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aura pas de soin que je ne prenne pour ne pas rendre vos bontés inutiles.

Il est certain qu'on a trop négligé jusqu'ici les forêts en France aussi bien que les haras. Je ne suis pas de ceux qui se plaignent à tort et à travers de la dépopulation; je crois au contraire la France très peuplée, mais je crains bien que ses habitans n'aient bientôt plus de quoi se chauffer. Personne n'est plus persuadé et plus touché que moi du service que vous rendez à l'état, en établissant des pépinières. Je voulus, il y a trois ans, avoir des ormes à Lyon, de la pépinière royale; il n'y en avait plus. Je plante des noyers, des châtaigniers, sur lesquels je ne verrai jamais ni noix ni châtaignes; mais la folie des gens de mon espèce est de travailler pour la postérité. Vous êtes heureux, monsieur, de voir déja le fruit de vos travaux; c'est un bonheur auquel je ne puis aspirer; mais je n'en suis pas moins sensible à la grace que vous me faites.

J'ai l'honneur d'être avec de la reconnaissance, monsieur, votre, etc.

XX.

A M. LE MARQUIS DE VILLETTE,

QUI AVAIT DÉDIÉ A L'AUTEUR UN ÉLOGE DE CHARLES V,

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Votre amitié, monsieur, pour M. de La Harpe vous a empêché de composer pour l'Académie; mais vous avez travaillé pour le public, pour votre gloire et pour

votre plaisir. Je vous ai deux grandes obligations, celle de m'avoir témoigné publiquement l'amitié dont vous m'honorez, et celle de m'avoir fait passer une heure délicieuse en vous lisant. Puissiez-vous être aussi heureux que vous êtes éloquent! Puissiez-vous mépriser et fuir ce même public pour lequel vous avez écrit !

M. de La Harpe reviendra bientôt vous voir; il a éte un an chez moi : s'il avait autant de fortune que de talens et d'esprit, il serait plus riche que feu Montmartel. Il lui sera plus aisé d'avoir des prix de l'Académie que des pensions du roi. Lui et sa femme jouent la comédie parfaitement; M. de Chabanon aussi. Notre petit théâtre a mieux valu que celui du faubourg Saint-Germain. Vous nous avez bien manqué. Vous devez être un excellent acteur, car vous jouez tous vos contes à faire mourir de rire.

Conservez vos bontés pour un vieillard dont elles feront la consolation, et qui vous sera véritablement attaché jusqu'au dernier moment de sa vie.

XXI.

A M. D'ÉTALLONDE DE MORIVAL.

6 octobre.

Celui à qui vous avez écrit, monsieur, du 23 de septembre, prendra toujours un intérêt très vif à tout ce qui vous regarde. Le roi que vous servez l'honore quelquefois de ses lettres. Il prendra toujours la liberté de vous recommander à ses bontés, et il fera agir ses amis en votre faveur. Il vous supplie de penser qu'il n'y a d'opprobre que pour les Busiris en robe noire, et pour ceux qui assassinent juridiquement l'innocence. Tous les hommes qui pensent sont indignés contre ces monstres

et contre la détestable superstition qui les anime. La moitié de votre nation est composée de petits singes qui dansent, et l'autre de tigres qui déchirent. Il y a des philosophes; le nombre en est petit : mais à la longue leur voix se fait entendre. Il viendra un temps où votre procès sera revu par la raison, et où vos infames juges seront condamnés avec horreur à son tribunal.

Consolez-vous; attendez le temps de la lumière; elle viendra on rougira à la fin de sa sottise et de sa barbarie. Si vous avez quelque ami à peu près dans le même cas que vous, ayez la bonté, monsieur, d'en donner avis par la même adresse.

XXII.

A M. DAMILAVILLE.

9 octobre.

Mon cher ami, je n'ai point encore de nouvelles de Marmontel. Je m'imagine qu'il est occupé de son triomphe; mais le pauvre Bret, son approbateur, reste toujours interdit. On commença donc par en croire les Riballier et les Cogé, et on finit par bafouer la Sorbonne et les pédans du collége Mazarin, sans pourtant rendre justice à . M. Marmontel ni à l'approbateur. Ainsi les gens de lettres sont toujours écrasés, soit qu'ils aient tort, soit qu'ils aient raison.

Voici la réponse que j'ai jugé à propos de faire à ce Cogé qui m'impute le Dictionnaire philosophique*; il m'est important de détromper certaines personnes. Vous ne savez pas ce qui se passe dans les bureaux des ministres, et même dans le cabinet du roi, et je sais ce qui s'y est passé à mon égard.

* Voyez ci-devant la lettre da 27 juillet, à l'abbé Cogé.

Tandis que vous imprimez l'Éloge d'Henri IV, sous le nom de Charlot, on l'a rejoué à Ferney mieux qu'on ne le jouera jamais à la Comédie. Madame Denis m'a donné, en présence du régiment de Conti et de toute la province, la plus agréable fête que j'aie jamais vue. Les princes peuvent en donner de plus magnifiques, mais il n'y a point de souverain qui en puisse donner de plus ingénieuse.

Je vous supplie, mon cher ami, de donner à Thieriot les rogatons de vers qui sont dans le paquet; cela peut servir à sa correspondance.

Va-t-on entamer l'affaire des Sirven à Fontainebleau ? puis-je en être sûr? car je ne voudrais pas fatiguer M. Chardon d'une lettre inutile.

Ma santé va toujours en empirant, et je suis bien inquiet de la vôtre.

Adieu, mon cher ami; nous savons tous deux combien la vie est peu de chose, et combien les hommes. sont méchans.

XXIII.

A MADAME LA MARQUISE DE FLORIAN.

A Ferney, le 12 octobre.

passer dans son

Il n'y a pas moyen, ma chère nièce, que je vous blâme de penser comme moi. Je vous sais très bon gré de votre hiver à la campagne : on n'est bien que château. Consultez le roi; c'est ainsi qu'il en use. Il ne passe jamais ses hivers à Paris. Le fracas des villes n'est fait

que pour ceux qui ne peuvent s'occuper. Ma santé a été si mauvaise que je n'ai pu aller à Montbelliard, quoique ce voyage fût indispensable. Il y a un mois que je ne sors presque pas de mon lit. Je ne me suis habillé que pour aller voir une petite fête que votre sœur m'a

donnée. Vous jugerez si la fête a été agréable, par les petites bagatelles ci-jointes. On vous enverra bientôt de Paris la petite comédie qu'on a jouée. M. de La Harpe et M. de Chabanon n'ont pas encore fini leurs pièces, et quand elles seraient achevées, je ne vois pas quel usage ils en pourraient faire dans le délabrement horrible où le théâtre est tombé.

Ferney est toujours le quartier-général. Nous avons le colonel du régiment de Conti dans la maison, et trois compagnies dans le village. Les soldats nous font des chemins, les grenadiers me plantent des arbres. Madame Denis, qui a été accoutumée à tout ce fracas à Landau et à Lille, s'en accommode à merveille. Je suis trop malade pour faire les honneurs du château. Je ne mange jamais au grand couvert. Je serais mort en quatre jours s'il me fallait vivre en homme du monde : je suis tranquille au milieu du tintamarre, et solitaire dans la cohue.

S'il me tombe quelque chose de nouveau entre les mains, je ne manquerai pas de vous l'envoyer à l'adresse que vous m'avez donnée. Je m'imagine que M. de Florian ne perd pas son temps cette automne; il aligne sans doute des allées; il fait des pièces d'eau et des avenues. Les pauvres Parisiens ne savent pas quel est le plaisir de cultiver son jardin : il n'y a que Candide et nous qui ayons

raison.

Je vous embrasse tous de tout mon cœur.

XXIV.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

Ferney, 14 octobre.

Mon cher ange, j'apprends qu'on vous a saigné trois fois; voilà ce que c'est que d'être gras et dodu. Si on

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