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des choses qui ne dépendent pas de lui. Soyez sûr que je n'aurai réponse de trois mois.

Il y a environ ce temps-là que j'en attends une de lui sur une affaire qui me regarde. Il m'a fait dire, par le commandant de notre petite province, qu'il n'avait pas le temps d'écrire, qu'il était accablé d'affaires : voilà où j'en suis.

Il me paraît de la dernière importance d'apaiser M. de Sauvigni; il faut l'entourer de tous côtés. M. de Montigni, trésorier de France, de l'Académie des sciences, est très à portée de lui parler avec vigueur. N'avez-vous point quelque ami auprès de M. d'Ormesson? Heureusement la place qui vous est promise n'est point encore vacante; on aura tout le temps de faire valoir vos droits si bien établis.

La tracasserie qu'on vous fait est inouïe. Je me souviens d'un petit dévot nommé Leleu, qui avait deux crucifix sur sa table: il débuta par me dire qu'il ne voulait pas transiger avec moi, parce que j'étais un impie, et il finit par me voler vingt mille francs. Il s'en faut beaucoup, mon cher ami, que les scènes du Tartufe soient outrées : la nature des dévots va beaucoup plus loin que le pinceau de Molière.

J'aurai dans le courant du mois de décembre une occasion très favorable de prier monsieur le contrôleurgénéral de vous rendre justice. Je ne saurais m'imaginer qu'on pût manquer à sa parole sur un prétexte aussi ridicule. Cela ressemblerait trop au marquis d'O, qui prétendait que le prince Eugène et Marlborough ne nous avaient battus que parce que le duc de Vendôme n'allait pas assez souvent à la messe.

Je vous prie de ne pas oublier le maréchal de Luxembourg, qui n'allait pas plus à la messe que le duc de

Vendôme. Je suis obligé d'arrêter l'édition du Siècle de Louis XIV, jusqu'à ce que j'aie vu ces Campagnes du maréchal, où l'on m'a dit qu'il y a des choses fort instructives.

Le petit livre du Militaire philosophe vaut assurément mieux que toutes les Campagnes. Il est très estimé en Europe de tous les gens éclairés. J'ai bien de la peine à croire qu'un militaire en soit l'auteur. Nous ne sommes pas comme les anciens Romains, qui étaient à la fois guerriers, jurisconsultes et philosophes.

Vous ne me parlez plus de votre cou; pour moi je vous écris de mon lit, dont mes maux me permettent rarement de sortir.

On ne peut s'intéresser à vos affaires, ni vous embrasser plus tendrement que je le fais.

XLV.

A M. MARIN,

CENSEUR ROYAL, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA LIBRAIRIE,

A PARIS.

27 novembre.

Vous me demandez, mon cher monsieur, si je m'inté resse aux édits qui favorisent le commerce et les huguenots: je crois être de tous les catholiques celui qui s'y intéresse le plus. Je vous serai très obligé de me les envoyer. Il me semble que le conseil cherche réellement le bien de l'état : on n'en peut pas dire autant de messieurs de Sorbonne.

J'ai lu les Lettres sur Rabelais et autres grands personnages. Ce petit ouvrage n'est pas assurément fait à Genève; il a été imprimé à Bâle, et non point en Hollande, chez Marc- Michel, comme le titre le

porte.

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y a, en effet, des choses assez curieuses; mais je voudrais que l'auteur ne fût point tombé quelquefois dans le défaut qu'il semble reprocher aux auteurs hardis dont il parle.

Parmi une grande quantité de livres nouveaux qui paraissent sur cette matiere, il y en a un surtout dont on fait un très grand cas. Il est intitulé le Militaire philosophe, et imprimé en effet chez Marc-Michel Rey. Ce sont des lettres écrites au père Malebranche, qui aurait été fort embarrassé d'y répondre.

On a débité en Hollande, cette année, plus de vingt ouvrages dans ce goût. Je sais que la fréronaille m'impute toutes ces nouveautés; mais je m'enveloppe avec sécurité dans mon innocence et dans le Siècle de' Louis XIV, que je fais réimprimer, augmenté de plus d'un tiers. Je profite de la permission que vous me donnez de vous adresser une copie de l'errata que l'exacte et avisée veuve Duchesne a perdu si à propos. Je mets tout cela sous l'enveloppe de M. de Sartine.

Adieu, monsieur; vous ne sauriez croire combien votre commerce m'enchante.

Sera-t-il donc permis au sieur Cogé, régent de collége, d'employer le nom du roi pour me calomnier?

XLVI.

A M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.

A Ferney, 28 novembre.

Il y a environ quarante-cinq ans que monseigneur est en possession de se moquer de son humble serviteur. Il y a trois mois que je sors rarement de mon lit, tandis que monseigneur sort tous les jours de son bain pour aller dans le lit d'autrui, et vous êtes tout ébahi que je

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me sois habillé une fois pour assister à une petite fête. Puissiez-vous insulter encore quarante ans aux faiblesses humaines, en ne perdant jamais ni votre appétit, ni votre vigueur, ni vos graces, ni vos railleries!

Vous avez laissé choir le tripot de la comédie de Paris. Je m'y intéresse fort médiocrement; mais je suis fâché que tout tombe, excepté l'opéra comique. J'ai peur d'avoir le défaut des vieillards qui font toujours l'éloge du temps passé; mais il me semble que le Siècle de Louis XIV, dont on fait actuellement une édition nouvelle fort augmentée, était un peu supérieur à notre siècle.

Comme cet ouvrage est suivi d'un petit abrégé qui va jusqu'à la dernière guerre, je ne manquerai pas de parler de la belle action de M. le duc d'Aiguillon, qui a repoussé les Anglais. J'avais oublié cette consolation dans nos malheurs.

Votre ancien serviteur se recommande toujours à votre bonté et loyauté, et vous présente son tendre et profond respect.

XLVII.

A M. DE CHABANON.

30 novembre.

L'anecdote parlementaire que vous avez la bonté de m'envoyer, mon cher ami, m'est d'autant plus précieuse, qu'aucun écrivain, aucun historien de Louis XIV n'en avait parlé jusqu'à présent;

Et voilà justement comme on écrit l'histoire.

Vous êtes bien plus attentif que le victorieux auteur de l'Éloge de Charles V. Il ne m'a point appris d'anecdote, car il ne m'a point écrit du tout. Je présume qu'il

passe fort agréablement son temps avec quelque fille d'Aaron-al-Raschild.

Je ne sais pas la moindre nouvelle des tripots de Paris. J'ignore jusqu'aux succès des doubles-croches de Philidor, et je suis toujours très affligé de l'aventure des croches de notre ami M. de Laborde. J'ai sa Pandore à cœur, non parce que j'ai fourni la toile qu'il a bien voulu peindre, mais parce que j'ai trouvé des choses charmantes dans son exécution; et je souhaite passionnément qu'on joue le péché originel à l'Opéra. Vous me direz qu'il ne mérite d'être joué qu'à la foire Saint-Laurent cela est vrai, si on le donne sous son véritable nom; mais sous le nom de Pandore, il mérite le théâtre de l'Académie de musique. Je vous prie toujours d'encourager M. de Laborde; car pour vous, mon cher ami, je vous crois assez encouragé à établir votre réputation en détruisant l'empire romain. Mais commencez par établir un théâtre; vous n'en avez point. La comédie française est plus tombée que l'empire romain.

Nous n'avons plus de soldats dans nos déserts de Ferney. L'arrêt des augustes puissances contre les illustres représentans est arrivé, et a été plus mal reçu qu'une pièce nouvelle. Vous ne vous en souciez guère, ni moi non plus.

Maman et toute la maison vous font les plus tendres complimens; j'enchéris sur eux tous.

XLVIII.

A M. MARMONTEL.

2 décembre.

Commençons par les empereurs, mon très cher et illustre confrère, et ensuite nous viendrons aux rois. Je

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