Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[merged small][merged small][ocr errors]

VI. Tu peux aller en toute sûreté, ô Chanson! où il te plaira; car je t'ai si bien ornée que ton sujet ne peut manquer de recevoir beaucoup de louanges des personnes qui ont l'intelligence. Quant à te trouver avec les autres, tu n'en as pas envie !

Consegue merto spirito, ch' è punto :
E non si può conoscer per lo viso
Compriso, bianco, in tal obietto cade :
E chi ben vade, forma non si vede;
Perchè lo mena chi da lei procede
Fuor di colore, d'essere diviso.
Assiso in mezzo oscuro luci rade :
Fuor d'ogni fraude dice degno in fede;
Che solo di costui nasce mercede.
VI. Tu poi sicuramente gir canzone
Dove ti piace ch'io t'ho sì adornata,
Ch'assai lodata sarà tua ragione
Dalle personné c'hanno intendimento.
Di star con l'altre tu non hai talento.

Cette Chanson énigmatique a été si célèbre en Italie, depuis Dante jusqu'au xvir siècle, et tant d'hommes distingués ont fait des efforts pour l'éclaircir, que j'ai cru indispensable de produire ici cette espèce de manifeste sur la philosophie amoureuse, composé par l'homme réputé le plus savant dans cette science (1). Mais pour faire prendre toutefois une idée de l'importance qu'on y a

(1) Cette Chanson a été commentée par Iacopo Minl, Tomacelli, Girolamo Frachetta, Dino del Garbo, Paolo del Rosso, Egidio della Colonna et Marsilio Ficino, etc., etc.

[ocr errors]

attachée, et de quelle manière on s'y prenait pour en expliquer le sens, je rapporterai un passage curieux de l'ouvrage de Marsile Ficin, intitulé: De l'Amour, ou le Banquet de Platon, où il en parle : « Guido Caval

canti le philosophe, dit Ficin, a renfermé dans ses vers, d'une manière artificieuse, tout ce qui se rapporte à l'Amour. Comme le miroir, frappé d'une certaine ma-nière par le rayon du soleil resplendit; et de même que la lune, éclairée par la splendeur solaire, devient lumineuse; ainsi, selon Guido Cavalcanti, la partie de l'âme appelée par lui fantaisie, mémoire, est frappée par l'image de la Beauté qui tient la place du soleil et, comme un rayon lumineux, entre par les yeux. En sorte que cette partie de l'âme, fantaisie ou mémoire, frappée par cette image de la Beauté, produit en soi une autre image, qui n'est que la splendeur de la première. Le philosophe ajoute: Que ce premier Amour, allumé dans l'appétit des sens, se crée par la forme du corps que les yeux ont saisie et comprise. Mais il fait observer que cette forme ne s'imprime pas dans la fantaisie ou mémoire, comme dans un corps, mais immatériellement, de telle manière cependant que cette image est celle d'un certain homme, placé en un certain lieu et dans un certain temps. Puis de cette image, ajoute-t-il, il en reluit toutà-coup dans l'intelligence une autre espèce d'image, qui n'est plus celle d'un corps humain particulier, comme elle s'était peinte dans la fantaisie, mais une raison commune et une définition universelle de toute la génération humaine..... Or, de même que de la fantaisie, quand elle a reçu l'image du corps, naît dans les sens esclaves du corps, l'Amour, qui se développe en eux; ainsi de l'autre espèce d'image venant de l'in

telligence et de la raison communes, si étrangères à la matière, naît, dans la volonté, un autre amour, complètement étranger au corps. Le premier amour réside dans la volupté, le second dans la contemplation. L'un s'attache à la forme particulière d'un corps, l'autre se porte à l'entour de la beauté universelle de toute la génération humaine, et ces deux amours se combattent toujours dans l'homme. L'un vous plonge dans la vie voluptueuse et matérielle, l'autre élève vers la vie angélique et contemplative. Le premier est plein de passion et s'empare du plus grand nombre des hommes, l'autre, toujours calme, ne convient qu'au petit nombre. Ce philosophe mêla encore dans la création de l'amour quelque chose des ténèbres du chaos, lorsqu'il dit : Que la mémoire obscure s'illumine, et que du mélange de cette obscurité et de la lumière naît l'Amour. Il met encore sa première origine dans la beauté des choses divines, et sa seconde dans la beauté des corps. Car, lorsqu'il parle, dans ses vers, de soleil et de rayon, par le premier, il entend désigner Dieu, et par le second, la forme des corps (1). »

A ce commentaire, tracé par un des Fidèles d'Amour les plus fervents et les plus instruits, je n'ajouterai que quelques observations sur le mot Donna, Dame, qui commence la chanson de Cavalcanti, servant de réponse à un sonnet fait par un homme, Guido Orlandi.

Voici, je crois, comment cette singularité peut être expliquée. Dans le 12 verset, du 3° cantique, attribué à saint François d'Assises, on lit : « Mon âme, transfor

(1) Marsilio Ficino sopra lo Amore o ver' convito di Platone. Orazione VII".

mée en Christ, est presque Christ et Dieu; elle devient divine, elle s'élève au-dessus de toutes les hauteurs; et lorsque Christ est tout à elle, elle est reine (1). » On voit que dans la poésie amoureuse sacrée, l'amant de Jésus-Christ est transformé en Christ, et que si on se conforme à la raison poétique, on peut donner le nom de l'aimé à l'amant. Cette exagération amoureuse et les locutions qui l'expriment, ont été adoptées également par les amoureux platoniciens, qui à force de contempler cette Beauté universelle de toute la génération humaine, dont parle Ficin, se transformaient aussi en elle, devenaient cette Beauté même, ou la Dame, sous la figure allégorique de laquelle on était convenu de la désigner. Dans les poésies amoureuses des poètes compagnons de Guido Cavalcanti et de Dante, on ne risque donc presque rien de substituer ordinairement, par la pensée, le mot philosophe à celui de Dame toutes les fois que l'on rencontre ce dernier, employé soit au singulier, soit au pluriel.

Toutes les poésies de Guido Cavalcanti se ressentent de cette doctrine platonique obscurcie; et elles deviennent d'autant plus arid difficiles à comprendre, que le philosophe amoureuse quitte jamais, en écrivant, la double forme allégorique et scolastique. Je l'avouerai, c'est l'excès même de sa manière en ce genre qui m'a engagé à en faire connaître le caractère, afin que l'on sût précisément quelle est la limite extrême du langage amoureux figuré, dont Dante a fait lui-même si habituellement usage. La connaissance

(2) Voyez Renaissance, t. III, p. 391, poésies de saint François d'Assises.

des poésies de Guido me paraît même tellement nécessaire quand on étudie celles de Dante, que j'ajouterai à la Chanson toute dogmatique que l'on vient de lire une ballade de Guido, dont la forme est au moins dramatique, quoique le fond soit certainement encore quelqu'exposition de la doctrine présentée à la faveur de l'allégorie. Voici cette singulière composition:

BALLADE.

I. Je roulais des pensers d'Amour dans mon esprit, quand je rencontrai deux jeunes paysannes. L'une chantait : « Que le feu d'Amour pleuve sur nous ! »

II. Leur aspect était si doux, si calme, si courtois et si modeste, que je leur dis: « Vous portez la clef de toute noble et sublime vertu. Ah! jeunes paysannes, gardez-vous de me croire un homme vil (qui n'est pas

BALLATA.

38

I. Era in pensier d'Amor, quand' io troval

Due forosette nove.

L'una cantava : « E piove

Gioco d'amore in nui.»

II. Era la vista lor tanto soave,

Tanto quieta, cortese ed umile,

Ch'io dissi lor : voi portate la chiave
Di ciascuna vertute alta e gentile:
Deh forosette non mi aggiate a vile !
Per lo colpo ch'io porto,

« ZurückWeiter »