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bonne heure, et ses parents lui firent donner une instructim qui le tira promptement de la classe des écoliers ordinaires. Autant que l'on en peut juger par un passige de la Vie nouvelle, ses père et mère moururent après qu'il avait atteint sa dixième ou douzième année, et c'est vers ce temps à peu près que l'on suppose qu'il fut confié par les parents qui lui restaient, aux soins de Brunetto Latini, l'un des hommes les plus savants de ce siècle, et qui passait pour posséder les mérites variés d'orateur, d'historien, de philosophe, de théologien et de poète.

On attribue aussi à Guido Guinizzelli l'honneur d'avoir contribué, comme littérateur et poète, à former le jeune Dante. Mais toutes ces circonstances sont rapportées sans dates et d'une manière si vague, que l'on ne doit les admettre qu'à titre de traditions.

Un événement de la vie de Dante, fort romanesque, mais qui semble avoir eu une grande importance, parce que le poète lui-même l'a fait connaître en détail et en a donné la date, c'est la connaissance qu'il a faite, à l'âge de neuf ans, en 1274, de Béatrice, fille de Folco Portinari. D'après le récit que Dante lui-même fait de cet événement dans la Vie nouvelle, et rapporté aussi par Boccace, on apprend que, lorsqu'il n'était encore âgé que de neuf ans, il fut conduit par son père chez Folco Portinari, où il vit la fille de ce noble florentin, Béatrice, qui avait à peine atteint elle-même sa neuvième année. Il raconte l'effet que produisit sur lui la beauté de cette enfant; il rend compte de l'impression profonde qu'elle laissa dans son âme, et constate, par cette anecdote, l'époque précise à laquelle sa passion réelle pour cette personne, a commencé; comment elle s'est

accrue, et de quelle manière, enfin, après la nort de Béatrice, en 1290, il prit le parti de recueillir toutes les poésies que cette jeune personne lui avait inspirées, et d'annoncer le projet qu'il avait déjà conçu non-seulement de chanter de nouveau les louanges de sa jeune amante, mais d'en faire en quelque sorte le principal personnage du grand poème de l'Enfer, du Purgatoire et du Paradis, dont il méditait le plan.

Si la Vie nouvelle n'est pas, comme quelques-uns le prétendent, un livre purement imaginaire et allégorique, on peut considérer comme un point fixe dans l'histoire de Dante, que, depuis l'âge de neuf ans, il a été préoccupé de Béatrice jusqu'à vingt-six; que, déjà poète et écrivain remarquable, il acheva, en 1290, sa Vie nouvelle, livre dans lequel, au recueil de toutes les pièces de poésies amoureuses qu'il avait déjà faites, il ajouta une narration explicative de ses impressions accompagnée d'un commentaire philosophique.

L'année qui précéda celle où eut lieu cet événement, Dante, dont la famille était du parti guelfe, avait pris part à la guerre qui s'alluma entre les Arétins et les Florentins; et ce fut dans les rangs de ces derniers qu'il se comporta vaillamment à la fin du combat de Campaldino (1289).

La constitution toute civile de l'armée de Florence ne fournissait guère aux citoyens de cette ville l'idée de se faire une profession des armes, en sorte que Dante, ainsi que la plupart de ses contemporains, ne fit la guerre et ne donna des preuves de son courage qu'accidentellement.

Avant tout et par-dessus tout, Dante était alors poète et amoureux. En effet, lorsqu'en 1290, sa chère Béa

trice nourut à l'âge de vingt-cinq ans, il en éprouva un chagin si violent et si profond, qu'il faillit en perdre la raison, à ce qu'il dit lui-même dans la Vie nouvelle.

Boccace assure que, l'année suivante, les parents et les amis de Dante, le voyant constamment abattu par la tristesse, le sollicitèrent pour qu'il prît le parti de se marier, et qu'on le décida à épouser Madonna Gemma, fille de Manetto des Donati, famille puissante parmi les Guelfes, et dont le chef, Corso, commandait un corps de troupes à la bataille de Campaldino, où s'était trouvé Dante.

A l'occasion de cette union, Boccace s'étend assez longuement sur les inconvénients qu'il y a pour un homme d'étude, pour un philosophe, de se marier; et il oppose spirituellement les habitudes de la vie contemplative du savant et du poète, au besoin incessant qu'ont les femmes que l'on s'occupe d'elles. Il ne dit rien de fâcheux sur Madonna Gemma; toutefois, la suite de ses observations et les conséquences qu'il en tire l'ammènent à cette conclusion : « Que ceux qui s'occu>> pent des hautes spéculations de l'esprit doivent laisser >> le mariage aux sots riches, aux grands seigneurs et >> aux ouvriers; et que pour les savants, ils n'ont rien >> de mieux à faire que de s'unir à la philosophie, la plus >> excellente épouse que l'on puisse trouver. »

D'une autre part, on sait que Dante a eu sept enfants de sa femme Gemma, depuis l'année 1291 jusqu'à 1301, ce qui fait supposer que les deux époux vivaient assez amicalement ensemble.

Cependant, depuis son exil, il serait impossible de trouver parmi les plaintes nombreuses que son injuste condamnation lui fit exhaler dans ses poésies, un seul

vers qui fasse allusion à la privation de sa femme et de ses enfants. Ce silence et ces observations de Boccace sur les inconvénients du mariage pour un poète, ont donné naissance à mille conjectures, dont le dernier mot est que Madonna Gemma était une espèce de furie, et que la seule consolation que Dante tira de son exil fut d'être débarrassé de cette moderne Xantippe.

Quant à moi, je donne les faits tels qu'ils nous sont incomplétement parvenus, et je profiterai de cette occasion pour répéter, avec preuves, que la plupart des circonstances de la vie de Dante sont tout aussi peu connues que celles de son mariage et ses suites, ce qui est cause que l'on risque beaucoup de faire un roman quand on veut écrire l'histoire de ce poète.

Boccace dit encore, en parlant de son héros : « Malgré la répugnance que j'éprouve à tacher la gloire d'un si grand homme, il m'est impossible de ne pas avouer qu'il a été adonné à la luxure, non-seulement pendant sa jeunesse, mais même dans l'âge mûr. » Quelque léger qu'ait pu être Boccace, on a peine à comprendre quel serait le motif qui l'eût engagé à inventer une calomnie, si des traditions très-récentes encore ne l'eussent pas autorisé à signaler ce fait. D'une autre part, et si l'on excepte quelques chansons et ballades amoureuses, qui ne sont que galantes et dont l'authenticité est d'ailleurs fort contestée, tout est d'une chasteté très-sévère dans les écrits de Dante, qui, certes, peut passer pour avoir été un mari suffisamment attentif, puisqu'il eut sept enfants de sa femme en dix ans.

Que conclure de tous ces faits incertains et contradictoires, si ce n'est que l'on doit retenir prudemment sa plume? C'est donc ce que je fais; et je poursuis.

Avart de se marier, Dante s'était fait immatriculer dans l'Art des médecins. Et bientôt, croyant pouvoir payer dignement son tribut de citoyen à sa patrie, il brigua les charges publiques. On prétend, mais toujours sans preuves suffisantes, que de 1293 à 1300, il fut chargé de quatorze ambassades.

Quoi qu'il en soit, le désordre était porté à son comble dans la cité de Florence. Après un siècle de haines, de guerres et de vengeances atroces, entre les Guelfes et les Gibelins, qui, jusqu'en 1300, avaient au moins eu le triste avantage de savoir qu'ils se battaient, les uns en faveur du gouvernement pontifical, les autres pour la monarchie impériale, il arriva que les deux factions oubliant tout-à-coup leur véritable mot d'ordre, se transformèrent en deux cotteries de petite ville, sans rien perdre toutefois de leur aveuglement, de leur fureur ni de leur cruauté. Une vieille querelle entre deux branches d'une famille de Pistoia dont l'une portait le surnom de Blancs et l'autre celui de Noirs, s'envenima à tel point, qu'après avoir substitué ces deux désignations à celles de Gibelins et de Guelfes auxquelles elles répondaient effectivement, une grande partie de la Toscane, mais Florence en particulier, fut de nouveau en proie à toutes les violences d'une guerre instestine. Au mois de mai de l'an 1300, on se battit de nouveau dans les rues de Florence et le sang des Noirs et des Blancs coula abondamment (1).

Dante était alors Prieur, c'est-à-dire l'un des douze

(1) Voyez pour les éclaircissements relatifs aux factions de Blanes et de Noirs; Florence et ses vicissitudes t. 1er, page 107 et t. 2, page 67.74. Paris, 1837.

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