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de calcul qui lui ont si bien servi dans ses nombreuses recherches d'astronomie mathématique. C'est un admirable livre, mais à l'adresse de lecteurs privilégiés, paucorum hominum, suivant l'expression d'Horace, quoique dans son genre il rappelle la netteté avec laquelle Lagrange exposait les théories les plus élevées des mathématiques transcendantes. L'introduction, bien moins spéciale, ferait à elle seule un ouvrage utile pour tous. « Voici un livre sur l'analyse infinitésimale, disait Fontenelle au régent en lui faisant hommage d'un traité qu'il venait de publier. Combien croyez-vous, lui dit le prince, qu'il y ait de savans capables de le comprendre? De sept à huit à peu près, et je ne me mets pas de ce nombre! » L'anecdote ne s'applique à la publication des Annales de l'Observatoire qu'en raison du nombre malheureusement fort restreint de ceux qui s'occupent des mouvemens planétaires dont Laplace a tiré des lois si belles et si générales, car ceux qui prendront pour guide le livre de M. Leverrier n'éprouveront pas les embarras que suscitait l'étude de la Mécanique céleste de Laplace. Ces difficultés étaient telles que l'excellent mathématicien Bowditch, de Boston, aux ÉtatsUnis, crut faire assez pour sa propre gloire en publiant une édition de la Mécanique céleste accompagnée d'un commentaire explicatif.

Les lecteurs de la Revue connaissent l'ouvrage relatif au voyage scientifique du prince Napoléon dans les mers de l'Islande. J'en ai apprécié ici l'importance par rapport aux observations diverses qui ont été recueillies dans cette rapide excursion. On se plaint que je n'ai pas rendu justice à l'écrivain à qui l'on doit la partie dramatique et pittoresque du voyage, et qui a su entremêler la peinture des mœurs, les incidens de la campagne et l'histoire des localités visitées, de manière à entretenir la curiosité du lecteur, sans écarter toutefois les notions un peu arides qui devaient forcément entrer dans l'ouvrage. J'ai lu avec grand intérêt tout ce que le style facile de M. Charles Edmond (Choieçki) fait passer sous nos yeux, et je place bien volontiers le narrateur du voyage, dont je croyais n'avoir point à parler, au même rang que les autres collaborateurs de l'expédition.

Parmi les conquêtes scientifiques de l'année 1857, il faut compter l'Astronomie populaire de M. Arago. Comme l'auteur ne faisait rien imprimer qu en dernier ressort ne me passât sous les yeux, je connais parfaitement tout ce qu'il avait déjà publié. L'Astronomie populaire, qui était encore inédite en grande partie, m'offre du nouveau, et je suis étonné de la quantité de matériaux qui sont renfermés dans ce livre. Il est des écrivains dont la réputation est telle qu'on ne peut presque pas y ajouter par des louanges. Dès lors on en parle peu, et c'est une circonstance défavorable que ce silence, même quand il provient de l'admiration. L'Astronomie populaire contient tant d'applications originales des principes de l'optique aux phénomènes célestes, que l'auteur a fait un livre vraiment nouveau sur des données anciennement traitées par plusieurs autres avant lui. Il n'a reculé devant aucune question. Ce qu'on ne sait pas généralement, c'est que M. Arago n'empruntait la collaboration de personne. C'est ce que j'avais quelque peine à persuader à l'illustre astronome M. Struve de Saint-Pétersbourg. On voudra bien ne regarder la présente mention de l'Astronomie posthume de M. Arago que comme un premier examen d'un ouvrage qui mérite une étude com

plète et consciencieuse. Il y a là bien des points à examiner, et l'on est étonné de toutes les perspectives qui s'ouvrent à la lecture d'une composition si originale. La traduction anglaise, confiée à des savans de premier mérite, donnera sans doute lieu à des additions et à des complémens utiles. Dans sa forme actuelle, on peut dire que cet ouvrage sera utilement lu et médité par les savans comme par les gens du monde, qui, forcés de croire sur parole, veulent au moins une garantie dans la compétence de l'auteur qu'ils prennent pour autorité sans contrôle. J'ai souvent réclamé pour chaque partie des sciences un aide-mémoire qui enregistrât toutes nos richesses en chaque genre. L'Astronomie de M. Arago est un bon point de départ pour un aide-mémoire astronomique par le grand nombre de questions nouvelles qui y sont abordées,, et toujours par un écrivain qui, à juste titre, parle en maître. Je dirais donc au public qui me fait l'honneur de me consulter :Lisez l'Astronomie populaire d'Arago. - Je viens de la lire. Eh bien! relisez-la.

J'ai toujours examiné avec attention ce qui, dans la physique de la nature, pouvait nous éclairer sur le passage de la terre des époques cosmogoniques, où cette masse était pour ainsi dire en voie de formation, aux époques géologiques, où notre globe, déjà séparé de tout autre corps et même de son satellite, la lune, se constituait comme nous le voyons maintenant, et donnait naissance à tous les produits des périodes géologiques successives, minéraux, végétaux et animaux. J'ai beaucoup insisté sur la cause qui empêche les eaux de s'infiltrer au travers des crevasses du sol pour laisser la surface à sec, comme cela a lieu pour un terrain meuble qu'on arrose. Le célèbre astronome Lalande revenait sans cesse sur cette nécessité d'admettre que, dans l'intérieur du globe, il devait se trouver d'immenses nappes d'eau provenant des fentes du sol qui auraient donné passage aux réservoirs superficiels. La vraie cause de la non-infiltration des eaux réside dans la chaleur centrale de la terre, qui, à une assez faible profondeur, est déjà telle qu'elle réduit en vapeurs et rejette à l'extérieur, en lui faisant rebrousser chemin, toute l'eau qui pénètre dans ses fissures profondes; mais dans ces immenses profondeurs le liquide, fortement pressé par une formidable colonne d'eau supérieure et chauffé à une très haute température, doit acquérir des propriétés chimiques toutes nouvelles. Quelques essais anciennement tentés par M. Chevreul, les curieuses expériences de M. Cagniard de La Tour sur ce qu'on pourrait appeler des liquides élastiques, avaient déjà montré tout ce que ce sujet peut fournir à la physique et à la chimie. D'importans et heureux résultats étaient aussi dus à M. de Sénarmont. M. Daubrée vient d'essayer cette méthode au point de vue géologique. Il a renfermé de l'eau et des matières diverses dans des tubes de fer qu'il a ensuite chauffés fortement, et pendant plusieurs semaines successives, pour examiner les réactions produites sous la double influence de la chaleur et des affinités chimiques. On voit qu'il était dans les mêmes conditions qu'offre le laboratoire de la nature avec l'eau fortement comprimée et chauffée dans les entrailles de la terre. Eh bien! il a obtenu du quartz anhydre, du pyroxène et du charbon de terre dans une eau qui ne pouvait s'évaporer. Il a obtenu de même plusieurs formations géologiques tout à fait inattendues. Ainsi nous sommes conduits à

de nouveaux points de vue théoriques pour les terrains qui constituent notre terre. Il paraît que l'eau chauffée à vapeur renfermée change de caractère physique, et M. Daubrée en a obtenu des produits non moins précieux pour la géologie que pour la chimie. Un des grands inconvéniens de ces belles recherches, c'est que la vapeur brise parfois les vases de fer qui la contiennent au grand péril de l'expérimentateur. Il faut donc recommander au physicien et au chimiste une prudence extrême, qui contraste souvent avec son impatience et avec sa témérité naturelles. Lorsque Napoléon 1er apprit la blessure grave qu'avait reçue Dulong en traitant le chlorure d'azote, il dit : « Bientôt on parlera du champ du laboratoire comme du champ de bataille.» Voilà donc entre les mains de M. Daubrée la voie humide produisant les minéraux, qui semblaient le plus éloignés d'une pareille origine. La température à laquelle M. Daubrée a opéré n'est pas celle de la chaleur rouge; il a cependant obtenu bien des minéraux que l'on attribuait anciennement à la voie sèche et au feu. En poussant ces essais plus loin et en remontant par une plus forte chaleur à l'époque où la surface de notre globe était plus chaude qu'aujourd'hui, il est probable qu'on obtiendra de nouveaux produits analogues à ceux dont la nature semblait s'être exclusivement réservé la production. Voilà du feld-spath. Eh bien! ce n'est pas un minéral très Mais il a été fait par une opération de laboratoire.-Oh! alors cet échantillon est unique au monde!

rare.

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On me demande aussi où en est l'aluminium, cette espèce d'argent léger et brillant que M. Sainte-Claire Deville a obtenu en masses considérables, grâce à une généreuse subvention de l'empereur, qui voulut encourager cette importante production d'un nouveau métal précieux. Tout le monde connaît l'argile ou terre glaise avec laquelle les scupteurs modèlent les statues, qui sont ensuite reproduites en plâtre, en marbre et en bronze. C'est aussi avec l'argile que le potier de terre façonne les vases que le feu durcit ensuite et que sont formées les briques ordinaires, dont plusieurs villes, notamment Londres, sont exclusivement bâties. Eh bien! l'argile cristallisée, transparente et diversement colorée, nous donne le saphir, le rubis et la topaze orientale, de même que le charbon cristallisé nous donne le diamant. Un chimiste allemand, M. Woehler, avait déjà tiré de l'argile quelques grains du métal qu'elle renferme, exactement comme la terre rouge, appelée ocre, renferme le fer. M. Deville, par des procédés admirables de laboratoire, et en opposant l'une à l'autre les affinités chimiques, a isolé le métal nouveau en grandes masses. Le résultat de pareilles recherches avait été ornairement la découverte de métaux peu brillans, pulvérulens, cassans, impropres au travail du marteau et de la filière, tels que ceux que les anciens alchimistes appelaient demi-métaux, et qui leur semblaient des ébauches imparfaites de la nature. Le silicium et plusieurs autres parens de l'aluminium ne ressemblaient guère à l'argent, au cuivre, au platine, au fer, à l'étain; l'aluminium s'est trouvé avoir presque toutes les propriétés utiles ou brillantes de ces anciens représentans de l'industrie et de la richesse, avec une légèreté incroyable. Il pèse quatre fois moins que l'argent. Il se prête à tous les ouvrages délicats de l'orfévrerie, et ses alliages commencent à prendre un rang important dans les arts. Le kilogramme d'argent représente

200 fr., celui de platine 800 fr., le kilogramme d'or vaut 3,000 fr., et enfin celui d'aluminium se livre aujourd'hui à 300 fr. dans deux usines, dont l'une est à Paris et l'autre à Rouen. L'aluminium, à cause de sa dureté et de son peu de poids, est le plus sonore de tous les métaux, et son diapason, à parité de forme, est beaucoup au-dessus de celui des autres métaux. Dans les succès scientifiques comme dans ceux de la vie sociale, plusieurs raisonneurs envieux n'admettent que le hasard. Ils ne veulent pas dire: Tel homme a été habile, mais: Tel homme a été heureux; d'autres, absolutistes dans leur admiration, veulent que les inventeurs aient tiré tout de leur mérite propre et, comme le voulait Caton, soient à eux-mêmes leurs propres dieux. M. Deville a-t-il été heureux ou habile? Je crois qu'il a été l'un et l'autre. Il n'est pas donné à tous les chimistes d'enrichir la société d'un nouveau métal précieux.

Les sciences mathématiques ont fait une grande perte en 1857. La mort a frappé l'illustre Cauchy, qui avait embrassé dans ses travaux toutes les parties des mathématiques, en conservant en chacune d'elles une supériorité incontestable. Il avait le sentiment des abstractions analytiques, comme les abeilles ont l'instinct de la construction et de l'approvisionnement des ruches. Il me faudrait bien des pages pour exposer le résultat de toutes ses recherches. J'ai souvent eu avec lui d'interminables conversations d'où je sortais de plus en plus émerveillé de la haute portée de son génie. Je lui avais parlé du calcul des perturbations des planètes dont les révolutions sont pour la durée dans des rapports simples, comme par exemple les planètes Isis ou Hébé, qui mettent deux fois plus de temps que Mars à faire le tour du soleil, ou encore la planète Daphné, qui fait trois révolutions contre une que fait Jupiter. La question au dire de tous est très ardue, mais si elle avait dû être tranchée par quelqu'un, elle l'eût été par Cauchy. La France perd en lui l'auteur de travaux de premier ordre, et de plus ceux qu'il eût encore exécutés. Cauchy nous assurait le premier rang parmi les mathématiciens, et la dignité du caractère rivalisait chez lui avec la profondeur des méditations. Ainsi que Fontenelle l'a dit de Leibnitz, il y avait en lui l'étoffe de plusieurs savans.

Tels sont quelques-uns des faits scientifiques à noter dans l'histoire de l'année qui vient de finir. En définitive, la période que nous venons de retracer a continué honorablement d'enrichir les connaissances humaines. Il n'est pas donné à toutes les époques de moissonner la science. Heureux encore quand on peut la glaner!

BABINET, de l'Institut.

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

31 décembre 1857.

Il est en certains pays catholiques une vieille coutume qui survit encore, une coutume mélancolique et profondément religieuse. Toutes les nuits, un veilleur solitaire, horloge vivante, parcourt les rues en annonçant les heures. D'une voix monotone et triste, il chante la fuite des choses pour ceux qui sont dans la joie comme pour ceux qui souffrent, car pour les uns et les autres le temps s'enfuit d'un vol égal. Nous ne comptons plus les heures, qui passent trop vite. Il en est une pourtant où il nous revient comme un écho de la lente et mélancolique psalmodie du veilleur nocturne, c'est celle qui nous avertit qu'une année de plus finit : c'est l'heure où nous sommes. A ce moment donc, qui sépare deux périodes du temps, et où renaît chez tous les hommes le sentiment indéfinissable des choses évanouies, des choses qui ne reviendront pas, si l'on se demandait ce qu'a été cette année qui vient de s'écouler, ce qu'elle a fait, ce qu'elle a vu, ce qu'elle a produit, que trouverait-on? C'est visiblement une histoire qui compte des épisodes plutôt que quelque événement supérieur et dominant. Pour tous les pays, il y a des épreuves domestiques, des travaux intérieurs, des crises d'industrie et de finances, des efforts diplomatiques; on ne voit rien qui fasse de la vie européenne un de ces drames où chacun vient prendre sa place et son rôle.

En ce moment même, les difficultés qui ont trait à l'organisation des principautés du Danube, et qui ont été léguées par la dernière guerre, ces difficultés sont encore à résoudre. L'Angleterre a trouvé sa tragique diversion dans les Indes, et elle n'attend d'avoir abattu les cipayes révoltés que pour se tourner vers la Chine. La Russie semble se montrer disposée à se rapprocher de la civilisation occidentale en annonçant une lente et progressive transformation de l'état de ses populations rurales. Et si l'on étend son regard vers d'autres pays, chacun a ses affaires propres. L'Autriche réduit son armée pour suffire à ses besoins financiers, qui sont toujours grands, et

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