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commerciales, il ne serait pas difficile, ainsi qu'on doit le présumer, de découvrir encore dans ces articles plus d'une restriction. Ainsi l'exportation de l'or et de l'argent non travaillés est défendue, aussi bien que celle de la monnaie japonaise. Il est interdit de fournir des munitions de guerre à d'autres qu'au gouvernement japonais, qui se réserve aussi de pouvoir défendre temporairement la sortie des denrées alimentaires, et qui garde la faculté exclusive d'exporter le cuivre en barres. L'importation de l'opium est absolument interdite. En pareille matière, lorsque des relations commencent, il ne faut point évidemment être trop difficile. A côté de ces stipulations, il y a d'ailleurs des déclarations spéciales concernant divers objets, et qui, sans avoir la force d'un engagement diplomatique, ne laissent pas d'avoir une certaine importance. Les femmes et les enfans néerlandais seront admis dans les ports ouverts au commerce. Le gouvernement japonais est prêt à conclure de semblables traités avec toutes les nations civilisées. L'usage de fouler aux pieds l'image du Christ est aboli. L'obligation de jeter l'ancre à un endroit déterminé avant de s'approcher des ports cesse d'exister. On ne sera plus obligé de faire des présens à l'empereur et aux grands dignitaires de l'empire. Il est vrai que cet usage, désormais tout facultatif, pourra bien n'être pas aussi aisément abrogé dans la pratique. Enfin l'ouverture du port de Simoda au commerce est l'objet des délibérations du gouvernement japonais. Au demeurant, à travers les restrictions qui subsistent encore, c'est un progrès accompli, et le temps ne fera sans doute qu'ajouter à ce progrès, en amenant peu à peu un changement plus complet de système. Une chose à remarquer, c'est que, depuis l'inauguration de cette politique nouvelle du Japon, il y a, dit-on, dans ce pays une sorte de mouvement. Les habitans s'intéressent aux constructions navales, aux arts mécaniques. Ainsi s'ouvre pacifiquement un empire jusqu'ici fermé à la civilisation, tandis que les soldats de l'Angleterre et de la France sont occupés en ce moment même à forcer par les armes l'entrée de la Chine.

CH. DE MAZADE.

THEATRE-ITALIEN.

Marta, opéra en quatre actes de M. de Flotow.

Il faut répandre promptement les bonnes nouvelles : le Théâtre-Italien vient d'obtenir un agréable succès avec Marta, opéra en quatre actes de M. de Flotow. Cet ouvrage, connu en Allemagne depuis dix ans, n'est pas assurément un chef-d'œuvre, et, par ses formes un peu grêles, il aurait mieux convenu au Théâtre-Lyrique; mais les temps sont durs, et il faut bien se contenter de pain bis, quand on n'a rien de mieux. La musique italienne, pour ne pas dire l'art musical tout entier, traverse une crise qui pourrait bien être la dernière période d'un cycle d'or. Il n'y a plus moyen de se faire illusion sur la profonde misère où nous sommes quand on entend la Gazza Ladra exécutée comme elle l'a été tout récemment au Théâtre-Italien de Paris. Jusqu'à Mme Alboni, qui se permet de laisser de côté des phrases entières du rôle de Ninetta, dont elle ne peut rendre la grâce printanière. Et ce point d'orgue malheureux qu'ils ont ajouté à la conclusion de l'an

dante du trio entre Ninetta, Fernando, et il podesta! Qui donc leur a permis de gâter un chef-d'œuvre par des oripeaux de baladins? Le public n'est pas mieux éclairé que les artistes médiocres dont il encourage le mauvais goût, et tout va où s'en vont les choses qui finissent.

Le sujet de Marta est tiré d'une coutume de l'histoire d'Angleterre. M. de Flotow, qui a fait son éducation musicale à Paris, l'avait déjà traité sous la forme d'un ballet, Lady Henriette, qui fut donné à l'Opéra il y a une douzaine d'années. La musique de ce joli scenario était mi-partie de MM. Reber et de Flotow. Le libretto allemand présente de l'intérêt, ét il a tout au moins le mérite de n'être pas calqué sur les fastidieux mélodrames qu'on nous fabrique à Paris depuis si longtemps. On y trouve même des scènes piquantes, comme celle du second acte, où les deux servantes, prises au piége, refusent d'obéir aux ordres de leurs nouveaux maîtres. Cette scène des rouets donne lieu à un quatuor fort gai qu'on a fait recommencer. Le premier acte de Marta est faible, y compris l'ouverture, qui n'a pas de caractère. Le second est bien meilleur, et renferme, outre le joli quatuor que je viens de citer, la délicieuse romance de la Rose, qui n'est pas de M. de Flotow, mais du poète irlandais Moore. La mélodie en est triste et touchante, et semble empruntée à une chanson populaire. Deux autres quatuors ingénieusement écrits, des couplets à boire, au troisième acte, que M. Graziani a dits de sa voix mordante, et un duo três piquant pour baryton et mezzosoprano entre M. Graziani et Mme Nantier-Didiée, qui remplit le rôle de Nancy avec une grâce parfaite, tels sont les morceaux qui nous ont le plus frappé dans l'œuvre de M. de Flotow. Cela s'écoute avec plaisir et repose l'oreille des lieux communs de la musique parisienne. Une légère teinte de rêverie allemande qui traverse l'inspiration de M. de Flotow n'y gâte rien. Je préfère l'agréable composition de M. de Flotow, qui ne vise point à réformer le monde, aux vingt opéras plus ou moins comiques qu'on nous donne depuis des années. L'exécution est d'ailleurs assez bonne. MM. Mario, Graziani et Mme Nantier-Didiée y sont bons à entendre et à voir. Il n'y a que M. Bonetti qui se donne des tourmens inutiles. Y aurait-il donc péril en la demeure si M. le chef d'orchestre du Théâtre-Italien voulait modérer son zèle ? Nous reviendrons sur l'œuvre de M. de Flotow; nous avons voulu seulement constater aujourd'hui le bon accueil que lui a fait le public parisien. P. SCUDO.

LES CORRECTEURS DU TEXTE DE SHAKSPEARE.

Shakspeare's Scholar: being historical and critical studies of his text, characters, and commentators, with an examination of Mr Colliers folio of 1632, by Richard Grant White; 4 vol. New-York.

On se rappelle l'émotion produite en Angleterre, en Allemagne et jusqu'en Amérique, dans le monde des admirateurs et des dévots de Shakspeare, lorsqu'au mois de janvier 1852 un érudit anglais, M. Collier, annonça la découverte d'un manuscrit annoté par un contemporain de l'auteur de Macbeth, et apportant au texte du grand poète des rectifications essentielles. Le nom et les travaux de l'écrivain à qui était due cette découverte disaient assez combien la question était sérieuse; M. J. Payne Collier est un de ces érudits

qui vouent leur vie entière à l'étude d'un seul homme, et le héros qu'il a chóisi est Shakspeare. On a de lui une Histoire de la Poésie dramatique des Anglais au temps de Shakspeare, une édition religieusement surveillée des œuvres de Shakspeare, un très curieux ouvrage intitulé Bibliothèque de Shakspeare, où les romans, les nouvelles, les poèmes, les légendes, qui ont servi de texte à cette puissante imagination, sont recueillis avec un zèle infatigable et expliqués avec une érudition très sûre. Les publications de la Société de Shakspeare, dont M. Collier est membre, contiennent un grand nombre de ses opuscules, toujours consacrés aux mêmes recherches. Shakspeare und keine Ende! Toujours Shakspeare, Shakspeare sans fin! disait Goethe, fatigué des imitateurs du poète anglais. Ces mots, que l'auteur de Faust écrivait dans un moment d'humeur et d'ironie, sont la devise très sérieuse de M. Collier. Assurément un tel homme, un de ces Shakspeare's scholars dont la dévotion poétique est si entière, ne devait pas être facilement dupe d'une illusion. Avant de toucher au texte de Shakspeare, il devait être bien sûr de l'autorité qu'il invoquait, et l'on comprend sans peine que l'annonce de M. Collier ait été un véritable événement littéraire.

Ce n'était pas d'ailleurs M. Collier qui soulevait pour la première fois la question du texte de Shakspeare. Il y a longtemps que des critiques de diverses écoles, signalant des obscurités, des non-sens, des contradictions dans les vers et la prose du grand poète, y voyaient de grossières erreurs des copistes, et s'efforçaient de les rectifier. Shakspeare, dans l'abondance de ses inspirations, dans l'entraînement de sa vie et de ses succès de comédien, s'était montré bien indifférent aux destinées de sa parole écrite. La moitié de ses comédies et de ses drames avaient été imprimés de son vivant sans qu'il en eût surveillé ou même autorisé la publication. La première édition de ses œuvres complètes (à l'exception d'une seule pièce, Périclès, prince de Tyr, qui ne s'y trouve pas) fut donnée sept ans après sa mort (1623), en un gros volume in-folio. Les éditeurs étaient des amis du poète, ses camarades de théâtre, et leur publication portait ce titre : Comédies, histoires et tragédies de M. William Skakspeare, publiées d'après les copies originales et authentiques. Malheureusement cette édition, si précieuse par son origine, est un des ouvrages les plus défectueux qui soient sortis de la presse; les fautes typographiques y abondent. Quand ce ne sont que des fautes d'orthographe, le lecteur peut les rectifier sans peine; mais que dire des fautes de ponctuation, des transpositions de lignes, des vers imprimés en prose, de la prose disposée en forme de vers, des désignations erronées de personnages, des paroles enlevées à celui-ci et données à celui-là, enfin de maintes inexactitudes qui défigurent l'œuvre du maître? Pour ne parler que des errores minores, comme dit M. Collier, c'est-à-dire des fautes que le lecteur peut corriger à première vue, le savant critique n'en compte pas moins de vingt mille. Une seconde édition, également in-folio, parut neuf ans après (1632); il y en eut deux autres, en 1664 et en 1685. De ces quatre éditions in-folio, la première et la seconde offrent seules de l'intérêt, la première parce que, malgré ses fautes, elle donne le texte unique dont la critique puisse faire usage; la seconde parce qu'elle contient plusieurs corrections utiles du texte de la première, corrections très insuffisantes, il est vrai, et mêlées elles-mêmes à des erreurs nouvelles.

On comprend que tous les éditeurs de Shakspeare, depuis le commencement du XVIIIe siècle, aient été dans l'obligation de réviser le texte du poète, c'est-à-dire de faire disparaître autant que possible les fautes typographiques des éditions in-folio. On ferait une bibliothèque de tous les livres composés à ce sujet. L'immense travail accompli depuis la fin du moyen âge sur le sens de la Divine Comédie peut seul donner une idée des efforts déployés depuis cent cinquante ans par les éditeurs et les philologues anglais pour fixer enfin le texte des drames de Shakspeare. Nicolas Rowe, Théobald, Thomas Hanmer, l'évêque Warburton, Samuel Johnson, Edward Capell, George Steevens, Edmond Malone, bien d'autres encore que je pourrais citer, ont entrepris cette tâche au XVIIe siècle, les uns avec finesse et sagacité, les autres avec une audace et une inexpérience qui font sourire à bon droit la critique de nos jours. Depuis le renouvellement de l'histoire littéraire, surtout depuis les travaux que Coleridge en Angleterre, Goethe, Guillaume Schlegel et Louis Tieck en Allemagne, ont consacrés à Shakspeare, commentateurs, éditeurs, philologues se sont remis à l'œuvre avec une ardeur croissante. A ceux qui ont suivi le mouvement des lettres anglaises dans ces dernières années, il suffit sans doute de rappeler les travaux de M. Charles Knight et de M. Alexandre Dyce. Je n'ai pas à juger ici tant de curieuses études, j'ai voulu montrer seulement que c'était là une question très vive en Angleterre, une de ces questions perpétuellement à l'ordre du jour, quand M. J. Payne Collier découvrit le précieux manuscrit qui devait résoudre, disait-il, la plupart des problèmes soulevés par la critique.

Qu'était donc ce manuscrit? Une copie de la seconde édition in-folio dont nous parlions tout à l'heure, copie remplie en marge de notes et de corrections à la main, qui semblaient à peu près de la même date que le manuscrit même. Ces corrections, à en croire M. Collier, étaient d'une valeur inappréciable. Celui qui les avait tracées, ajoutait le savant éditeur, avait eu entre les mains des indications que ne possédaient pas les éditeurs de 1632. C'était probablement un comédien, un camarade de Shakspeare, mieux informé ou plus soigneux que ses confrères, ou bien, s'il n'avait pas fait ces corrections d'après sa propre expérience du théâtre, il les avait empruntées à quelques documens authentiques et disparus aujourd'hui. Ces corrections, M. Collier les publia d'abord séparément (1), puis il donna une nouvelle édition de Shakspeare rectifiée d'après ces notes, et les rectifications qu'il n'avait pas hésité à faire sur la foi de son manuscrit s'élevaient à plus de mille.

L'attente publique avait été vivement excitée; la déception fut grande, lorsqu'on examina d'un œil attentif le Shakspeare de M. Collier. Trois critiques en Angleterre, M. Singer, M. Charles Knight et M. Alexandre Dyce, discutèrent avec vivacité les corrections du fameux manuscrit. M. Singer alla jusqu'à nier l'authenticité de ces notes, semblant mettre en doute, nonseulement la sagacité, mais la probité littéraire de M. Collier; M. Dyce et M. Knight déclarèrent que la plupart de ces corrections, de quelques mains qu'elles pussent venir, étaient inadmissibles, et que si quelques-unes d'entre

(1) Notes and emendations to the text of Shakspeare's plays from early manuscript corrections in a copy of the folio 1632, in the possession of J. Payne Collier, esq.

elles enrichissaient la science, elles se soutenaient par la critique et la raison sans qu'il fût nécessaire d'invoquer une autorité très contestable. En Allemagne, un des hommes qui connaissent le mieux Shakspeare, M. Nicolas Delius, soumit le travail de M. Collier à une critique sévère, et des onze cent treize corrections proposées par l'éditeur anglais, dix-huit seulement trouvèrent grâce devant lui. De vives polémiques s'élevèrent. M. Delius fut attaqué à son tour par M. Julius Frese et par M. A. Leo. Ce dernier du reste, en adressant un blâme très amer à M. Delius, ne ménage pas les reproches à M. Collier. « M. Collier, dit-il, s'est hâté de publier une édition de Shakspeare d'après son manuscrit avant que la critique eût rendu ses arrêts sur la valeur des corrections proposées. M. Delius se hâte de les rejeter presque sans discussion. Il s'en faut bien cependant qu'on ait tout dit sur ces notes du manuscrit de 1632. L'enthousiasme aveugle de M. Collier, le désenchantement subit de ses adversaires sont également contraires à l'esprit de la critique. Qu'on laisse la science accomplir sa tâche, qu'on lui donne le temps de séparer le grain de la paille : ce n'est qu'après un examen approfondi des documens nouveaux qu'il sera convenable de donner, s'il y a lieu, une édition définitive de Shakspeare. »

Voici un livre qui semble répondre à cet appel de M. Leo. Je ne sais si M. Richard Grant White a connu la polémique dont je viens de parler, car son ouvrage, si riche de documens en tout ce qui concerne la littérature de Shakspeare, est absolument muet sur ce point; ce qu'il y a de certain, c'est qu'il continue logiquement les ouvrages de M. Delius et de M. Leo. M. Leo reproche à M. Delius une condamnation trop précipitée du manuscrit de M. Collier, et presque un rejet sans discussion; M. White rejette aussi les corrections acceptées par M. Collier, mais il les discute l'une après l'autre, et cette discussion atteste chez lui une rare sagacité littéraire, en mème temps qu'une connaissance approfondie de Shakspeare et de son temps. Pour réfuter le prétendu correcteur de 1632 et l'érudit qui le patronne aujourd'hui, des appréciations générales ne suffisent pas. M. White consacre un chapitre particulier à chacune des pièces de Shakspeare, il se pénètre de la pensée du drame, du sens de chaque scène, de l'esprit de chaque personnage, et, confrontant le texte traditionnel avec le texte du correcteur, il arrive à des conclusions si évidentes, que le lecteur les a prononcées avant lui. Le jugement définitif de M. White peut se résumer ainsi : « Le manuscrit invoqué par M. Collier est absolument dépourvu d'autorité, et les corrections qui y sont indiquées ne doivent être jugées que pour leur mérite intrinsèque.. Ce ne sont pas des renseignemens fournis par un contemporain du poète, ou par un homme qui avait recueilli fidèlement la tradition; ce sont simplement des remarques individuelles, comme chez les éditeurs du XVIIIe siècle, ce sont des notes semblables à celles de Rowe, de Pope, de Warburton, de Malone, partant soumises à la discussion et justiciables de la critique. L'auteur de ces notes ne les a tracées que longtemps après la mort de Shakșpeare, vers la fin du XVIIe siècle. Bien loin d'avoir conservé la tradition du poète, il se trompe le plus souvent sur le sens de ses œuvres, et ne modifie que ce qu'il ne comprend pas. Sur les onze cent trois corrections que propose cette prétendue autorité, il en est mille et trois qui ne soutiennent pas l'examen. Enfin, dans toutes ces conjectures plus ou moins ingénieuses, il

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