a pu lui refuser cette admiration que l'on doit au vrai courage, à la présence d'esprit et aux grâces. Ses plus cruels ennemis se bornent à dire : << Il faut convenir que c'est une femme forte. » Je ne puis vous exprimer combien je suis occupée de l'opinion qu'on a de cette intéressante princesse. dans les cours étrangères : les libelles affreux y ontils été envoyés? Croit-on en Russie qu'une madame Lamotte ait jamais été l'amie de la reine? Croit-on à tous les contes odieux de cette trame infernale? J'espère que non la justice, les réparations qui sont dues à cette princesse ne cessent de m'occuper. J'en perdrais la raison, si j'étais un peu plus jeune, et si ma tête était aussi vive que mon cœur est sensible. Moi, qui la vois depuis quinze ans at

tachée à son auguste époux, à ses enfans, bonne avec ses serviteurs, malheureusement trop polie, trop simple, trop en égale avec les gens de cour, je ne puis supporter de voir injurier son caractère. Je voudrais avoir cent bouches, je voudrais avoir des ailes, je voudrais inspirer cette confiance pour écouter la vérité qu'on accorde si facilement au mensonge : implorons encore le temps sur cet important objet.

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Opinion de la reine sur la noblesse.

La reine m'a dit souvent : « La noblesse nous perdra, mais je pense que nous ne pouvons nous >> sauver sans elle. Nous n'agissons quelquefois dans >> un sens qui blesse la noblesse, qu'avec de bonnes >> intentions pour elle. Cependant lorsque je suis >> boudée par les gens qui nous environnent, j'en » suis affligée: alors nous faisons quelques démar>>ches ou quelques confidences pour rassurer tous >> ces pauvres gens qui ont réellement bien à souf» frir. Ils en font bruit; les révolutionnaires en » sont instruits, s'en alarment; l'Assemblée devient plus pressante, plus virulente, et les dangers

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>> s'accroissent. »>

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