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eu raison, car il a eu la conduite d'un coquin avec le style d'un sot. On peut même imprimer cette lettre que je vous écris, je le trouverai très bon.

Je vous embrasse de toutes les forces qui me restent.

XL.

A M. COLLINI.

A Ferney, 11 novembre.

Mon cher ami, oublicrez-vous toujours que j'ai soixante-quatorze ans, que je ne sors presque plus de ma chambre? il s'en faut peu que je ne sois entièrement sourd et mort. Vous m'écrivez comme si j'avais votre jeunesse et votre santé. Soyez très sûr que si je les avais je serais à Manheim ou à Schwetzingen.

Il y aura toujours un peu de nuage sur la lettre amère de l'électeur au maréchal de Turenne le fait, entre nous, n'est pas trop intéressant, puisqu'il n'a rien produit. C'est un pays en cendres qui est intéressant. Il importe peu au genre humain que Charles-Louis ait défié Maurice de La Tour; mais il importe qu'on ne fasse pas une guerre de barbares.

Gatien de Courtilz, caché sous le nom de Dubuisson, avait déja été convaincu de mensonges imprimés par l'illustre Bayle, avant que le marquis de Beauvau eût écrit. Il est donc très vraisemblable que le marquis de Beauvau n'eût point parlé du cartel, s'il n'avait eu que Gatien de Courtilz pour garant. Bayle, qui reproche tant d'erreurs à ce Courtilz Dubuisson, ne lui reproche rien sur le cartel. Il faut donc douter, mon cher ami : de las cosas mas seguras, la mas segura es dudar. Mais ne doutez jamais de mon estime et de ma tendre amitié pour vous. Madame Denis vous en dit autant.

XLI.

A M. CHARDON.

A Ferney, 14 novembre.

Monsieur, il paraît que le conseil cherche bien plus à favoriser le commerce et la population du royaume, qu'à persécuter des idiots qui aiment le prêche et qui ne peuvent plus nuire. Dans ces circonstances favorables, je prends la liberté de rappeler à votre souvenir l'affaire des Sirven, et d'implorer votre protection et votre juspour cette famille infortunée. On dit que vous pourrez rapporter cette affaire devant le roi. Ce sera, monsieur, une nouvelle preuve qu'il aura de votre capacité et de votre humanité. Il s'agit d'une famille entière qui avait un bien honnête, et qui se voit flétrie, réduite à la mendicité et errante, en vertu d'une sentence absurde d'un juge de village.

tice

Il n'y a pas long-temps, monsieur, qu'on a imprimé à Toulouse, par ordre du parlement, une justification de l'affreux jugement rendu contre les Calas. Cette pièce soutient fortement l'incompétence de messieurs des requêtes et la nullité de leur arrêt. Jugez comme la pauvre famille Sirven serait traitée par ce parlement si elle y était renvoyée après avoir demandé justice au conseil. Vous êtes son unique appui. Je partage son affliction et sa reconnaissance.

J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect, monsieur, votre, etc.

XLII.

A M. DAMILAVILLE.

18 novembre.

Je présume, mon cher ami, qu'on vous a donné de fausses alarmes. Il n'est point du tout vraisemblable qu'un conseiller d'état occupé d'une décision du roi qui le regarde ait attendu un autre conseiller d'état à la porte du cabinet du roi pour parler contre vous. On ne songe dans ce moment qu'à soi-même, et tout au plus aux affaires majeures dont on ne dit qu'un mot en passant. Si mon amitié est un peu craintive, ma raison est courageuse. Je ne me figurerai jamais qu'un maréchal de France, qui vient d'être nommé pour commander les armées, attende un ministre au sortir du conseil pour lui dire qu'un major d'un régiment n'est pas dévot: cela est trop absurde. Mais aussi il est très possible qu'on vous ait desservi, et c'est ce qu'il faut parer.

J'ai imaginé d'écrire à madame de Sauvigni, qui est venue plusieurs fois à Ferney. Je ferai parler aussi par monsieur son fils. Je saurai de quoi il est question sans vous compromettre.

On a imprimé en Hollande des lettres au père Malebranche; l'ouvrage est intitulé le Militaire philosophe ; il est excellent : le père Malebranche n'aurait jamais pu y répondre. Il fait une très grande impression dans tous les pays où l'on aime à raisonner.

On m'assure de tous côtés que l'on doit assurer un état civil aux protestans et légitimer leurs mariages; il est étonnant que vous ne m'en disiez rien.

Bonsoir, mon très cher ami; je vous embrasse bien

fort.

XLIII.

A M. DE CHABANON.

A Ferney, 20 novembre.

Vous êtes assurément un plus aimable enfant que je ne suis un aimable papa; c'est ce que toutes les dames vous certifieront, depuis les portes de Genève jusqu'à Ferney. Vous allez faire à Paris de nouvelles conquêtes; mais j'espère que vous n'abandonnerez pas l'empire romain et les Vandales.

Je sais que le tripot de la comédie est tombé comme cet empire. Il n'y a plus ni acteurs ni actrices; mais vous travaillez pour vous-même. Un bon ouvrage n'a pas besoin du tripot pour se soutenir, et vous le ferez jouer à votre loisir quand la scène sera un peu moins délabrée. Je voudrais être assez jeune pour jouer le rôle de l'ambassadeur vandale sur notre petit théâtre; mais vous avez assez d'acteurs sans moi, car j'espère toujours vous revoir ici. Je suis comme toutes nos femmes; elles n'ont qu'un cri après vous, et madame de La Harpe sera une très bonne Eudoxie, Mon cher confrère en tragédies, avez-vous vu M. de Laborde votre confrère en musique? Amphion ne doit pas l'avoir découragé. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que dans sa Pandore il Y a bien des morceaux qui vont à l'oreille et à l'ame. Ranimez, je vous prie, sa noble ardeur; il ne faut pas qu'il enfouisse un si beau talent. Il me paraît surtout entendre à merveille ce que personne n'entend: c'est l'art de dialoguer. Vous ferez quelque jour un bien joli opéra avec lui; mais je ne prétends pas que Pandore soit entièrement sacrifiée.

Nos dames, sensibles à votre souvenir, vous écriront

des lettres plus galantes; mais je vous avertis que je suis aussi sensible qu'elles, tout vieux que je suis. Ma santé est détestable; mais je suis heureux autant qu'un vieux malade peut l'être. Votre façon d'être heureux est d'une espèce toute différente.

Adieu; je vous souhaite tous les genres de félicité dont vous êtes très digne.

XLIV.

A M. DAMILAVILLE.

23 novembre.

Vous n'aviez pas besoin, mon cher ami, de la lettre de M. d'Alembert pour m'exciter. Vous savez bien que, sur un mot de vous, il n'y a rien que je ne hasarde pour vous servir.

Je vous avais déja prévenu en écrivant la lettre la plus forte à madame de Sauvigni. Je prendrai aussi, n'en doutez pas, le parti d'implorer la protection de M. le duc de Choiseul; mais sachez qu'il est à présent très rare qu'un ministre demande des emplois à d'autres ministres. Il n'y a pas long-temps que j'obtins de M. le duc de Choiseul qu'il parlât à monsieur le vice-chancelier en faveur d'un ancien officier à qui nous avons donné la sœur de M. Dupuits en mariage. Cet officier, retiré du service avec la croix de Saint-Louis et une pension, avait été forcé, par des arrangemens de famille, à prendre une charge de maître des comptes à Dôle; il demandait la vétérance avant le temps prescrit: croiriez-vous bien que monsieur le vice-chancelier refusa net M. de Choiseul, et lui envoya un beau mémoire pour motiver ses refus? Vous jugez bien que depuis ce temps-là le ministre n'est pas trop disposé à demander

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