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Fontainebleau. La chasse suffit; mais comme vous aimez mieux la comédie que la chasse, je vous supplie de me mander des nouvelles du tripot.

Pour l'autre tripot, qui a condamné l'Ingénu à ne plus paraître, je ne vous en parle point; mais quand je dis qu'il y a des Welches dans le monde, vous m'avouerez que j'ai raison.

Mille tendres respects à la convalescente.

XII.

A M. DAMILAVILLE.

28 septembre.

Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 21. Je vous assure que vous m'aviez donné bien des inquiétudes. Prenez bien des fondans, et vivez pour l'intérêt de la raison et de la vérité.

Vous ne me disiez pas que monsieur et madame de Beaumont avaient gagné pleinement leur cause. Il est juste, après tout, que le défenseur des Calas et des Sirven prospère. Je me flatte que le procès des Sirven sera rapporté.

J'ai lu les pièces relatives. Les Riballier et les Cogé devraient mourir de honte, s'ils n'avaient pas toute honte bue.

Je ne sais qui m'a envoyé le Tableau philosophique du genre humain, depuis le commencement du monde jusqu'à Constantin. Je crois en deviner l'auteur; mais je me donnerai bien de garde de le nommer jamais. Je suis fàché de voir qu'un homme si respectueux envers la Divinité, et qui étale partout des sentimens si vertueux et si honnêtes, attaque si cruellement les mystères sacrés de la religion chrétienne. Mais il est à craindre que les

Riballier et les Cogé ne lui fassent plus de tort par leur conduite infame et par toutes leurs calomnies, qu'elle ne peut recevoir d'atteintes des Bolingbroke, des Woolston, des Spinosa, des Boulainvilliers, des Maillet, des Meslier, des Fréret, des Boulanger, des La Méttrie, etc. etc. etc.

Je présume que vous avez reçu actuellement le brimborion que je vous ai envoyé pour l'enchanteur Merlin. Je lui donne cette pièce que j'ai brochée en cinq jours*, à condition qu'il n'aura nul privilége. Je n'ai pas osé faire paraître Henri IV dans la pièce; elle n'en a pas moins fait plaisir à tous nos officiers et à tout notre petit pays, à qui la mémoire de Henri IV est si chère. Songez à votre santé; la mienne est déplorable.

XIII.

A M. COLLINI.

A Ferney, 28 septembre.

Mon cher ami, votre Dissertation sur le cartel offert par l'électeur palatin au vicomte de Turenne m'arrivera fort à propos. On a déja entamé une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Je profiterai de votre pyrrhonisme, pour peu que je le trouve fondé; car vous savez que je l'aime et que je me défie des anecdotes répétées par mille historiens. Il est vrai que vous êtes obligé d'avoir prodigieusement raison; car vous avez contre vous l'Histoire de Turenne par Ramsay, le président Hénault, et tous les mémoires du temps.

Ayez la bonté de m'envoyer sur-le-champ votre ouvrage. Voici comment on peut s'y prendre. Vous n'auriez qu'à l'envoyer à Lyon, tout ouvert, à M. Tabareau, * Charlot, ou la Comtesse de Givri.

directeur des postes, avec un petit mot de lettre. Vous auriez la bonté de lui écrire que, sachant qu'il lit beaucoup et qu'il se forme une bibliothèque, vous lui envoyez votre ouvrage comme à un bon juge et à mon ami; que vous le priez de me le prêter après l'avoir lu, en attendant que je puisse en avoir un exemplaire à ma disposition.

Voilà, mon cher ami, les expédiens auxquels les impôts horribles mis sur les lettres me forcent d'avoir recours. Si, pour plus de sûreté, pendant que vous enverrez ce paquet par la poste à M. Tabareau, à Lyon, vous voulez m'en envoyer un autre par les chariots qui vont à Schaffhausen et dans le reste de la Suisse, il n'y a qu'à adresser ce paquet à mon nom à Genève, je vous serai très obligé. Comptez que j'ai la plus grande impatience de lire votre dissertation.

Mettez-moi aux pieds de LL. AA. EE. Si je pouvais me tenir sur les miens, je serais allé à Schwetzingen, tout vieux et tout malade que je suis; mais il y a trois ans que je ne suis sorti de chez moi.

Madame Denis ne cesse de donner des fêtes, et moi je reste dans mon lit : je dicte, ne pouvant écrire; mais ce que je dicte de plus vrai, c'est que je vous aime de

tout mon cœur.

XIV.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

30 septembre.

Je ne comprends pas, mon cher ange, ni votre lettre ni vous. J'ai suivi de point en point la distribution que Lekain m'avait indiquée; comme, par exemple, de donner Alzire à mademoiselle Durancv, et Zaïre à mademoiselle Dubois, etc.

Comme je ne connais les talens ni de l'une ni de l'autre, je m'en suis tenu uniquement à la décision de Lekain, que j'ai confirmée deux fois.

Mademoiselle Dubois m'a écrit en dernier lieu une lettre lamentable à laquelle j'ai répondu par une lettre polie. Je lui ai marqué que j'avais partagé les rôles de mes médiocres ouvrages entre elle et mademoiselle Durancy; que si elles n'étaient pas contentes, il ne tiendrait qu'à elles de s'arranger ensemble comme elles voudraient. Voilà le précis de ma lettre ; vous ne l'avez pas vue, sans doute: si vous l'aviez vue, vous ne me feriez pas les reproches que vous me faites.

M. de Richelieu m'en fait, de son côté, de beaucoup plus vifs, s'il est possible. Il est de fort mauvaise humeur. Voilà, entre nous, la seule récompense d'avoir soutenu le théâtre pendant près de cinquante années, et d'avoir fait des largesses de mes ouvrages.

Je ne me plains pas qu'on m'ôte une pension que j'avais, dans le temps qu'on en donne une à Arlequin. Je ne me plains pas du peu d'égard que M. de Richelieu me témoigne sur des choses plus essentielles. Je ne me plains pas d'avoir sur les bras un régiment, sans qu'on me sache le moindre gré de ce que j'ai fait pour lui. Je ne me plains que de vous, mon cher ange, parce que plus on aime, plus on est blessé.

Il est plaisant que, presque dans le même temps, je reçoive des plaintes de M. de Richelieu et de vous. Il y a sûrement une étoile sur ceux qui cultivent les lettres, et cette étoile n'est pas bénigne. Les tracasseries viennent me chercher dans mes déserts: que serait-ce si j'étais à Paris? Heureusement notre théâtre de Ferney n'éprouve point de ces orages. Plus les talens de nos acteurs sont admirables, plus l'union règne parmi eux; la discorde

et l'envie sont faites pour la médiocrité. Je dois me renfermer dans les plaisirs purs et tranquilles que mes maladies cruelles me laissent encore goûter quelquefois. Je me flatte que celui qui a le plus contribué à ces consolations ne les mêlera pas d'amertume, et qu'une tracasserie entre deux comédiennes ne troublera pas le repos d'un homme de votre considération et de votre âge, et n'empoisonnera pas les derniers jours qui me restent à

vivre.

Vous ne m'avez point parlé de madame de Groslée; vous croyez qu'il n'y a que les spectacles qui me touchent. Vous ne savez pas qu'ils sont mon plus léger souci, qu'ils ne servent qu'à remplir le vide de mes momens inutiles, et que je préfère infiniment votre amitié à la vaine et ridicule gloire des belles lettres, qui périssent dans ce malheureux siècle.

XV.

2

A M. LE COMTE DE SCHOUVALOF.

A Ferney, 30 septembre.

J'ai été long-temps malade, monsieur; c'est à ce triste métier que je consume les dernières années de ma vie. Une de mes plus grandes souffrances a été de ne pouvoir répondre à la lettre charmante dont vous m'honorâtes il y a quelques semaines. Vous faites toujours mon étonnement, vous êtes un des prodiges du règne de Catherine II. Les vers français que vous m'envoyez sont du meilleur ton et d'une correction singulière; il n'y a pas la plus petite faute de langage: on ne peut vous reprocher que le sujet que vous traitez. Je m'intéresse à la gloire de son beau règne comme je m'intéressais autrefois au siècle de Louis XIV. Voilà les beaux jours de la Russie arrivés; toute l'Europe a les yeux sur ce grand

CORRESPONDANCE. T. IX.

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