Images de page
PDF
ePub

na; que le défaut du vin fut effectif, que ce vin miraculeux ne fut pas formé par voie de création, de peur qu'on ne le prît pour du vin fantastique, mais par le changement d'une fubftance en une autre, dont les ferviteurs qui les avoient vu fe fuccéder l'une & l'autre, étoient des témoins irréprochables.

Cette fubftance eft de l'eau, qui étant une forte de breuvage comme le vin, pour rendre le miracle plus croyable, en est néanmoins très-différente dans fes qualités & dans fon gout, pour fignaler davanrage la grandeur du miracle. Jefus-Chrift fit remplir d'eau ces urnes jufqu'à regorger, afin qu'on ne foupçonnât pas que 'étoit de l'eau fur laquelle on avoit jetté ine certaine quantité de vin. Il en fait aire le premier effai au maître d'hôtel, qui n'ayant pas encore foupé, étoit plus capable d'en juger, & qui favoit la qualité de celui qu'on avoit préparé; & le maître-d'hôtel le trouve fi excellent, qu'il blâme l'époux d'avoir fait fervir le vin médiocre le premier, & d'avoir, contre la coutume de ce temps-là, fait garder le bon vin pour la fin du repas.

Comme c'étoit le premier miraclè du Seigneur, il étoit bon qu'il fût accompagné de circonftances qui le miffent dans un dégré de certitude & d'évidence qui empêchât d'en douter raifonnablement.

[merged small][ocr errors]

Ce

que nous pouvons encore remarquer pour notre édification, c'eft la docilité avec laquelle ces ferviteurs emplirent les urnes d'eau, en puiferent enfuite, & en porterent l'effai à faire au maître-d'hôtel. Pour des gens qui ne croyoient point en lui, il falloit qu'elle fût grande pour obéir à un ordre dont ils ne voyoient point la raifon; parce que Jefus, fans ufer de paroles, ni de fignes, avoit changé l'eau en vin par l'opération fecrete de fa toutepuiffance. C'eft pour nous, qui croyons en Jefus-Chrift, un beau modele de la foumiffion avec laquelle nous devons nous rendre à tout ce qu'il veut de nous, quoique nous en ignorions les raifons & les caufes. Il n'y a de fageffe & de fureté qu'à s'abandonner ainfi fimplement entre fes mains, dans une ferme confiance qu'il fera tout bien.

[ocr errors]

رو

Myfleres figurés par les noces de Cana.

» L'extérieur, & comme le dehors des » ouvrages du Seigneur, dit S. Bernard, » nourrit & fatisfait les efprits les plus fimples; mais ceux qui, par une longue » habitude & un long exercice, fe font » accoutumés à difcerner les chofes, trou» vent dans l'intérieur, & comme le de» dans de ces œuvres, une nourriture plus » folide & plus délicieufe, & comme la plus pure fleur du froment: car elles

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» font agréables au dehors; mais elles le » font infiniment plus dans leur vertu in»térieure, comme Jefus - Chrift même » étoit dans l'extérieur le plus beau des » enfans des hommes, & au dedans l'éclat » de la lumiere éternelle, infiniment éle» vé au-deffus des regards & de la péné »tration des Anges. Il paroiffoit au de» hors un homme fans défaut, une chair » fans péché, l'Agneau fans tache. Qu'il » étoit doux, & qu'on avoit de plaifir à » voir ainfi un homme incapable de pé» cher; & heureux les yeux qui ont joui » de fa préfence! mais ceux-là font beau» coup plus heureux qui ont le cœur pur, » parce qu'ils verront Dieu. Tout charme » en lui, tout eft falutaire; il est tout ai» mable &, felon l'expreffion de l'Epoufe, » tout défirable. (a) Or vous trouverez la » même chofe dans fes œuvres que dans fa perfonne. La fuperficie, & comme le

[ocr errors]

(a) In operibus Domini, fratres, & miuus capaces animos exterior confideratio pafcit; & qui magis exercitatos habent fenfus folidiorem intus cibum inveniunt, & fuaviorem, tanquam adipem medullamque frumenti. Sunt enim & exteriori fpecie delectabilia, & interiori virtute multò delectabiliora quemadmodum & ipfe exteriùs quidem fpeciofius erat forma præ filiis hominum, interiùs autem tanquam candor lucis æternæ, etiam ipfis fupereminens vultibus Angelorum. Apparebat enim foris homo fine culpa, caro fine peccato, Agnus fine macula... Delectabilis afpectus hominis in quem peccatum non cadit, & beati oculi qui viderunt; fed multò magis beati mundo corde, quoniam ipfi Deum videbunt... Totus fuavis eft, totus falubris eft, totus delectabilis, totus denique fecu dùn fponfæ vocem defiderabilis.

» dehors, en est très-beau; mais fi l'on » vient à ouvrir la noix & voir le dedans, » on y trouve beaucoup plus de charmes » & de plaifirs.

دو

دو

» Je crois, ajoute ce Pere, que vous » voyez bien où tend ce que je viens de » vous dire. Vous favez que Jefus-Chrift » a fait un grand miracle aux noces de » Cana: l'histoire en eft admirable; mais » le myftere qu'il nous fignifie, fait beau» coup plus de plaifir. (a) Ce changement » de l'eau en vin a été une preuve bien » éclatante de la majesté & de la puiffance divine; mais le changement fpirituel, figuré par ce changement extérieur, eft » un ouvrage bien autre de la droite du » Très-Haut.

[ocr errors]

دو

[ocr errors]

» Outre l'extérieur du miracle, dit faint Auguftin, (b) il y a quelque facrement » & quelque myftere caché dans cette ac» tion. Frappons à la porte, afin que Je» fus-Chrift nous ouvre, & qu'il nous eni»vre de fon vin invifible. Nous étions >>. de l'eau, il nous a fait du vin; il nous » a rendus fages, car nous avons du gout » & de l'amour pour fa foi; au lieu qu'au» paravant nous étions fous & infenfés; » & il eft de cette fageffe de comprendre » à la gloire de Dieu, à la louange de fa

(a) Cujus hiftoria fatis eft admirabilis, & fignificatio amplius delectabilis.... Bern. Serm. 2 Dom. 1 post of. Epiph. n. 12.

(b) Tract. 8 in Joan. n. 3.

دو

majesté, de fa charité, de fa miféricorde » toute puiffante, ce que fignifient les cir» conftances de ce miracle. «

[ocr errors]

Le myftere que les Peres confiderent dans les noces de Cana, ce font les noces fpirituelles de Jefus-Chrift, & fon union avec fon Eglife fainte, qu'il a faite fon Epouse par une miféricorde toute particuliere. » Jefus Chrift eft venu dans le » monde pour y célébrer des noces, dit » faint Auguftin. S'il n'y étoit pas venu » pour célébrer des noces, il n'y auroit point d'époufe or l'Apôtre nous apprend qu'il en a une. Oui, Jesus-Christ » à dans le monde une Epoufe qu'il a ra» chetée par fon fang, à qui il a donné le » Saint-Elprit pour gages & pour arrhes. » Il l'a affranchie de l'efclavage du diable; » il eft mort pour fes péchés, & il eft reffufcité pour fa juftification. Qui fait » de fi grands préfens à fon épouse? (a)

"

[ocr errors]
[ocr errors]

Les hommes peuvent bien donner à » leurs époufes des ornemens terreftres, » de l'or, de l'argent, des pierres pré» cieufes, des chevaux, des efclaves, des » terres, des maifons; mais y en a-t-il quelqu'un qui donne à la fienne fon fang? En effet, s'ils donnoient leur fang à leurs époufes, il n'y auroit per

[ocr errors]
[ocr errors]

(a) Habet ergo hic fponfam Dominus quam redemit fanguine fuo, & cui pignus dedit Spiritum fan&tum... Quis offeret tanta fponfæ fuæ Trad. 8 in Joan. n. 4.

« PrécédentContinuer »