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dans la Bibliothèque du roi, me flattant que M. l'abbé Boudot voudrait bien se donner cette peine. Je vous envoie un double de cette liste; elle consiste en dix articles principaux qui méritent des éclaircissemens *.

Vous jugerez, par ces articles mêmes, que le critique a de profondes et de singulières connaissances de notre histoire, quoiqu'il se trompe en bien des endroits.

Il serait convenable que vous lussiez cet ouvrage ; vous seriez bien plus à portée alors de m'éclairer. Vous verriez combien le style, quoique inégal, peut faire

* 1° Voir dans l'Avis aux bons catholiques, imprimé à Toulouse, et qui est à la Bibliothèque du roi, parmi les recueils de la Ligue, si, dans cet écrit, la validité du mariage de Jeanne d'Albret avec Antoine de Bourbon est contestée ; et s'il est vrai que le pape Grégoire XIII signifia qu'il ne regardait pas ce mariage comme légitime. Cette dernière partie de l'anecdote me paraît entièrement fausse.

2o Voir si, dans le contrat de mariage de Marguerite de Valois et da prince de Béarn, Jeanne d'Albret prit la qualité de majesté fidélissime. 3° Consulter les manuscrits concernant les premiers états de Blois, et voir si les députés furent chargés d'une instruction portant que les cours de parlement sont les états-généraux au petit pied.

4° Savoir si Marguerite de Valois eut en dot les sénéchaussées du Querci et de l'Agénois, avec le pouvoir de nommer aux évéchés et aux abbayes. 5° Savoir s'il est vrai que la sentence rendue par le juge de Saint-Jeand'Angely porte que la princesse de Condé sera appliquée à la question.

6° Savoir si, par l'édit de mars 1552 et l'édit de décembre 1563, la nouvelle religion est véritablement autorisée, et si elle y est appelée religion prétendue réformée.

7° S'il est vrai que Jeanne d'Albret se soit opposée long-temps au mariage du prince de Béarn, son fils, depuis Henri IV, avec Marguerite.

8° S'il est vrai qu'en dernier lieu on ait retrouvé, au greffe du parlement de Rouen, un édit de Henri IV, de janvier 1595, qui chassait tous les jésuites du royaume. Il est sûr que Henri IV assura le pape qu'il ne donnerait point cet édit. De Thou dit que cet édit ne fut point accordé ; ce fait est très important.

9° Savoir s'il est vrai que le roi Charles VI ne fut déclaré majeur qu'à l'âge de vingt-deux ans ; il fut pourtant sacré en 1380, âgé de treize ans et quelques jours, et le sacre fesait cesser la régence.

10° N'est-il pas vrai qu'avant l'édit de Charles V les rois étaient majeurs à vingt et un ans, et non à vingt-deux ? (N. de Voltaire.)

d'illusion. Je sais qu'on a envoyé à Paris six cents exemplaires de la première édition, et que le débit n'en a pas été permis; mais l'ouvrage est répandu dans les provinces et dans les pays étrangers; il est surtout vanté par les protestans; et comme l'auteur semble vouloir défendre la mémoire d'Henri IV, il devient par là cher aux lecteurs qui n'approfondissent rien.

Vous voyez évidemment, par toutes ces raisons, qu'il est absolument nécessaire de le réfuter.

M. Marin a entre les mains une carte sur laquelle l'im primeur m'a écrit que l'ouvrage est de M. le marquis de Bélestat; mais je suis persuadé que ce libraire m'a trompé, et que l'auteur a joint à toutes ses hardiesses celle de mettre ses critiques sous un nom qui s'attire de la considération.

M. le marquis de Bélestat est un jeune homme de mérite qui m'a fait l'honneur de m'écrire quelquefois. Le style de ses lettres est absolument différent de celui de la critique qu'on lui impute; mais on peut avoir un style épistolaire naturel et faible, et un style plus fort et plus recherché pour un ouvrage destiné au public.

Quoi qu'il en soit, je lui ai écrit en dernier lieu pour l'avertir qu'on lui attribue cette pièce; je n'en ai point eu de réponse. Peut-être n'est-il plus à Montpellier, d'où il avait daté les dernières lettres que j'ai reçues de lui.

Vous voilà bien au fait, mon cher et illustre confrère; vous jugerez si j'ai cette affaire à cœur, si votre gloire m'est chère, si un attachement de quarante années peut se démentir. Je vous répéterai ici mon ancienne maxime: en fait d'ouvrages de goût il ne faut jamais répondre; en fait d'histoire il faut répondre toujours, j'entends sur les choses qui en valent la peine, et principalement celles qui intéressent la nation.

Si vous m'envoyez les instructions qui me sont nécessaires, je vous prie de me les adresser par M. Marin, qui me les fera tenir contre-signées.

Il ne me reste qu'à vous embrasser avec la tendresse la plus vive, et à vous souhaiter une vie longue et heureuse que vous méritez si bien. Tant que la mienne durera, vous n'aurez point de serviteur qui vous soit plus inviolablement attaché.

CCIII.

A M. DE LA HARPE.

31 octobre.

Je ne sais pas ce que vous voulez dire, mon cher enfant, avec le prix de l'Académie; il est certain que vous l'avez eu, car tout le public éclairé vous l'a donné, et il n'y a, je crois, pas un seul de mes confrères qui n'ait souscrit à la fin au jugement du public*. Il est démontré en rigueur que vous avez eu le prix; et si vous n'avez pas reçu la médaille, ce n'était assurément qu'une méprise.

Est-ce qu'en voyant la fortune de votre fils aîné, le Comte de Warwick, vous n'avez pas envie de lui donner un petit frère cadet? Je vous assure que cela ferait une très jolie famille.

Nous avons perdu un très bon académicien dans l'abbé d'Olivet. Il était le premier homme de Paris pour la valeur des mots; mais je crois son successeur, l'abbé de Condillac, un des premiers hommes de l'Europe pour la valeur des idées. Il aurait fait le livre de l'Entendement humain, si Locke ne l'avait pas fait, et, Dieu merci,

* Il s'agissait du prix de vers à l'Académie française. M. de Langeac l'avait obtenu; M. de La Harpe n'avait en que l'accessit. M. d'Alembert était d'avis qu'on ne donnat pas de prix. R.

il l'aurait fait plus court. Nous avons fait là une bonne acquisition. Il y a quelque temps que je n'ai vu M. Hénin. Je ne puis vous dire quand il partira. Je ne sais nulle nouvelle, ni du monde, ni de mes voisins : je suis enterré. Il y a huit mois que je n'ai mis le pied hors de chez moi. Quand on est vieux malade, on se retire bien volontiers du monde. C'est un grand bal où il ne faut pas s'aviser de paraître lorsqu'on ne peut plus danser. Pour madame de La Harpe et vous, je vous conseille de danser de toute votre force.

Le vieux malade vous embrasse de tout son cœur.

CCIV.

A M. GAILLARD.

A Ferney, 2 novembre.

Il est vrai, mon cher et illustre ami, que l'Académie de Rouen m'a fait l'honneur de m'écrire qu'elle m'envoyait l'ouvrage couronné, sans me dire qu'il était de vous. Vous me comblez de joie en m'apprenant que vous en êtes l'auteur. Ce ne sera donc pas seulement une pièce couronnée, mais une excellente pièce. Le sieur Panckoucke, qui a fait si long-temps la litière de Fréron, et qui fait actuellement la mienne, était chargé de m'envoyer votre discours; mais il est devenu un homme si important depuis qu'il débite les malsemaines de ce Fréron, qu'il ne s'est mis nullement en peine de me faire parvenir l'ouvrage après lequel je soupire.

Je suis réduit à vous faire des complimens à vide; j'ai remercié l'Académie normande sans savoir de quoi, et je brûle d'envie de vous remercier en connaissance de

cause.

Je vois bien que nous n'aurons pas la partie ecclésias

tique de ce brave chevalier et de ce pauvre roi François Ier; cette partie est la honteuse. Charles-Quint, son supérieur en tout, ne fesait pas brûler les luthériens à petit feu; il leur accordait la liberté de conscience, après les avoir battus en rase campagne. C'est dommage que, de ces deux héros, l'un soit mort fou et l'autre soit mort de la vérole.

Permettez à l'estime et à l'amitié de vous embrasser sans cérémonie.

CCV.

A M. DE CHABANON.

2 novembre.

Je ne sais où vous prendre, mon cher et aimable ami; mais ce sera sans doute au milieu des plaisirs. Vous êtes tantôt à la campagne, tantôt à Fontainebleau; et moi, du fond de ma solitude, n'étant pas sorti deux fois de chez moi depuis votre départ, ayant seulement ouï dire à mes domestiques que l'on fait la guerre en Corse, et que le roi de Danemarck est en France, je vous adresse mon De profundis à votre maison de Paris, à tout hasard.

Je ne sais si, depuis votre dernière lettre, vous avez fait une tragédie ou une jouissance. Je ne sais ce qu'est devenu l'Orphée* de Pandore depuis le gain de son procès contre son détestable prêtre; j'ignore tout; je sais seulement que je vous suis attaché comme si j'étais vivant. N'oubliez pas tout à-fait ce pauvre antipode. Quand vous aurez fait des vers, envoyez-les-moi, je vous prie, car j'aime toujours les beaux vers à la folie, quoique je sois actuellement plongé dans la physique. La nature est

• M. de Laborde. (K-) V. le Supplément aux causes célèbres (Politique et Législation).

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