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Où diable avez-vous trouvé le livre de Gaulmin? Savezvous bien que rien n'est plus rare, et que j'ai été obligé de le faire venir de Hambourg? Je ne suis pas mal fourni de ces drogues-là.

Il est bien triste qu'on joue encore sur les tréteaux de la Sorbonne, tandis que la Comédie est déserte. Voilà ce qu'a fait la retraite de mademoiselle Clairon. Elle a laissé le champ libre à Riballier et au singe de Nicolet.

J'ai lu hier le Venceslas que vous avez rajeuni. Il me semble que vous avez rendu un très grand service au théâtre. Madame Denis est bien sensible à votre souvenir, et moi très affligé d'être abandonné tout net par M. d'Alembert; mais s'il se porte bien et s'il m'aime toujours un peu, je me console.

Madame Geoffrin doit être fort contente des succès du roi son ami : c'est une grande joie dans tout le Nord. Le nonce s'est enfui la queue entre les jambes, pour l'aller fourrer entre les fesses. Il santissimo padre ne sait plus où il en est. Il pourra bien, à la première sottise qu'il fera, perdre la suzeraineté du royaume de Naples. Le monde se déniaise furieusement; les beaux jours de la friponnerie et du fanatisme sont passés.

Illustre profès, écrasez le monstre tout doucement.

LXXXI.

A M. BEAUZÉE.

14 janvier.

Si je demeurais, monsieur, au fond de la Sibérie, je n'aurais pas reçu plus tard le livre que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Le commerce a été interrompu jusqu'au commencement de novembre, et depuis ce temps nous avons été ensevelis dans les neiges. Enfin,

monsieur, j'ai eu votre paquet et la lettre dont vous m'honorez. Je vois avec beaucoup de plaisir les vues philosophiques qui règnent dans votre Grammaire. Il est certain qu'il y a dans toutes les langues du monde une logique secrète qui conduit les idées des hommes sans qu'ils s'en aperçoivent, comme il y a une géométrie cachée dans tous les arts de la main, sans que le plus grand nombre des artistes s'en doute. Un instinct heureux fait apercevoir aux femmes d'esprit si on parle bien ou mal: c'est aux philosophes à développer cet instinct. Il me paraît que vous y réussissez mieux que personne. L'usage, malheureusement, l'emporte toujours sur la raison. C'est ce malheureux usage qui a un peu appauvri la langue française, et qui lui a donné plus de clarté que d'énergie et d'abondance: c'est une indigente orgueilleuse qui craint qu'on ne lui fasse l'aumône. Vous êtes parfaitement instruit de sa marche, et vous sentez qu'elle manque quelquefois d'habits. Les philosophes n'ont point fait les langues, et voilà pourquoi elles sont toutes imparfaites.

J'ai déja lu une grande partie de votre livre. Je vous fais, monsieur, mes sincères remerciemens de la satisfaction que j'ai eue et de celle que j'aurai. J'ai l'honneur d'être, etc.

LXXXII.

A M. CHARDON.

A Ferney, 15 janvier.

Monsieur, souffrez qu'en vous renouvelant mes hommages et mes remerciemens au commencement de cette année, je vous félicite sur la victoire que vous venez de remporter. Le roi en a usé avec vous comme

il le fallait. Il vous rend justice comme vous l'avez rendue. On m'apprend que cette petite tracasserie des chambres assemblées n'a pas ralenti vos bontés pour les Sirven. Tout a conspiré contre cette famille malheureuse, jusqu'à son avocat au conseil, qui est mort lorsque vous alliez rapporter cette affaire. Mais plus elle est persécutée par la nature, par la fortune et par l'injustice, plus vous daignerez employer votre ministère et votre éloquence à la tirer d'oppression.

Je me flatte que Vous avez enfin reçu cette apologie

de l'arrêt de Toulouse contre les Calas. Elle ressemble à l'Apologie de la Saint-Barthélemi par l'abbé de Caveyrac, et au Panégyrique de la vérole par M. Robbé.

La famille Sirven trouvera aisément un autre avocat au conseil que M. Cassen; mais elle ne trouvera jamais un rapporteur et un juge plus capable de mettre au grand jour son innocence, et de consoler une calamité si longue et si déplorable.

J'ai l'honneur d'être, avec le plus grand respect et le plus sincère dévouement, monsieur, votre, etc.

LXXXIII.

A M. LERICHE.

Le 16 janvier.

Je vous suis très obligé, monsieur, de votre belle Consultation sur la retenue du vingtième; aucun avocat n'aurait mieux expliqué l'affaire.

Je me flatte que vous aurez fait parvenir à l'ami Nonnotte la lettre d'un avocat qui ne vous vaut pas. On accommodera plus tôt cent affaires avec des princes qu'une seule avec des fanatiques. La ville de Besançon est pleine de ces monstres.

Je ne sais si vous avez apprivoisé ceux d'Orgelet. Je ne connaissais point un livre imprimé à Besançon, intitulé Histoire du Christianisme, tiré des auteurs païens, par un Bullet, professeur en théologie. Je viens de l'acheter. Si quelque impie avait voulu rendre le christianisme ridicule et odieux, il ne s'y serait pas pris autrement. Il ramasse tous les traits de mépris et d'horreur que les Romains et les Grecs ont lancés contre les premiers chrétiens, pour prouver, dit-il, que ces chrétiens étaient fort connus des païens.

Puisse le pauvre Fantet ne pas trouver en Flandre des gens plus superstitieux que les Comtois !

Je vous embrasse, etc.

LXXXIV.

A M. ÉLIE DE BEAUMONT,

AVOCAT.

Ferney, le 16 janvier.

Ainsi donc, mon cher défenseur de l'innocence, in propria venit, et sui eum non receperunt. Je vous croyais en pleine possession de Canon, et je vois, en jouant sur le mot, qu'il vous faudra du canon pour entrer chez vous. Il faudra cependant bien qu'à la fin madame de Beaumont jouisse de la maison de ses pères. Il faut qu'elle soit habitée par l'éloquence et par l'esprit, après l'avoir été par la finance, afin qu'elle soit purifiée.

Notre ami M. Damilaville est actuellement plus embarassé que vous. On lui conteste une place qui lui a été promise, et qu'il a méritée par vingt ans de travail assidu.

Je suis très fâché de la mort de M. Cassen. Il sera

aisé de trouver un avocat au conseil qui le remplace. M. Chardon n'attend que le moment de rapporter; il est tout prêt. Je pense même que le petit orage que le parlement de Paris lui a fait essuyer ne ralentira pas son zèle contre le parlement de Toulouse.

J'attends avec grande impatience le Mémoire que vous avez bien voulu faire pour les accusés de SainteFoi; ils sont encore aux fers, et vous les briserez. Il est inconcevable que la jurisprudence soit si barbare dans une nation si légère et si gaie. C'est, je crois, parce que nos agrémens sont très modernes, et notre barbarie très ancienne.

Je ne savais pas que l'Honnête Criminel existât en effet, et qu'il s'appelât Favre. Si la chose est comme le dit l'auteur de la pièce, le père est un grand misérable; et l'ouvrage serait plus attendrissant si le père venait se présenter au bout d'un mois, au lieu d'attendre quelques années. Quoi qu'il en soit, il y a trop de fanatiques aux galères, conduits par d'autres fanatiques. La raison et la tolérance vous ont choisi pour leur avocat; elles avaient besoin d'un homme tel que

vous.

Je présente mes respects à madame de Beaumont, et je partage entre vous deux mon attachement inviolable et ma sincère estime.

LXXXV.

A M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.

A Ferney, 18 janvier.

Ce n'est aujourd'hui ni au vainqueur de Mahon, ni au libérateur de Gênes, ni au vice-roi de la Guienne,

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