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sont pas claires pour notre siècle, n'en étaient peut-être que plus frappantes pour celui où elles ont été employées, sont trop patentes et parfois trop faciles à saisir pour croire qu'au moins, en commentant l'Urbano de Boccace, M. Rosetti se soit complètement trompé.

Tout le système des explications données par M. Rosetti, repose sur une suite d'événements historiques généralement bien avérés, mais auxquels il est parvenu à reconnaître une tendance simultanée vers un but unique, et pour un objet bien déterminé. Son point de départ est le projet qu'avait formé Frédéric II, yers 1198, de constituer les divers États de l'Europe en monarchie universelle, dont l'empereur serait le chef. Cette idée, qui séduisit tous les esprits distingués de ce temps, avait évidemment pour objet, chez ceux qui l'adoptèrent, de les soustraire à la puissance envahissante du SaintSiége, qui, sous prétexte de régler tout spirituellement au nom des apôtres, était parvenu à un pouvoir temporel si redoutable, que les souverains du monde en furent alarmés. Ce fait est positif et avéré. C'était la suite des querelles du sacerdoce avec l'empire, commencées sous le pontificat de Grégoire VII, et ce qui se reproduisit encore jusqu'à Philippe-le-Bel, lors de ses démêlés avec le pape Boniface VIII. Il est donc impossible de nier que de la part de plusieurs princes régnants et de celle des empereurs en particulier, il n'y ait eu volonté constante de rabaisser, de diminuer au moins le pouvoir temporel des Papes.

Le caractère personnel de l'empereur Frédéric II, ses entreprises furibondes contre le Saint-Siége, les nombreuses excommunications dont il fut frappé, sa vie licencieuse et, dit-on même, impie, ont sans doute

puissamment contribué à faire penser que ce prince, en attaquant si fréquemment les papes, ne bornait pas ses prétentions à abaisser leurs forces temporelles, mais qu'il avait même résolu de provoquer une réforme radicale dans la discipline du clergé et peut-être même dans la doctrine chrétienne.

M. Rosetti, d'après ces données, suppose donc que Frédéric II, dans l'intérêt de l'établissement de la monarchie impériale, et pour réunir à cet intérêt le plus de fidèles qu'il serait possible, a institué une espèce de société secrète ayant son mot d'ordre, son jargon, au moyen desquels tous ceux qui se rattachaient successivement à la cause impériale pour détruire la puissance papale, pouvaient s'entendre, communiquer et agir secrètement dans tous les États de l'Europe. Cette société secrète, cette secte, selon M. Rosetti, n'est autre que le parti anti-papiste, bien connu dans l'histoire des Gibelins, dont les fureurs, ainsi que celles de leurs antagonistes les Guelfes, ont ensanglanté l'Italie pendant plus de deux siècles; et, comme nous venons de le voir, les Chansons, les Sonnets, les poèmes et les romans même ne sont que des espèces de pamphlets politiques que l'on faisait circuler dans le monde, pour répandre peu à peu, et sous le voile des allégories, la doctrine monarchique impériale.

La clé donnée pour expliquer ainsi le sens de la nouvelle d'Urbano de Boccace, justifie en général l'opinion de M. Rosetti; et pour faciliter à ceux qui se livrent à la lecture des poêsies dantesques, les moyens de mettre le système du nouveau commentateur à l'épreuve, j'indiquerai encore quelques-unes des explications qu'il

donne pour faire pénétrer le sens habituellement énigmatique, de la poésie Gibeline.

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Selon lui, la résistance au pouvoir envahissant des Papes, tire son origine des Patarins, d'où il s'est formé trois sectes les Templiers, les Albigeois et les Gibelins, qui tous, en effet, finirent, après beaucoup de résistance, par être écrasés et détruits par le pouvoir pontifical. Dans le langage fictif, ces trois sectes sont désignées par Dante, sous le nom général de Pèlerins; mais il spécifie chacune d'elles en nommant les Templiers, les Pèlerins palmiers, à cause de leur séjour en Syrie; les Albigeois, les Pèlerins, ceux qui se rendent à Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice; en enfin les Gibelins, les pèlerins roméens, parce qu'ils vont à Rome. C'est ainsi, selon M. Rosetti, qu'il faut expliquer un passage et une note de Dante qui se trouvent à la fin de la Vie nouvelle (page 216).

Le centre vivifiant, le foyer de ces trois sectes étaient la Terre Sainte, pour les Templiers, Toulouse, pour les Albigeois, et Florence ou la Toscane, pour les Gibelins.

Dante parle peu des premiers, ainsi que de tout ce qui se rapporte à la chevalerie. Mais il est fréquemment question dans ses poésies des Gibelins et des Albigeois. Au moins, M. Rosetti s'est-il efforcé de prouver qu'il s'agit de ces derniers, toutes les fois que Dante ou les poètes de son école parlent de Toulouse, qui fut en effet le point où la secte Albigeoise se développa avec le plus de force, combattit avec tant de courage et fut enfin détruite.

Selon lui, les Gibelins de Florence, fraternisaient avec les Albigeois de Toulouse, et c'est dans l'intention de signaler ce rapprochement, que Guido Cavalcanti,

par exemple, le premier qui ait imposé des noms à ses Dames, car il en eut deux : Giovanna, qui le captiva d'abord à Florence, et Mandetta, dont il s'éprit à Toulouse, indique ainsi, par l'amour qu'il était censé éprouver pour ces deux maîtresses, l'unité de doctrine entre les Gibelins de Florence et les Albigeois de Toulouse, car il ne faut pas perdre de vue l'idée fondamentale de M. Rosetti qui, dans les Dames aimées, ne reconnaît que la doctrine ou la secte impérialiste.

Avec cette supposition, plusieurs passages de la ballade de Guido Cavalcanti, que j'ai citée (page 279) prennent un sens raisonnable, et entre autres celui-ci : Ah! »jeunes paysannes, gardez-vous de me croire un homme »vil (qui n'est pas impérialiste), car mon cœur est »mort, (passé à la véritable vie), du coup qu'il a reçu » lorsque j'allai à Toulouse. »

Puis, cet autre où le poète qui a reçu la mort à Toulouse, par l'effet seul du regard d'une Dame toute entourée de cordes, laquelle a réveillé son intelligence qui dormait. Interrogé par une des paysannes qui lui demande si il se souvient des yeux qui ont produit un tel effet, il répond: « A cette question terrible je répondis: »Je me souviens qu'étant à Toulouse, il m'apparut une >> Dame raide et toute entourée de cordes, qu'Amour ap»pelle Mandetta. Elle s'offrit si brusquement à mes re»gards, et sa puissance était telle, que ses yeux me frappèrent intérieurement jusqu'à mort. »

Cette ballade, prise à la lettre, ne signifie absolument rien; et il faut avouer que, grâce au système de M. Rosetti elle reçoit un sens. Le Gibelin Cavalcanti, amant de la Florentine Giovanna, personnifiant la secte Gibeline, va faire un pèlerinage à Toulouse, où il voit la

secte Albigeoise, figurée par la Toulousaine Mandetta, raide, garrottée, par ses persécuteurs, et qui, par son regard seulement, se fait comprendre et aimer de Guido Cavalcanti.

En suivant cette idée de M. Rosetti, on arrive encore à trouver un sens qui se coordonne, dans l'histoire du Napolitain Stace, dont Dante s'est plu à faire un Toulousain, dans son Purgatoire (ch. XX). Dans la Divine Comédie, Stace se trouve être le représentant de la secte albigeoise, qui s'unit avec la secte gibeline, dont Dante est là le protagoniste. Et il est à remarquer que ce prétendu Toulousain, personnifié par le poète Stace, fort inférieur en talent et en importance à Virgile, est cependant investi d'une dignité d'initiateur dans le Purgatoire, plus grande que celle du poète de Mantoue, puisque celui-ci quitte Dante aussitôt qu'ils ont rencontré Béatrice, tandis que le Toulousain Stace continue de marcher avec les deux amants, et est même chargé de faire faire à Dante sa dernière ablution dans l'Eunoè, au moment où les deux chastes amants-pèlerins vont entrer dans le Paradis.

Quant à la vie nouvelle, aux Chansons de Dante et aux correspondances poétiques entre les Fidèles d'Amour, sans prétendre que toutes les énigmes qui s'y trouvent seront facilement éclaircies par le système d'explication présenté par M. Rosetti, je dois dire qu'elles en rendent la lecture plus facile, par cela seul que l'on y attache un sens plus suivi. C'est ce dont on s'apercevra sans doute en revenant sur la Chanson des Trois dames (page 323), où M. Rosetti voit les trois sectes, les Templiers, les Albigeois et les Gibelins, persécutées, et venant auprès de Dante, pour lui montrer leurs in

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