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de Bavière, fut le seul souverain d'Europe qui, à la date fixée, se dirigea vers Saint-Jean d'Acre. Frédéric II, roi des Romains et de Sicile, qui le premier parmi les princes avait pris la croix et que tout désignait au commandement de l'expédition, allégua les menées en Allemagne de l'empereur déchu, Otton, pour obtenir d'Honorius de différer l'accomplissement de son vou. Le pape attendait du moins un utile secours du nouveau souverain de Constantinople, Pierre de Courtenay, comte d'Auxerre, qui avait été appelé au trône par la mort de Henri de Hainaut, son beau-frère, et qui de France était passé par Rome pour se rendre en ses États. Mais ce prince, en approchant de Constantinople, tomba aux mains des Grecs qui le retinrent prisonnier 3. Une autre déception était réservée au pontife. Le roi de Hongrie, pour l'heureux succès duquel il avait ordonné des prières dans toutes les églises de la catholicité et conduit lui-même une procession dans Rome, ne séjourna que trois mois en Terre sainte, et, après un engagement sans résultat contre les Infidèles, regagna son royaume, ramenant avec lui la plus grande partie de son armée 5.

Restés sous la conduite du duc d'Autriche, les croisés eussent sans doute renoncé à poursuivre leur expédition, si, au printemps de 1218, ils n'eussent été rejoints par d'autres croisés du nord de l'Allemagne et de la Frise, qui, venus par l'Océan et la Méditerranée, s'étaient d'abord arrêtés en Portugal pour combattre les Maures 6. Avant que le roi de Hon

1. Raynald. anno 1217, no 19.

2. Lettre d'Honorius à Frédéric, 8 avril 1217, Raynald. ibid., no 41. Cf. Zeller, Hist. d'Allem. t. V, p. 176.

3. Pour ce qui concerne l'avènement de ce Pierre de Courtenay au trône de Constantinople, son passage à Rome où il fut couronné de la main du pape dans l'église Saint-Laurent, et sa captivité suivie peu après de sa mort, voir les documents cités par Raynald. anno 1217, no 4-14. Henri de Hainaut était mort le 11 juin 1216.

4. Lettre à l'archevêque de Reims, 24 nov. 1217, Potthast, Reg. pontif. n° 5622.

5. Rog. de Wendov.

6. Ibid.

grie fût retourné en Europe, Léopold d'Autriche et Jean de Brienne, reprenant un plan déjà adopté dans la précédente croisade, avaient résolu de porter la guerre sur les bords du Nil et d'assiéger Damiette, dans la pensée qu'une fois maîtres de l'Égypte ils le deviendraient plus aisément de la Terre sainte1. Informé d'un projet dont l'exécution exigeait le rassemblement de plus grandes forces, Honorius manda aux évêques de France et d'Angleterre de hâter, chacun dans leurs diocèses, le départ des croisés qui n'avaient pas encore quitté leurs foyers et de les diriger sur l'Égypte 2. Il adressa également un pressant appel à Frédéric, dont le puissant concours importait le plus aux chrétiens d'outre-mer. Otton venant alors de mourir 3, ce souverain n'avait plus le même motif de retarder son départ. Frédéric répondit qu'il s'y disposait en effet et qu'il avait convoqué, dans cette intention, une diète générale des princes et des évêques de l'Allemagne. Le pape le loua de sa résolution, le menaçant toutefois de le frapper d'excommunication, si, au mois de juin de l'année suivante, il ne s'était embarqué pour Damiette 5.

Le recouvrement de la Terre sainte semblait, avec le rétablissement de la paix en Angleterre, le seul soin qui eût été légué à Honorius par son prédécesseur. Mais, tandis que le pontife s'efforçait de tourner vers la Palestine le zèle des fidèles, la guerre s'était rallumée dans ces provinces du midi de la France où Innocent, pour en chasser l'hérésie, avait porté l'extermination. Les populations de ces provinces n'avaient pas appris sans colère la décision du concile général de Latran qui, en confirmant à Simon de Montfort la possession

1. Voir, dans Raynald. anno 1217, no 30, 31, une lettre du maître des Templiers à Honorius. Cf. ibid. anno 1218, no 6-9, une autre lettre du roi de Jérusalem et du duc d'Autriche, annonçant au pape que les premiers vaisseaux des croisés étaient arrivés le 29 mai 1218 au port de Damiette. 2. Novembre 1218, Potthast, Reg. pontif. n° 5934.

3. Otton mourut au château de Harzbourg, près de Goslar, le 19 mai 1218. 4. 12 janvier 1219, Huillard-Bréholles, Hist. dipl. Friderici II, t. I, p. 584586. Devant nous référer souvent à cet important ouvrage, nous nous bornerons à l'indiquer par ces seuls mots Hist. dipl.

5. 11 février 1219. Raynald. eod. anno, no 7.

des territoires conquis par les Français du Nord, consommait leur propre servitude. L'ancien comte de Toulouse, Raimond VI, au sortir de ce concile où il était allé faire entendre de vaines réclamations, avait lui-même résolu de tenter un dernier effort pour reconquérir ses domaines; et, lorsque ce prince, accompagné du jeune Raimond, son fils, était revenu en France, Marseille, Avignon, Orange, plusieurs autres villes de la Provence et nombre de barons s'étaient engagés à les assister dans la défense de leurs droits. Le roi d'Aragon, Jacques, fils de celui qui avait été tué à la bataille de Muret, s'était également rallié à la cause du vieux Raimond. En dépit des mesures prises par Simon de Montfort pour arrêter la révolte, le mouvement n'avait pas tardé à s'étendre des deux côtés du Rhône, et, les Toulousains s'étant soulevés à leur tour, Raimond VI, au mois de septembre 1217, était rentré dans sa capitale aux acclamations des habitants 1.

Dès le début des événements, Honorius avait envoyé le cardinal Bertrand dans les provinces insurgées pour y ramener les esprits. Instruit du peu de succès de la mission de son légat, le pape craignit de voir l'autorité de l'Église romaine compromise encore une fois en ces contrées, et, s'inspirant du funeste exemple donné par Innocent, résolut d'appeler de nouveau aux armes les Français du Nord. Il enjoignit aux archevêques de Reims, de Sens, de Tours, de Rouen, de Bourges, de Lyon et à leurs suffragants de prêcher la croisade contre les hérétiques albigeois, leur disant d'y entraîner tous ceux des fidèles de leurs diocèses qui ne s'étaient pas croisés pour la Palestine3, et menaça le roi d'Aragon, s'il n'abandonnait Raimond, « de livrer son royaume à l'invasion des catholiques. » Cet appel à la guerre procura des ren

1. Pour tous les faits qui précèdent, voir Schmidt, Hist. des Albig. t. I, p. 267-270.

2. 19 janvier 1217. Potthast, Reg. pontif. no 5425.

3. 3 janvier 1218. Potthast, ibid. no 5657.

4. « Regnum tuum per extraneas gentes comprimere cogeremur. » 27 décemb. 1217. Voir cette lettre dans Raynald. anno 1217, no 56, 57.

forts à Simon qui, réunissant toutes ses forces, vint mettre le siège devant Toulouse. Arrêté plusieurs mois par l'énergique résistance des habitants, il envoya demander des secours au roi de France, quand, le 25 juin 1218, il fut tué d'une pierre lancée des remparts de la ville. « Cette pierre alla droit où il fallait », écrit un narrateur de la croisade, qui était, il est vrai, favorable aux hérétiques 1. Les orthodoxes célébrèrent la mort de Simon comme celle d'un saint et d'un martyr. « Oui, dit le même narrateur, il est saint, il est martyr, si, pour avoir tué des hommes et versé le sang, pour avoir allumé des incendies, égorgé des femmes et massacré des enfants, un homme peut conquérir en ce monde le règne de JésusChrist 2. >>

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La mort de Simon jeta le trouble parmi les orthodoxes, qui s'éloignèrent du territoire de Toulouse sans interrompre toutefois le cours de leurs hostilités. A la place de Simon, Amaury, son fils, avait pris la direction de la croisade. Le pape lui confirma l'héritage des domaines conquis par son père 3 et ordonna aux évêques de France de prêcher de nouveau la guerre contre les hérétiques *. Sur ses sollicitations 5, Philippe Auguste consentit à prêter son appui aux défenseurs de la foi. Il est vrai que, pour prix de cette assistance, le pontife dut lui accorder le vingtième des revenus ecclésiastiques du royaume. Le fils du roi, Louis, conduisit lui-même une armée dans le Midi et alla rejoindre Amaury, qui était occupé au siège de Marmande. Cédant à des forces plus nombreuses, la ville fut

1. Chanson de la croisade contre les Albigeois, éd. Paul Meyer, t. II, c. 215. Le savant éditeur, dans son introduction, a clairement fait ressortir que ce poème se compose de deux parties, dont l'une, qui se termine peu avant a pour auteur Guillaume de Tudèle, favorable aux croisés, tandis que l'autre est l'œuvre d'un anonyme, favorable au comte de Toulouse.

la bataille de Muret,

2. Chanson de la croisade contre les Albigeois, t. II, c. 208.

3. 17 août 1218. Potthast, Reg. pontif. no 5894.

4. 11 août 1218. Potthast, ibid. no 5888.

5. Duchesne, Hist. Franc. scr. t. V, p. 851, n° 1 (30 décemb. 1217); cf. ibid.

n° 2 (12 août 1218).

6. Septembre 1218. Raynald. eod. anno, no 56, 57.

contrainte de capituler. La prise de cette place fut marquée par les mêmes excès qui, sous Innocent III, avaient signalé celle de Béziers. Les soldats d'Amaury, que Louis fut impuissant à retenir, se jetèrent dans Marmande, où, à l'instigation de l'évêque de Saintes et malgré les protestations de l'archevêque d'Auch et de quelques seigneurs français, ils massacrèrent plus de cinq mille hommes, femmes et enfants, sous le prétexte que c'étaient des hérétiques 1. De là l'armée se mit en marche pour assiéger une seconde fois et châtier Toulouse. Le cardinal Bertrand, non moins implacable que l'avait été jadis l'abbé de Citeaux, demandait « qu'il ne restât rien de vivant dans la ville et que tous les habitants périssent dans les flammes. » Défendue par le jeune Raimond et les principaux barons du pays, Toulouse résista à tous les assauts des croisés, et Louis, renonçant à l'idée de s'en emparer, regagna, au mois d'août 1219, le nord de la France 3. La fortune commença dès lors à se tourner contre Amaury. Vainement le pape menaça le jeune Raimond, s'il ne déposait les armes, de le déshériter des domaines que lui avait laissés le concile de Latran, et manda aux habitants de Toulouse, d'Avignon, de Nimes, qu'il confisquerait leurs biens et priverait leurs villes de la dignité épiscopale. Il ne put arrêter les progrès de Raimond, qu'il se détermina enfin à frapper d'une sentence d'exhérédation. Mais les événements qui se passaient alors en Égypte, les lenteurs de Frédéric à se disposer à la croisade, et bientôt la nécessité de déployer de plus grands efforts pour le recouvrement de la Terre sainte, en détournant l'attention d'Honorius, allaient l'empêcher, pendant quelque temps, de poursuivre ses rigueurs.

Selon le plan qu'ils avaient adopté, les croisés de Terre sainte s'étaient portés sur le Nil, et, au mois de février 1219,

1. Chanson de la croisade contre les Albigeois, t. II, c. 212.

2. Ibid., c. 214.

3. Schmidt, Hist. des Albig. t. I, p. 273.

4. Potthast, Reg. pontif. nos 6283, 6284, juin 1220.

. Ibid. no 6711.

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